Juste
au moment où toute la presse se déchire sur Juste la fin du
monde qui a subi une vraie bronca à Cannes, un véritable
pyscho-drame, tout le monde est tombé sur Xavier Dolan qui s'est
senti obligé de critiquer les critiques qui lui a rétorqué en le
traitant d'ingrat et d'enfant gâté, et voilà donc, juste à ce
moment, j'aime bien son nouveau film, alors que franchement, jusque
là, j'ai toujours eu un peu de mal avec ses films (oui, même Mommy
et son insupportable adolescent histrion).
On
passe donc du québécois le plus trivial (les films étaient
sous-titrés en français) et d'un milieu très populaire (Mommy
et sa mère endettée et inconséquente, Tom à la ferme et
ses bouseux inquiétants) à Louis (Gaspard Ulliel) joli gars qui se
déplace en avion (la photo de l'affiche est prise dans ces scènes)
qui passe de la grande ville (la civilisation) à la petite ville (la
sauvagerie de sa famille) après 12 ans d'absence.
La
famille qu'il a quitté : la mère Martine (Nathalie Baye) coupe
à la Louise Brooks, yeux maquillés avec outrance et voix haut
perchée, la petite sœur Suzanne (Léa Seydoux) a presque jamais
connu Louis, Antoine (Vincent Cassel) est le grand frère, jadis
protecteur de Louis comme le fait découvrir l'un des flash-back et
Catherine (Marion Cottilard), la belle sœur, l'épouse d'Antoine,
Catherine rencontre pour la première fois Louis.
Cinq
personnages et une journée pour se retrouver. Martine prépare les
collations dans de belles assiettes. Des petits légumes, un peu de
charcuterie, des bols pour faire la trempette. Martine se prépare
également, maquillage très voyant, les paupières en bleu et des
faux cils. Elle en profite pour refaire le visage de Suzanne, peu à
l'aise avec le maquillage. Elle l'enlèvera d'ailleurs en milieu de
film après une remarque peu amène d'Antoine.
Dans
cette famille, il y a 12 ans à rattraper. Enfin, c'est ce qu'ils
pensent. Ainsi pendant le repas, on cause. Chaque personnage a son
propre débit et registre. Nathalie Baye parle à toute vitesse,
Vincent Cassel éructe chaque dialogue, Marion Cottillard est
hésitante et butte sur les mots, Léa Seydoux aborde une voix
vulgaire. Gaspard Ulliel écoute tout, parle peu, avec une voix très
douce qui contraste avec les autres membres de la famille.
Cette
différence de langage entre Louis et les autres provient de cette
longue absence. On saura peu de choses sur ces 12 ans, on apprendra
que Louis est devenu écrivain, qu'il a vécu dans un « quartier
gay » comme dit sa mère et qu'il va mourir. C'est pour leur
annoncer qu'il vient les voir. Ce qui est beau et subtil dans Juste
la fin du monde est cette manière de ne jamais expliquer, ce qui
change radicalement des films de retrouvaille où tout est déballé.
Chez
Xavier Dolan, l'ineffable prend le dessus et les discussions restent
en suspens. La violence des retrouvailles permet à Antoine de
cracher son venin mais il est incapable, notamment dans cette
séquence en voiture, de s'exprimer. Tout juste parviendra-t-il à
dire à son petit frère que Pierre son premier amant vient de mourir
d'un cancer. On venait, dans un flash-back, de découvrir ces
premières amours secrètes.
Le parti pris formel du film tient dans ses gros plans.
Presque tout le film en est composé et quand la caméra recule pour
filmer, très rarement, le quintet ensemble, cela devient presque
choquant. On ne retrouve que dans un genre, le porno, autant de gros
plans et d'inserts. Ces gros plans sont à la fois la logorrhée
entre les personnages, comme autant d'éjaculation de mots, qu'ils
sont des reflets de leur âme pour reprendre l'expression d'Ingmar
Bergman.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire