L'Union
Soviétique avait Solaris, la Pologne aura Sur le globe
d'argent. Mais au bout de deux ans de tournage, le vice-ministre
de la Culture polonais décide d'arrêter les frais. Andrzej
Zulawski, avec sa douce voix, explique au spectateur en ouverture du
film qu'il manquait 20% des plans pour achever son œuvre. Ce qui
aurait fait trois heures de long-métrage. Le montage a été fini en
1987 et le cinéaste lit des extraits du scénario, ce qui n'a pas pu
être filmé 10 ans plus tôt. Sur cette voix-off, on découvre des
images de la Pologne de 1987, totalement en décalage avec le reste.
Mais l'effet est fulgurant, Andrzej Zulawski fait œuvre de
documentariste, il filme cette Pologne, et ses habitants, ces
couloirs de métro, ces rues, comme des instantanés, comme des
souvenirs d'un pays, le sien, qu'il a souvent quitté pour tourner en
occident. Sans doute imagine-t-il qu'il ne pourra plus jamais y
retourner librement, après tout en 1987, la révolution Gorbatchev
commence à peine et rien ne laisse penser que le bloc de l'est va
s'effondrer.
Cet
exil et ces souvenirs sont en rapport avec ceux des personnages
d'astronautes de Sur le globe d'argent. Film de science
fiction hors norme, tiré du roman écrit par Jerzy Zulawski, le
grand oncle du cinéaste, tourné la même année que Star Wars
(mais Zulawski l'ignorait), Sur le globe d'argent semble
inventer une méthode alors peu vue, le found footage. Toute la
première partie est constituée du journal filmé des astronautes
(Martha, Georges, Peter), à la première personne. C'est Georges qui
filme ses deux collègues. Ils sont Terriens et ont atterri sur une
planète inconnue et sans habitants. Martha et Peter vont devenir un
couple, elle tombe enceinte et donne un fils. Ils créent une
nouvelle civilisation. Les images montrent que le fils grandit bien
plus vite sur cette planète que sur Terre. Et Marthe comme Peter
vieillissent plus rapidement, seul Georges reste le même, semblant
immortel tandis que les générations se suivent, que la population
de la planète augmente. L'Immortel a vaincu la Mort et devient pour
les habitants un Dieu. La population invente la religion et à sa
suite la guerre. L'une ne va pas sans l'autre.
Ce
journal filmé a été envoyé sur Terre par Georges juste avant de
mourir (finalement). Le film est visionné dans un futur très
lointain. Et un nouveau Terrien est envoyé sur cette planète. Grand
blond interprété par Andrzej Sewerin, cet astronaute est considéré
comme un Messie revenu chasser les « chems », créatures
aux grandes ailes noires et cyclopes à l'œil clignotant sur le
front, qui font la guerre aux habitants. Le film élabore, selon moi,
plusieurs thèses. Ces monstres sont les âmes des descendants des
astronautes et vivent au-delà de la mer. Il y a une certaine
poétique dans ces créatures confectionnées de bric et de broc,
titubantes et hiératiques (presque des zombies). Plus politiquement,
ce sont des envahisseurs auxquels il faut résister (les Soviétiques
donc). Dans son état actuel, Sur le globe d'argent dure quand
même 2h37. Sans doute à cause de son abandon dans des placards
pendant dix ans, l'image a acquis une patine granuleuse et grisâtre.
Entre la relecture de la Genèse, deux évangiles et trois textes
religieux, et un pamphlet anti-Brejnev, Sur le globe d'argent
a quelques passages rudement abscons et d'autres d'une étonnante
bizarrerie (ces condamnés empalés, les rues détruites, l'île
tombeau). Mais, j'avoue, globalement, je me suis un peu ennuyé.
L'homme sur la dernière capture d'écran est Zulawski.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire