vendredi 9 septembre 2016

Une petite sœur pour l'été (Nagis Oshima, 1972)

Avec Le Petit garçon (1969) et La Cérémonie (1971), Une petite sœur pour l'été complète une trilogie (pas forcément décidée par Nagisa Oshima) sur la famille japonaise vue comme un enfer, une souffrance pour ses membres, une malédiction. Le cinéaste abandonne son format cinémascope aux couleurs vives, aux tons contrastés pour un cadre carré, un film tourné en 16mm, rapidement, sans son direct (tout est post-synchronisé en auditorium), pratiquement sans bruit naturel. Pourtant, tout se déroule dans la nature, celle ensoleillée d'une des îles de l'archipel d'Okinawa, au sud du Japon, que les Etats-Unis, après 25 ans d'occupation militaire, ont restitué en 1971.

Du bateau qui accoste, deux jeunes femmes descendent du pont. Sunaoko (Hiromi Kurita) est une lycéenne de 17 ans, minijupe, cheveux au vent et toujours à parler. Elle dira à Momoko (Lily) qu'elle est « le premier rôle ici », comme si le cinéaste essayait de temps en temps de briser le quatrième mur. Sunaoko, appelée Sunta par Momoko, va devenir très prochainement la belle-fille de Momoko, cette dernière va épouser son père, malgré la différence d'âge. On dirait deux sœurs. Elles sont suivis par un homme, chauve, qu'elle ne connaissent pas. Habillé en costume blanc, Sakurada (Taiji Tonoyama) va passer son temps à boire (du saké, de la bière) et clamer à qui veut l'entendre qu'il cherche quelqu'un pour se faire tuer, sans expliquer pourquoi.

Okinawa est une île que l'on connaît peu, pense Nagisa Oshima. C'est parti pour une visite guidée de nos trois personnages en car, puis dans un cimetière, à un autre moment dans un quartier chaud (c'est-à-dire un bordel). Chaque fois les personnages causent comme dans un guide touristique. Mais c'est surtout la situation particulière d'Okinawa qui intéresse le cinéaste, sa place comme garnison pour des milliers de soldats américains qui ont façonné la ville à leur image, tous les néons, tous les enseignes sont en anglais. Et à Okinawa, la population parle leur propre langue, d'ailleurs un jeune homme, contre 100 yens, propose aux Japonais d'apprendre quelques mots.

Ce garçon au très grand sourire, à la guitare en bandoulière et à la chemise ouverte s'appelle Tsuruo (Shoji Ishibashi). Sunaoko le rencontre par hasard. Elle ne le sait pas encore mais il est le but de son voyage ici. Elle avait reçu une lettre de lui annonçant qu'il est son frère, que son père, le juge Kosuke Kikuchi (Hosei Komatsu) avait mis enceinte sa mère Tsuru Omura (Akiko Koyama) 20 ans plus tôt et qu'il était parti sans laisser de nouvelles. Mais à la suite d'une confusion, lors d'un séjour à Tokyo où il était venu l'espionner, Tsuruo croit que Momoko est sa petite sœur. Et cette dernière avait continué de lui écrire en secret de Sunta.

C'est donc à une complexité familiale que Nagisa Oshima s'attaque, tout à la fois du point de vue ethnique mais aussi du point de vue de la descendance. Le commissaire de police Shinko Kunioshi (Kai Sato) pourrait aussi être le père de Tsuruo. C'est aussi un conflit de générations que le cinéaste développe avec les rencontres entre anciens et jeunes. Les habits traditionnels pour les uns, dans des dîners policés au son des chants coutumiers entonnés par un étrange bonze (Mutsuhiro Toura) et les discussions décontractées des jeunes, plus directes, très franches. Et de ce film plutôt énigmatique, mais souvent rigolo et franchement foutraque, on ne saura jamais qui est le père de Tsuruo.






















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