Avec
Le Petit garçon (1969) et La Cérémonie (1971), Une
petite sœur pour l'été complète une trilogie (pas forcément
décidée par Nagisa Oshima) sur la famille japonaise vue comme un
enfer, une souffrance pour ses membres, une malédiction. Le cinéaste
abandonne son format cinémascope aux couleurs vives, aux tons
contrastés pour un cadre carré, un film tourné en 16mm,
rapidement, sans son direct (tout est post-synchronisé en
auditorium), pratiquement sans bruit naturel. Pourtant, tout se
déroule dans la nature, celle ensoleillée d'une des îles de
l'archipel d'Okinawa, au sud du Japon, que les Etats-Unis, après 25
ans d'occupation militaire, ont restitué en 1971.
Du
bateau qui accoste, deux jeunes femmes descendent du pont. Sunaoko
(Hiromi Kurita) est une lycéenne de 17 ans, minijupe, cheveux au
vent et toujours à parler. Elle dira à Momoko (Lily) qu'elle est
« le premier rôle ici », comme si le cinéaste essayait
de temps en temps de briser le quatrième mur. Sunaoko, appelée
Sunta par Momoko, va devenir très prochainement la belle-fille de
Momoko, cette dernière va épouser son père, malgré la différence
d'âge. On dirait deux sœurs. Elles sont suivis par un homme,
chauve, qu'elle ne connaissent pas. Habillé en costume blanc,
Sakurada (Taiji Tonoyama) va passer son temps à boire (du saké, de
la bière) et clamer à qui veut l'entendre qu'il cherche quelqu'un
pour se faire tuer, sans expliquer pourquoi.
Okinawa
est une île que l'on connaît peu, pense Nagisa Oshima. C'est parti
pour une visite guidée de nos trois personnages en car, puis dans un
cimetière, à un autre moment dans un quartier chaud (c'est-à-dire
un bordel). Chaque fois les personnages causent comme dans un guide
touristique. Mais c'est surtout la situation particulière d'Okinawa
qui intéresse le cinéaste, sa place comme garnison pour des
milliers de soldats américains qui ont façonné la ville à leur
image, tous les néons, tous les enseignes sont en anglais. Et à
Okinawa, la population parle leur propre langue, d'ailleurs un jeune
homme, contre 100 yens, propose aux Japonais d'apprendre quelques
mots.
Ce
garçon au très grand sourire, à la guitare en bandoulière et à
la chemise ouverte s'appelle Tsuruo (Shoji Ishibashi). Sunaoko le
rencontre par hasard. Elle ne le sait pas encore mais il est le but
de son voyage ici. Elle avait reçu une lettre de lui annonçant
qu'il est son frère, que son père, le juge Kosuke Kikuchi (Hosei
Komatsu) avait mis enceinte sa mère Tsuru Omura (Akiko Koyama) 20
ans plus tôt et qu'il était parti sans laisser de nouvelles. Mais à
la suite d'une confusion, lors d'un séjour à Tokyo où il était
venu l'espionner, Tsuruo croit que Momoko est sa petite sœur. Et
cette dernière avait continué de lui écrire en secret de Sunta.
C'est
donc à une complexité familiale que Nagisa Oshima s'attaque, tout à
la fois du point de vue ethnique mais aussi du point de vue de la
descendance. Le commissaire de police Shinko Kunioshi (Kai Sato)
pourrait aussi être le père de Tsuruo. C'est aussi un conflit de
générations que le cinéaste développe avec les rencontres entre
anciens et jeunes. Les habits traditionnels pour les uns, dans des
dîners policés au son des chants coutumiers entonnés par un
étrange bonze (Mutsuhiro Toura) et les discussions décontractées
des jeunes, plus directes, très franches. Et de ce film plutôt
énigmatique, mais souvent rigolo et franchement foutraque, on ne
saura jamais qui est le père de Tsuruo.
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