Dragon
Inn est
le premier d’une série de films de King Hu réalisés à Taïwan
après son départ de la Shaw Brothers et son arrivée dans l’île
sœur. Bien que Chinois continental, il lui était impossible, compte
tenu de la Révolution Culturelle, d’aller tourner dans son pays
natal. A Taïwan, il trouve les décors qui ne feront pas toc comme
dans ses films précédents (on avait toujours l’impression que
l’herbe ressemblait à de la moquette). Adieu l’herbe, bonjour
les cailloux du désert où se trouve cette auberge du dragon
investie par les agents de la police politique, la « East
Chamber » de sinistre réputation, violente et qui s’arroge
tous les droits, y compris le droit de mort. Le film sort mercredi 21
septembre 2016 en DVD et BluRay dans une belle édition restaurée.
Le
film se situe sous la dynastie Ming où l’eunuque Zhao (Pai Ying)
détient les pouvoirs réels. Il imprime de sa marque l’empire et
détruira quiconque conteste son hégémonie. En l’occurrence,
comme le montre la scène d’ouverture, le valeureux général Yu
qu’il condamne à la décapitation et sa famille au bannissement.
Le passage vers l’exil passe par l’auberge du dragon et la police
politique menée par Xiao Zhao-zi (Shih Jun) pose ses armes et
bagages dans le but de les éliminer. Ils annexent toute l’auberge,
ne se gênent pas pour tuer les employés récalcitrants. Dès le
départ, King Hu montre de quel côté il est. Les méchants, ce sont
eux, ces hommes du pouvoir. Il les désigne en tant que monstres sans
pitié, sans humanité, d’ailleurs à part Xiao Zhao-zi, aucun ne
constituera de vrai personnage, tout juste des figures prêtes à
passer à l’action, ils resteront anonymes.
Le
plan va être troublé par l’arrivée de Shao Tun (Miao Tian) qui
feint d’être un voyageur de passage. Il pénètre dans l’auberge
sous les regards suspicieux des policiers. Le taulier tente de le
dissuader suivant les ordres qu’il a reçu (n’accueillir aucun
client). Shao Tun prétend ne vouloir que déjeuner. Subrepticement,
on met du poison dans ses aliments, mais Shao n’est pas né de la
dernière pluie. Cette séquence reprend, avec quelques variations,
celle de l’auberge de L’Hirondelle d’or. Shao reste calme sous
les yeux nerveux de ses futurs adversaires. Il lance son bol de
nouilles sur la table de l’un d’eux, dans un geste adroit et de
défi. Il continue son repas comme si de rien n’était tandis que
la passe d’armes se prépare.
On
s’en doute un peu, Shao est un farouche adversaire de l’eunuque
et vient pour aider les enfants Yu. Il ne sera pas le seul, un duo
arrive, ils sont frères et sœur. Lui (Sit Hon) est un gros balourd,
impulsif, toujours prêt à sortir son sabre et à se battre quand
bien même en face de lui, il y a toute une armée bien entraînée.
Elle (Polly Kuan) est plus réfléchie, souhaite appliquer un plan
subtil pour libérer les Yu. Elle sera la seule femme du film, si
l’on excepte la courte apparition de Xu Feng (qui joue ici la fille
Yu et qui sera l’héroïne de A
touch of zen). Chacun a
sa propre stratégie pour retarder le combat final. Celle de Xiao est
de se faire passer pour des soldats réguliers et de sympathiser avec
Shao. Personne n’est dupe.
L’auberge
sera le décor unique de Dragon
Inn pendant
les trois quarts du film. Cela convient parfaitement à la mise en
scène de King Hu qui fonctionne sur l’observation des rapports
entre les personnages. Chacun se jauge, se regarde droit dans les
yeux ou de manière oblique en attendant une faille de l’adversaire.
Dans les plans en extérieur, les pieds des personnages sont filmés
sur les cailloux du désert lorsqu’ils se déplacent, cela procure
un effet de rythme étrange. Dans le dernier quart, pour
l’affrontement entre Zhao (qui a les cheveux blonds) et les
partisans des Yu se déroulera en forêt. Le soin apporté au
réalisme dans les tenues, les décors, les combats (réalisme
relatif) est balayé par l’aspect démoniaque de Zhao qui vole dans
les airs, pratique un art martial quasi surnaturel. Il n’appartient
définitivement pas à la race humaine et est condamné à perdre.
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