Pour
gagner de l’argent, la famille du Petit
garçon fait des
escroqueries à l’accident de voiture. La mère (Akiko Koyama,
l’épouse de Nagisa Oshima) est sur le côté gauche de la rue, une
voiture arrive, elle s’approche vite, tombe simulant avoir été
renversée. Le petit garçon (Tetsuo Abe) se met alors à pleurer
devant le conducteur du véhicule d’avoir tué sa maman. Puis, le
père (Fumio Watanabe) arrive avec le petit frère (Tsuyoshi
Kinoshita) dans les bras pour crier au scandale. Pour éviter de se
confronter à la police, le chauffeur accepte de donner quelques
dizaines de milliers de yens à la famille. Ils choisissent des rues
peu passantes, histoire qu’aucun témoin ne soit présent et que la
personne escroquée ne puisse pas refuser le chantage. Voici le mode
de vie de cette famille dont on ne connaîtra jamais le nom.
Après
chacun des coups, la famille quitte la ville pour un nouveau lieu.
Ils se déplacent en car, en train. Ils ne mangent que dans des
restaurants et dorment dans des hôtels bons marché. Ils vivent en
nomades mais la mère aimerait pouvoir s’établir un jour, donner
aux deux enfants une vie plus simple et moins mouvementée. Le père
aimerait que le petit garçon commence à travailler. C'est-à-dire à
simuler lui aussi des accidents. Ainsi un jour au restaurant, il lui
donne un bol plus copieux. Pour mieux convaincre le chauffeur et le
médecin, au cas où, le père crée au petit garçon des hématomes
en le piquant avec une seringue. Le père, qui refuse de travailler,
fait alors un chantage émotionnel à l’enfant qui se lance sur les
capots des automobiles. Et il ramènera de l’argent.
Marginale,
la famille l’est. Le petit garçon l’est encore plus puisqu’il
ne va pas à l’école. Il porte pourtant l’uniforme des écoliers,
ce sera d’ailleurs son unique tenue pendant tout le film. Un jour,
il trouve une casquette orange et décide de la porter. Il ne connaît
pas d’autres enfants et son petit frère ne parle pas encore. Quand
il rencontre un jour des écoliers, il se fait violemment molester et
l’un d’eux jette sa belle casquette dans la boue. Alors le petit
garçon rêve de s’enfuir. Il prend le train tout seul, il n’a
que 1000 yens, choisit une destination au hasard et arrive à la mer,
l’ultime frontière du Japon. Là, abandonnant provisoirement les
superbes couleurs de son cinémascope, Nagisa Oshima filme en noir et
blanc cette scène où le petit garçon imagine qu’il rencontre sa
grand-mère. L’enfant est dans un désespoir profond.
Cette
escroquerie fonctionne parce que la famille joue sur les mœurs des
Japonais, sur la peur qu’ils éprouvent à l’arrivée d’un
policier et la coutume de servilité de l’ordre établi : on
ne proteste pas devant quelqu’un qui parle plus fort. En ce sens,
la famille est marginale mais profite de la culture japonaise. Le
père et la mère sont à la fois victimes et bourreaux, mais la
première victime ce sont les enfants. C’est le point de vue du
petit garçon qu’adopte Nagisa Oshima, moquant avec humour
l’attitude des deux parents. Le jeu de Fumio Watanabe et Akiko
Koyama, avec ses lunettes qui lui mangent le visage, est remarquable,
car malgré leur égoïsme et leur vénalité, le cinéaste ne les
accable pas. Ils sont seulement ridicules et ce ridicule fait parfois
sourire.
La
situation se complique quand la mère tombe enceinte. Le père veut
qu’elle avorte. Elle gardera l’argent. Au sein de la famille,
l’escroquerie continue. Et c’est le début de la fin. Un
conducteur comprend qu’il s’est fait escroqué. La famille est
prise en photo. Il faut fuir et la seule région du Japon où ils ne
sont jamais encore allés est le nord. Il neige, il fait froid. C’est
l’ultime accident qui se soldera tragiquement. Il ne reste au petit
garçon qu’à s’imaginer un monde où il attendra une
extraterrestre de la nébuleuse d’Andromède pour le libérer de
cette situation. L’extraterrestre ne viendra jamais le sauver. La
neige à n’en plus finir oblitérant l’horizon symbolise
l’absence d’avenir que seule l’arrivée de la police venue
arrêter la famille permettra au petit garçon d’enfin verser une
larme rédemptrice. La seule larme de ce superbe film qu’est Le
Petit garçon.
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