Comme
Gosses de Tokyo et Récit d’un propriétaire, Bonjour, films en couleurs pétaradantes
et comédie située dans un petit quartier où tous les voisins se connaissent,
est un film sur les enfants (thème que je préfère chez Yasujiro Ozu). La
meilleure méthode pour faire connaitre tous les habitants est de les montrer
sous leur moins bon jour. En l’occurrence, les petites disputes consécutives à
la disparition des cotisations de l’association locale. La présidente affirme
n’avoir jamais reçu l’argent de la trésorière qui affirme l’avoir remis depuis
plusieurs jours. Les cancans fleurissent sur l’achat d’un lave-linge par la
présidente (« mais avec quel argent »), puis plus tard sur la rancune
de la trésorière, une fois l’affaire résolue (« il ne faut rien lui
emprunter »). Car, c’était la vieille maman qui avait oublié de remettre
les cotisations à sa présidente de fille.
Ce
qui étonne d’abord dans Bonjour,
c’est sa construction en micro récits, celui narré juste avant dure à peine
quinze minutes. Une des ces petites histoires concernent également un prof
d’anglais qui est amoureux d’une jeune femme, la sœur de M. Hayashi. Une autre
montre l’un des voisins au chômage. Mais cela permet de montrer au cinéaste que
la société à changé. D’un côté, les mœurs et les codes sociaux sont restés les
mêmes pour une partie des Japonais : on s’habille traditionnellement, on
est proches des voisins à qui on emprunte une bière ou un ticket de bus, on se
dit gentiment bonjour tous les matins. De l’autre côté, la nouvelle génération
étouffe dans ce quartier où les cancans sont légion, où la discrétion est rare.
Un jeune couple tout juste installé, sans enfants, est critiqué pour s’habiller
le soir non seulement à l’occidental mais aussi en peignoir. Comble de la
modernité, ces jeunes mariés ont la télévision, contrairement à tous les autres
voisins.
Les
deux fils de la famille Hayashi raffolent de la télé. En douce, prétextant
aller prendre des leçons d’anglais chez un voisin, ils vont avec leur trois
camarades d’école regarder la télé chez ce couple. Leur passion est le sumo.
Leur jeune tante, qui passe souvent chez eux, leur dit que c’est tout aussi
passionnant à la radio. Mais non, ils n’en démordent pas, ils veulent voir les
combats à la télé. Et ils vont demander à leur mère (Kuniko Miyake), non sans
affront, une télévision. Le père (Chishu Ryu), strict et sévère, y est très
opposé. Le fils aîné répond au père avec virulence puis traite sa mère de
radine. Le petit frère, qui fait tout comme son grand frère (ils portent
d’ailleurs des vêtements identiques), n’est pas non plus en reste. L’aîné
affirme que toutes les paroles que disent les adultes ne sont que des mensonges
ou des phrases toutes faites et vides de sens. Le père leur demande de se taire.
La
grève de la parole commence donc pour les deux enfants. Les parents sont d’abord
ravis. Puis, quand, en partant à l’école, ils ne disent pas bonjour à la
voisine, cette dernière croit que c’est parce qu’elle a accusé la mère d’avoir
volé l’argent des cotisations. Ensuite, pour les deux mômes, l’épreuve du
silence à l’école s’avère plus complexe : ne pas répondre au professeur
est un signe grave de rébellion. Enfin, comment demander aux parents l’argent
de la cantine sans parler. Les scènes sont souvent drôles, les deux gamins –
surtout la plus petit – ont des bonnes bouilles et leurs déplacements dans le
cadre et leurs gestes sont proches du burlesque. Ainsi, avant qu’ils ne se
taisent, le plus jeune sort régulièrement un « I love you », sonore
et fier. L’humour est constant dans tout le film notamment avec le ton ironique
adopté pour montrer les mesquineries et les cancans des voisines.
Là,
la difficulté de communiquer ajoutée au changement de mode de vie est mise en
avant. Le film montre que les enfants ont leur propre rituel (les gags
récurrents sur les pets des gamins qui leur permet de s’inclure dans leur
bande, le signe de doigts pour faire une pause et parler) qui s’oppose au
rituel des phrases de politesse des parents. Il est plutôt amusant qu’un
cinéaste comme Yasujiro Ozu prennent comme sujet de son film ces phrases
simples et creuses (« bonjour, merci, comment ça va, au revoir »),
lui qui s’est constamment appliqué à faire de ce genre de sentences le tronc
principal des dialogues de la plupart de ses films. Comme s’il était lui-même
conscient des critiques qui ont pu lui être fait à ce propos. C’est précisément
cette ironie qui rend le film si joyeux.
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