Richard
Linklater est un Texan, mais pas un partisan de la famille Bush, il
est du genre libéral, fondateur d'une association de cinéma à
Austin dès 1985 à l'âge de 25 ans, Austin Film Society qui a
permis à la ville du Texas d'être une enclave culturelle au milieu
d'un état éminemment conservateur. C'est à Austin que l'un des
plus grands festivals du monde, South by Southwest (SXSW) a été
créé, antre du vrai cinéma indépendant. Au sein de son studio,
Richard Linklater a permis à certains cinéastes de s'affranchir de
Hollywood : Quentin Tarantino y tourné Boulevard de la mort,
Robert Rodriguez la plupart de ses films, David Gordon Green natif de
l'Arkansas, producteur de Jeff Nichols, est un familier du lieu.
Depuis 25 ans, Richard Linklater a tourné une vingtaine de films.
C'est beaucoup, mais la plupart de ses longs-métrages ne sont pas
sortis en France. Il n'est pas un grand cinéaste, loin de là,
certains de ses films sont terriblement niais. Comédie musicale,
thriller, biopic, animation, film noir, comédie, romance, il passe
allégrement d'un genre à l'autre, comme Steven Soderbergh mais sans
les afféteries ou comme Robert Altman sans le cynisme. Dénué de
style propre, ses films sont cependant marqués par des motifs
récurrents : la notion de hasard, le travail du temps qui passe
et des bavardages incessants entre les personnages.
Slacker
(1990)
A
partir d'un événement traumatisant, un accident de voiture à une
station de bus, Richard Linklater crée tout un mouvement de dominos.
Il suit un premier personnage (lui-même) qui en rencontre un
deuxième, s'en suit une longue discussion, ce deuxième personnage
en rencontre un troisième ad libidum. Le film se déroule en temps
réel dans un quartier modeste d'Austin. Filmé en 16mm en toute
indépendance et pour quelques dollars, Slacker traverse les
rues d'Austin pour s'arrêter chez des gens qui glandent, qui passent
leur temps à discuter de sujets divers et variés qui ont tous un
lien avec l'histoire des USA (l'assassinat de JFK, Madonna, le voyage
sur la lune, les séries télé). Inédit en France, le film a été
édité par Criterion entre deux classiques du cinéma japonais.
Génération
rebelle / Dazed and confused (1993)
Quand
Matthew McConaughey finit son speech lorsqu'il reçoit son oscar pour
Dallas buyer's club, il termine par « alright alright
alright ». C'était sa réplique phare dans Dazed and
confused vendu en France à l'époque comme un film « grunge »
avec ses jeunes héros qui entrent à l'université au milieu des
années 1970 et dans la vie adulte, c'est-à-dire séduire et coucher
avec une personne du sexe opposé. Cette comédie grivoise, mais pas
trop, accueillait dans leur premier vrai rôle Milla Jovovich, Ben
Affleck, Adam Goldberg entre autres. Le film a passablement vieilli
faute d'une solide construction, Richard Linklater poursuivait sa
forme de film à sketches, son grand défaut de ne pas savoir faire
un scénario « en béton ». La bande originale du film,
copieuse, utilise tout ce que le rock faisait de mieux en 1975.
Before
sunrise (1995), Before sunset (2004) Before midnight (2013)
On
peut l'appeler la trilogie des before (l'aurore, le coucher de
soleil, minuit), ou la trilogie européenne (Vienne, Paris, la
Grèce), ou la trilogie Ethan Hawke Julie Delpy. Dans ces trois
films, les plus connus de Richard Linklater, les deux acteurs
déambulent tels des touristes dans les rues romantiques de Vienne et
Paris puis sur les routes ensoleillées de la Grèce dans la quête
de points communs dans de longues conversations sur l'amour, la vie
et les vaches. Ils se rencontrent par hasard dans un train, et comme
il se doit, ils tombent amoureux dans Before sunrise.
Ils racontent leur vie loin de l'autre dans Before sunset,
lui a eu un fils – celui de Boyhood ?, elle est
devenue écrivain dans les 8 ans qui séparent les deux films. Dans
Before midnight, ils ont été en couple, ont eu deux jumelles
puis se sont séparés. La petite musique de Richard Linklater est
agréable et s'améliore au fil du temps. Les deux personnages de
Jesse et Céline sont également dans un séquence de Waking life.
Le
Gang des Newton / The Newton boys (1998)
Matthew
McConaughey, Ethan Hawke, Vincent D'Onofrio et Skeet Ulrich sont les
frères Newton. Première incursion de Richard Linklater dans le film
d'époque (le Texas des années 1920), The Newton boys explore
les exploits d'une fratrie de cow-boys devenue gang de casseurs de
banque et de dévaliseur de train. Ils agissent pour la justice car,
selon eux, les banques quand elles sont font dévaliser touchent une
assurance. Conclusion : elles arnaquent les gens, autant leur
prendre leur argent. Franchement trop long, The Newton boys
coince aux entournures dès qu'il évoque la vie privée et amoureuse
des frangins. La meilleure partie est dédiée à leur exil, au
milieu d'une forêt, loin de la ville, des femmes et des braquages.
Le film sera un gros bide.
Waking
life (2001)
Premier
essai à la rotoscopie, ce procédé d'animation qui consiste à
dessiner à partir de prises de vues réelles, Waking life
entend, à la manière de Slacker, soit une ronde de
personnages disparates et sans lien les uns avec les autres, causer
philosophie. C'est terriblement raté, prétentieux et mou,
l'archétype du film Sundance qui pète plus haut que son cul.
Rock
Academy / School of rock (2003)
Plus
gros succès public de Richard Linklater, Rock Academy a la
bonne idée de laisser Jack Black libre comme l'air et l'acteur ne se
ménage pas à la tâche. Guitariste dans un groupe de rock, il se
voit virer et décide devenir le prof de musique d'une école privée,
usurpant l'identité du vrai enseignant. La rencontre entre le gros
paresseux inconséquent et la future élite argentée provoque de
nombreux moments comiques qui font merveille. Le but du personnage de
Jack Black n'est pas d'apprendre la musique aux marmots mais de les
inscrire à un concours de rock pour concurrencer son ancien groupe.
Il va ainsi mentir à la directrice du collège et devenir l'idole de
ses élèves. Les enfants sont admirablement bien dirigés. La
meilleure comédie du cinéaste. Cas rare, les chansons (du rock bien
connu) sont jouées in extenso.
Bad
news Bears (2005)
Rôle
parallèle à Rock Academy, Billy Bob Thornton remplace Jack
Black dans Bad news Bears, avec son air grognon habituel, en
tant qu'ours mal léché au milieu d'enfants qui n'en demandaient
pas. Il est un ancien joueur de baseball, devenu alcoolo et
dératiseur qui se voit proposer d'entraîner une équipe de gamins
tous plus nuls les uns que les autres. Moins réussi que Rock
Academy, Bad news Bears parvient à faire rire grâce aux
mauvaises manières de Billy Bob Thornton, monstre de vulgarité et
d'égoïsme. La fin édifiante sur le mode « tout le monde peut
y arriver avec un peu d'effort, on est Américain, que diable »
est évidemment décevante.
Fast
food nation (2006)
L'une
des promesses les plus démagogiques de Donald Trump est de renvoyer
chez eux les Mexicains. Cela affole les états limitrophes (Colorado,
Texas, Californie et Nevada) car ce sont les Mexicains, sans papiers
et payés au lance pierre, qui sont derrière les fourneaux. Fast
food nation parle, entre autres, de ces migrants illégaux qui
cherchent du travail dans une compagnie de fast food. Leur boulot est
harassant, leur condition précaire, ils sont là pour dépiauter les
carcasses de viande qui seront servis dans les hamburgers.
Parallèlement, un journaliste enquête sur cette multinationale où
des matières fécales ont été découvertes dans la viande. Film
choral aux nombreux personnages qui se croisent, Fast food nation
se veut un pamphlet contre l'Amérique consumériste mais la charge,
parfois efficace, est noyée dans des histoires d'amour plates.
A
scanner darkly (2006)
Deuxième
essai à la rotoscopie, cette fois réussi. A scanner darkly
est d'abord un gros casting composé de stars jamais venue dans le
cinéma de Richard Linklater : Keanu Reeves, Robert Downey Jr,
Woody Harrelson, Winona Ryder. Le film présenté, tout comme Fast
food nation, au Festival de Cannes 2006 a été un énorme bide
commercial, ce qui n'empêche pas qu'il est une adaptation réussie
du roman de Philip K. Dick. L'image rotoscopée donne une vision
intéressante de l'effet d'une nouvelle drogue dure et développe le
sujet de la surveillance de l'Etat sur le citoyen. Contrairement à
Minority report de Steven Spielberg et Paycheck de John
Woo, sortis juste avant A scanner darkly, Richard Linklater
choisit de supprimer tous les effets spectaculaires des deux
précédentes adaptations de Dick et de se concentrer sur la
suggestion, sur les discussions paranoïaques du trio d'acteurs et
sur le faux-semblant. Le récit est souvent un peu compliqué,
embrouillé mais correspond à l'impression de flottement que
subissent les protagonistes.
Me
and Orson Welles (2008)
Zac
Efron venait tout juste de finir son dernier High school musical
pour Disney et il n'était pas encore engagé pour ses rôles récents
où il ne doit porter comme tout costume qu'un pantalon (variante, un
short ou un slip). Quelle aubaine pour lui de se confronter au monde
du théâtre et à Orson Welles (incarné ici par Christian McKay).
Zac Efron joue le nouvel assistant de Welles quand celui-ci était
encore l'enfant chéri de l'Amérique mais pas encore cinéaste.
Nouvel assistant, car Welles est montré comme un être tyrannique et
son assistant est son souffre-douleur. Evidemment quand l'assistant
écoute les conseils du Maître et qu'il couche avec sa maîtresse,
Orson se met dans une colère noire et vire l'insolent avant de le
rembaucher pour mieux l'humilier. Rare film de Richard Linklater à
quitter le Texas pour New York, Me and Orson Welles élève la
cabotinage et l'histrionisme au rang de grand art.
Bernie
(2011)
Meilleur
film de Richard Linklater, Bernie n'est pourtant jamais sorti
en France. Jack Black est ce Bernie, bon gros célibataire qui
officie comme croque-mort, avec un grand sourire et une belle
abnégation, même quand les gens abusent de sa gentillesse. Quand il
rencontre une vieille acariâtre, incarnée avec humour par Shirley
McLaine, il devient son chien berger, puis son petit toutou toujours
prompt à céder à tous ses caprices. Effets comiques garantis.
Parce qu'elle est détestée de tous, personne ne s'inquiète
vraiment de ne plus la voir. C'est que Bernie s'est débarrassée
d'elle. Tout simplement. Le procureur du coin (retour de Matthew
McConaughey chez Linklater) veut juger Bernie, mais aucune preuve de
son meurtre n'est trouvée. Cette brillante comédie noire est
scandée par des interviews des vrais habitants de la ville où s'est
déroulé ce crime, donnant des points de vue contradictoires,
certains soutiennent Bernie, certains l'accusent. Le vrai Bernie
Tiede a passé dix ans en prison et vient d'être libéré.
Boyhood
(2013)
Si
Boyhood me touche tant, c'est sans doute parce qu'il me
rappelle une émission de télé que je regardait ado (Que
deviendront-ils ? Sur Antenne 2). Sur dix ans, des jeunes de mon
âge étaient suivis. Boyhood est de cette veine, dix ans
compressés sur 2h45. Au cinéma, cela n'avait jamais été fait,
filmer trois acteurs (Ethan Hawke, le père, Patricia Arquette, la
mère et Ellar Coltrane, le fils) pendant douze ans, avec des bribes
de vie, sans avoir recours entre les séquences, comme autant
d'années écoulées, à une annonce de calendrier. Boyhood
c'est vraiment tout du rythme, du temps et de l'espace, un enfant qui
grandit, des parents qui divorcent, qui se remarient, des événements
en écho, de la musique, les premières amours, une partie de chasse
et des trajets en voiture. La seule équivalence (mais en
documentaire) est chez Michael Apted avec sa série Up débutée
en 1963 et poursuivie jusqu'en 2012 où il filme la même famille
tous les 7 ans. Mais pour moi, Boyhood se réfère plutôt à
ces séries télé, les sitcoms surtout, où l'on suit la vie de ses
personnages sur plusieurs saisons. Alyssa Milano avait mon âge au
début de Madame est servie.
Everybody
wants some (2016)
Dès
que le le vois, j'en cause.
Pas
vus : It's impossible to learn to plow by reading books (1988),
SubUrbia (1997), Tape (2001)
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