Quand
Andy Kaufman (Jim Carrey), lors d'un cours de méditation
transcendantale dont il était adepte, demande à son gourou quel est
le secret du rire, ce dernier ne répond que par un seul mot le
« silence ». Dans la séquence suivante de Man on the
moon, Andy se prépare pour sa première télévision, il doit
jouer un sketch pour le Saturday Night Live, le show comique venait
de démarrer alors. Dans les gradins du public, son père et sa père
et son frère Michael et sa sœur Carol. Si ces deux derniers sont
hilares devant la performance de leur grand frère, les parents sont
plus inquiets. Kayfman décide en effet de ne pas prononcer un seul
mot pendant son sketch. Il met un 45 tours, la chanson Mighty Mouse,
il reste statique, il ne bouge que les yeux et quand le refrain
arrive, Andy mime avec un trop grand enthousiasme la phrase du
refrain avec de son revenir à son apathie. Le public du SNL commence
à rire.
Ce
fut Carol, la petite sœur, la toute première spectatrice d'Andy
Kaufman. Dans l'unique et courte séquence sur son enfance dans une
petite banlieue bourgeoise et cossue de Long Island, New York, Andy
fait des numéros en solo dans sa petite chambre et ses peluches sont
son public. Il entonne une comptine à sa sœur. Milos Forman, avec
son superbe sens de l'ellipse, enchaîne sur la même comptine,
Kaufman est désormais adulte et écume les bars de stand-up. Le
public, clairsemé, est blasé et le patron est navré du show qui
rencontre un beau bide. Il tente de lui expliquer que dans le terme
« show business », il y a aussi business. Le film se
poursuit avec son sketch le plus connu de Kaufman, celui où il joue
un homme au fort accent qui prétend venir d'une île nommée
Caspiar. Il fait ensuite une imitation de Jimmy Carter, sans changer
sa voix de crécelle pour enchaîner sur une imitation endiablée
d'Elvis Presley.
Dans
la salle, pour dénicher des talents en herbe, se trouve George
Shapiro (Danny DeVito). Dans la cuisine qui sert de loge, Shapiro va
rencontrer Kaufman qui quitte vite son petit accent et son personnage
imaginaire pour revenir à la réalité. « Je veux devenir la
plus grande star du monde ». ce sur quoi, il ajoute, non sans
morgue, à la proposition de l'impresario qu'il refuse de jouer dans
Taxi, la sitcom que la chaîne de télé ABC va lancer en
1978. Kaufman ne se considère pas comme un comedian, un
artiste comique et le tournage de la série lui semble interminable
et pénible, obligé de refaire son rôle de Laktar, cet homme du
Caspiar. « T'ank you vedy mush » est sa réplique culte.
Milos Forman a demandé, pour entourer Jim Carrey, aux acteurs de la
série d'origine de reprendre leurs personnages : Christopher
Lloyd, Judd Hirsch, Carol Kane, Jeff Conaway, Marilu Henner. Il faut
préciser que Danny DeVito avait l'un des rôles principaux dans la
série Taxi.
C'est
l'ambivalence d'Andy Kaufman, sa personnalité multiple et son
caractère qui passe du chaud au froid qui a intéressé les deux
scénaristes Alexander Scott et Larry Karazewski, déjà auteurs de
Ed Wood et de Larry Flynt. Des personnages aux
histoires vraies bigger than life à la poursuite constante du
bonheur et intransigeants avec ceux qui tiennent les rênes du
pouvoir. En l'occurrence, c'est le patron d'ABC (Vincent Schiavelli)
qui ne comprend absolument rien au talent d'Andy Kaufman. Il avait
réussi à négocier une émission où il pourrait faire ce qu'il
entend. Evidemment, les responsables de la télé, des cols blancs en
cravate ou tailleur, décident de ne pas diffuser cette émission.
Eux non plus ne comprennent rien (Shapiro essaie bien de les
influencer avec ses petits sourires gênés), faut dire que le
business et les coupures pub sont plus importantes que le poétique
bizarre d'Andy Kaufman et ses petites marionnettes.
Avec
son auteur favori, Bob Zmuda (Paul Giamatti), Andy Kaufman va
investir d'autres lieux pour déployer son inventivité comique. Sur
les campus américains, il fait des spectacles. Les étudiants
veulent ses gags habituels, il lit The Great Gatsby dans son
intégralité. Sur les rings, il se déclare le champion du monde de
catch mixte. Il encourage les femmes à venir le combattre. Il
invente un catcheur arrogant, sexiste et misogyne qui crée le
scandale. Il insulte le public sudiste de Memphis en les traitant de
bouseux (« ceci est un savon, ça sert à se laver »).
C'est lors d'un de ces shows de catch qu'il croise Lynne Mugalies
(Courtney Love), minée par ses outrances, elle le combattra sur le
ring. Elle deviendra sa compagne. Le plus beau moment de Man on
the moon est ce finale au Carnegie Hall, sommet de gentillesse
cette fois, un spectacle où Kaufman invite des danseuses, le Père
Noël, le Grand Tabernacle Mormon et une actrice des années 1930 à
se produire sur scène avec lui.
Avant
cette gentillesse rédemptrice, c'est le personnage de Tony Clifton
qui produit l'effet le plus jouissif du film. Tony Clifton est le
double maléfique d'Andy Kaufman. Un artiste grossier, misanthrope et
épouvantable chanteur. C'est autour de lui que Milos Forman
développe cette ambivalence de Kaufman, que les rumeurs sur son
existence même sont lancées. Un alter ego réactionnaire et
conservateur dans lequel Kaufman et Bob Zmuda, qui revêt parfois le
déguisement de Tony Clifton, peuvent exprimer toute l'arrogance de
leur cauchemar américain. Tony Clifton est en émergence dès le
générique d'ouverture, en noir et blanc, avec cette idée du faux
qui est faux donc qui est vrai, ce générique de fin qui est lancé
au début, ce commentaire sur les piètres qualités du film, avec un
grand clin d'œil, car bien entendu Man on the moon est le
meilleur film américain de Milos Forman.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire