Vingt-cinq
ans après le classique de King Hu, Tsui Hark met en place la
production d’un remake réalisé par un de ses fidèles, Raymond
Lee avec l’aide de Ching Siu-tung pour les chorégraphies des
combats. L’Auberge
du dragon reprend la
plupart des éléments scénaristiques de Dragon
Inn. Le générique
reprend la musique originale et la forme de parchemin qui défile.
L’ouverture se déroule avec l’eunuque Zhao (Donnie Yen),
toujours aussi cruel, qui usurpe le pouvoir et liquide tous ses
ennemis. Il est dépeint comme un homme aux manières efféminées,
maquillé, se tapotant le coin des lèvres avec un mouchoir. Son
regard vicieux admire le travail de torture produit sur Yang, le
ministre des armées, qu’il accuse de traitrise. Il sera exécuté
et ses enfants, bien plus jeunes que dans Dragon
Inn, seront exilés.
La
stratégie de l’eunuque est simple. Il suppose que les fidèles de
Yang, notamment le général Chow Wai-on (Tony Leung Ka-fai) va venir
délivrer les enfants du ministre. Ainsi, il pourra les capturer et
les éliminer. Du haut d’une falaise donnant sur un canyon, Zhao,
bien assis sur son fauteuil, longue-vue rivée sur l’œil, va
observer la scène. Chow ne vient pas en personne, au grand dam de
l’eunuque, il a envoyé libérer les enfants par Mo-yan (Brigitte
Lin) accompagnée de quelques mercenaires. Très vite, on voit la
différence avec le film de King Hu. La chorégraphie du combat se
place d’emblée dans la lignée de ce que Ching Siu-tung avait
donné dans ses films précédents, un défi à l’apesanteur, des
acteurs virevoltant les uns au dessus des autres, un rythme et un
montage effréné proche de l’abstraction. Le réalisme est effacé
au profit d’un art poétique bariolé et purement
cinématographique.
Il
y a encore mieux avec le personnage de Maggie Cheung. Elle est Jade,
la taulière de l’auberge du dragon où le récit va désormais se
tenir. Dès sa première apparition, Jade est montrée comme une
nymphomane, sautant sur tous les hommes. Elle est sans doute la
maitresse du capitaine de la frontière (Elvis Tsui), soldat rustre
mais dont elle abuse de la naïveté et de la bêtise. Des perles de
sueur coulent sur sa poitrine à peine cachée par sa tunique tandis
qu’elle caresse un client, client qu’elle va tuer et qui va
servir de chair à saucisse. Cette sensualité sera présente pendant
tout le film et atteindra son point culminant proche de l’érotisme
dans une scène entre Jade et Mo-yan. Cette dernière se lave quand
Jade entre dans se chambre. Elles vont se battre à coups de
vêtements, les drapés vont circuler dans toute la pièce, elles
seront alternativement nues puis habillées échangeant des dialogues
sarcastiques.
Jade
ne le sait pas encore, mais Mo-yan attend Chow Wai-on, son amant. Il
arrive fièrement à dos de chameau (l’auberge est au milieu du
désert) au son de la flûte de son aimée. Jade va chercher à
séduire Chow par tous les moyens. Les minauderies de Maggie Cheung
ont un pouvoir comique et contrastent avec la figure sévère de
Brigitte Lin qui voit d’un mauvais œil les manigances de
l’aubergiste. Il faut dire que l’enjeu se corse avec l’arrivée
des hommes de Zhao menés par Cha Ting (Lau Shun) et ses seconds dont
Hung Yan-yan en combattant féroce. Comme dans le film de King Hu,
les deux ennemis font semblant de sympathiser, chacun élaborant un
plan pour piéger l’autre. Au milieu, Jade vend son soutien au plus
offrant dans un concours de mensonges qui provoque des retournements
de veste de sa part. Elle accentue la jalousie de Mo-yan à obligeant
Chow à l’épouser en échange de la révélation d’un secret.
Tout
le monde attend désormais l’eunuque Zhao qui s’approche avec son
armée de féroces soldats. Dans une tempête de sable, puis au
milieu du désert, alors qu’ils cherchent encore à évacuer les
enfants, Mo-yan, Chow et Jade, tous experts dans le maniement du
sabre, vont affronter Zhao dans un combat dont la mise en scène
devient un sommet de tension tout en travellings latéraux qui
tentent de capturer les personnages qui déboulent dans le plan en
contre-sens. Au final, L’Auberge
du dragon ne ressemble
que superficiellement à Dragon
Inn de King Hu. Le film
de Tsui Hark, Ching Siu-tung et Raymond Lee demeure un modèle
indépassable du wu xia pian.
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