vendredi 1 mars 2019

Santiago, Italia (Nanni Moretti, 2018)


Ce qui frappe dans la minutieuse narration strictement orale des semaines précédant le coup d'état du 11 septembre 1973 est la réminiscence de certains titres de l'actualité récente. Nanni Moretti interroge des témoins de l'époque, ils parlent de la propagande excessive de la presse, de la description du chaos qu'aurait vécu la population chilienne sous la présidence Allende, de l'incompétence du gouvernement du président de gauche, le premier a avoir été élu démocratiquement au début des années 1970 en Amérique du Sud.

Ça rappelle quoi ? Tout simplement ce qui se passe au Vénézuéla. En vérité, je ne sais absolument pas ce qui se passe au Vénézuéla, on est abreuvé d'informations sur la république bolivarienne où le chaos est chaque jour décrit, et je suis plutôt enclin à croire tout cela, j'ai peu de sympathie pour Nicolas Maduro mais tout à l'heure quand j'ai regardé ces premières minutes de Santiago, Italia j'avais l'impression que ces Chiliens spolié de leur démocratie et qui n'avaient pas la parole en 1973 trouvent un écho dans ces gros titres sur le chaos vénézuélien.

Je m'égare, le film ne va pas aussi loin, il prend soin d'enregistrer les témoignages d'opposants qui ont vécu la terreur sous les premiers jours de la junte militaire dirigée par Pinochet, sinistre sire que l'on voit lire son texte piteusement dans une image télé, tremblotante et en noir et blanc délavé, annoncer que sans lui, l'apocalypse serait arrivée. Immanquablement. C'est ce que pensent encore 45 ans plus tard deux interviewés, persuadés qu'Allende et son gouvernement allaient importer la dictature marxiste. Brrrr, ça fait froid dans le dos.

Parce qu'il refuse d'être impartial, il le dit dans une de ses deux apparitions à l'écran (le reste est hors-champ) à un homme qui se sent victimes des victimes. Sacrés bourreaux. Ils sont persuadés d'avoir sauver le Chili. Moretti écoute attentivement les victimes qui ont été torturées (l'une d'elle a passé 45 jours à recevoir la gégène), le tout étant de ne pas parler pour ne pas créer de nouvelles victimes. Cette parole très imagée poursuit l'habituel façon de conter du cinéaste italien, tout en montage entre les intervenants.

Reste la partie de l'ambassade italienne désignée comme un lieu de l'utopie et de la liberté. Le récit se poursuit ainsi sur le mur à sauter, quelques moments de comédie quand on imagine ce sport. La vie en communauté est décrite par le menu, avec quelques photos pour illustrer. La terreur au sein de cet asile n'est pas loin (une femme assassinée est jetée dans le jardin). Paradoxalement, ce récit comme celui de l'exil en Italie s'enfonce dans la mollesse, toujours parce que Nanni Moretti refuse d''être impartial, un angélisme béat prend le dessus.

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