1997.
Cette année-là est celle de la rétrocession de la colonie
britannique à la Chine et c’est tout naturellement que le scénario
de Wong Kar-wai parle d’un voyage à l’autre bout du monde, loin
de Hong Kong et des rues encombrées, de son bruit permanent et de
l'agitation poltique, à Buenos Aires et encore plus loin, au Nord
aux cascades d’Iguazu ou au sud à Ushuaia. Le but dans Happy
together est de fuir sans que l’on ne sache pourquoi les
personnages fuient, si ce n’est pour reprendre leur vie à zéro ou
pour simplement ne pas vivre ce Hong Kong incertain décrit juste
plus haut.
Deux
amants, une voiture, un lieu désert. Po-wing (Leslie Cheung) et
Yiu-fai (Tony Leung Chiu-wai) se disputent. Ils se sont perdus en
chemin et n’arriveront jamais à destination. Leur couple ne tient
pas la route, mais est-on sûr qu’ils sont vraiment en couple. Ils
semblent être deux pôles que tout oppose mais comme un aimant, ils
sont complémentaires. Cette première partie de voyage, filmée dans
un noir et blanc sépia qui évoque un flash-back. Cette errance,
métaphore de l’inconnu avant le rattachement à la Chine,
s’interrompt brusquement. Le seul souvenir qu’ils ramènent de ce
périple est une lampe qui reproduit la cascade.
Retour
en ville après leur première séparation. Une longue série de
séparations. Fai vit de petits boulots. Il accueille des touristes
asiatiques (les harcèlent plutôt) pour qu’ils viennent dans
l’hôtel qui l’emploie. Po-wing lui a piqué tout son fric, il ne
peut pas bouger. La couleur est arrivée, couleurs criardes aux
teintes chaudes, rouge et jaune. Et un jour, Po-wing revient, leur
romance reprend. Ils s’embrassent, ils apprennent à danser le
tango, ils se caressent. Po-wing reproche à Fai son boulot minable
mais est bien content de profiter de sa paie. Leurs disputes sont
quotidiennes. Fai dort sur le canapé, Po-wing dans le lit.
Tout
est prétexte à des engueulades. Po-wing se fait tabasser un soir où
il va draguer. Mais il est vert de jalousie de Fai. Quand ce dernier
va lui acheter une cartouche de clopes, Po-wing s’énerve, les
balance à terre et quitte le minuscule appartement en claquant la
porte. Fai change de boulot, il bosse dans un restaurant chinois à
Buenos Aires. Il appelle au téléphone toutes les cinq minutes
Po-wing qui s’est blessé aux mains et ne peut rien faire. Il
devient de plus en plus jaloux d’autant que Fai sympathise avec
Zhang (Chang Chen), un jeune taiwanais qui bosse avec lui à la
plonge.
Happy
together est un film
entièrement autour du motif de la rupture. Les amours entre les deux
hommes sont d’une grande simplicité mais Wong Kar-wai choisit de
n’en filmer que les piques d’émotions, que les crises de nerf.
Toujours ensemble parce qu’aucun d’eux ne parle espagnol, mais
séparés par la force des choses : lits séparés, horaires
différents et surtout, ils ne semblent pas vouloir la même chose.
Ainsi après le départ définitif de Po-wing, quand Fai rencontre
Zhang avec lequel il n’aura pas d’histoire d’amour, une
nouvelle vie pourra commencer ailleurs, avec ce jeune homme sans
doute. Cette histoire plus calme, il faut l’imaginer quand Fai part
à Taiwan avec la chanson de Frank Zappa I have been in you, morceau
ô combien sexuel.
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