La
Statue de la Liberté accueille les migrants de tous les pays en
cette année 1902. Parmi eux, les frères Hillström, Joseph (Thommy
Berggren) et Paul (Hasse Persson), surnommé Paulie par le premier.
La vie n'est pas facile, surtout quand on ne parle pas un mot
d'anglais et que personne ne comprend le suédois. Paul a trouvé un
petit boulot dans le New Jersey, et Joe vit pour l'instant de petits
expédiant qui peuvent lui permettre de survivre dans la grande ville
grouillante, remplie de clochards et de gens riches qui ne se
côtoient jamais. Mais ça ne l'empêche pas d'envoyer à sa maman
restée en Suède des bonnes nouvelles.
Joseph
se fait vite surnommé Joe par un gamin pour lequel il s'est pris de
sympathie. Et réciproquement. Débrouillard comme tout, le
« Renard » (Kelvin Malave), tel est son surnom, vole tout
ce qu'il peut pour manger. Une fourrure à une dame, des cuillers en
argent, des poissons sur le port de New York. Le Renard vit avec sa
maman et son petit frère souffreteux. Ils seront expulsés de leur
pauvre logement. Première révélation pour Joe de l'injustice
sociale. Mais pour l'instant, il rêve à une belle vie. Il colle son
oreille à la porte de la sortie des artistes de l'opéra et écoute
les airs et il rencontre une belle italienne (Anja Schmidt) qui
pratique la même passion.
Rien
ne retient vraiment Joe Hill à New York. Avec sa petite valise,
portant son nœud papillon et sa plus belle veste, il décide de
retrouver son frère Paulie. Il l'appelle en hurlant sur les
collines. Il ne le reverra jamais mais rencontre un hobo,
un vagabond surnommé Blackie (Evert Anderson) qui se moque de sa
valise, bien impraticable pour un vagabond et la troque contre un
baluchon bien plus commode pour grimper dans les trains. Joe et
Blackie commencent leur périple ensemble. Joe
Hill se lance dans un road
movie où son personnage fera
des haltes au gré des rencontres.
La
découverte de la justice et de la lutte contre les patrons se fait
au détour d'un train où toute une ribambelle de gars portant un
foulard aux couleurs d'un nouveau syndicat sort d'un train. Leur
leader explique qu'ils doivent vite filer par peur de se faire
embarquer par la police. Joe et Blackie qui traversent le continent
depuis de longs mois ne sont que deux simples baroudeurs, mais pour
Joe cette rencontre va bouleverser sa vie. Au village, les activistes
haranguent la foule sous les insultes des bigots et les matraques des
policiers. Joe lit les tracts du syndicat (le IWW, Industrial Workers
of the World) mais poursuit son périple.
Il
s'arrête dans une ferme de Californie pour voler des œufs, se fait
surprendre par Cathy (Cathy Smith) la fille du fermier mais il
réussit à la convaincre de s'installer, pour l'aider à la ferme,
d'autant que le papa est malade. Blackie fuit la vie sédentaire. Joe
Hill restera un certain temps le compagnon de la fermière jusqu'à
ce que ses démons reprennent le dessus. Et par démons, j'entends
cette soif de justice à laquelle il a simplement goûté lors de sa
rencontre avec les syndicalistes. La fermière le vire sans
ménagement, jetant les tracts et les maigres affaires de Joe qui
reprend la route.
Jusqu'à
présent, Bo Widerberg soufflait le chaud et le froid, alternant des
moments légers avec d'autres plus graves. Désormais seul, Joe Hill
va se consacrer tout entier au syndicat. Le film ne cesse alors de
montrer avec froideur et justesse les terribles conditions des
ouvriers. La mine, la construction des chemins de fer, les
restaurants. Chaque fois, les contremaîtres traitent plus bas que
terre les ouvriers, les font marner 12 heures par jour, les
assoiffent en leur vendant leur limonade. Chaque fois, Joe Hill
s'élève contre les patrons et les flics à leur solde. S'il ne peut
pas parler en place publique, Joe Hill chantera sur l'air de Armée
du Salut, défiant le pouvoir corrompu.
Joe
Hill est tiré de l'histoire
vraie de son personnage éponyme. Le héros du syndicalisme a inspiré
une chanson à Joan Baez qui ouvre le film. Son destin sera funeste.
Il sera accusé par le ministère de la justice de l'Utah d'un double
meurtre. La dernière partie du film est consacrée à son procès à
charge, chacun – patrons, bourgeois, police – voulant sa mort. Il
sera donc condamné à mort. Les dernières séquences le montrent en
prison, dessinant sur le plancher une carte des Etats-Unis et les
lieux où il s'est rendu, autant d'endroits où il a égrainé sa
colère. Ses chansons protestataires, son aura auprès du syndicat
IWW (qui existe toujours) auront survécu à son exécution par les
armes le 15 novembre 1915.
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