Ce
qui frappe dans la minutieuse narration strictement orale des
semaines précédant le coup d'état du 11 septembre 1973 est la
réminiscence de certains titres de l'actualité récente. Nanni
Moretti interroge des témoins de l'époque, ils parlent de la
propagande excessive de la presse, de la description du chaos
qu'aurait vécu la population chilienne sous la présidence Allende,
de l'incompétence du gouvernement du président de gauche, le
premier a avoir été élu démocratiquement au début des années
1970 en Amérique du Sud.
Ça
rappelle quoi ? Tout simplement ce qui se passe au Vénézuéla.
En vérité, je ne sais absolument pas ce qui se passe au Vénézuéla,
on est abreuvé d'informations sur la république bolivarienne où le
chaos est chaque jour décrit, et je suis plutôt enclin à croire
tout cela, j'ai peu de sympathie pour Nicolas Maduro mais tout à
l'heure quand j'ai regardé ces premières minutes de Santiago,
Italia j'avais l'impression que ces Chiliens spolié de leur
démocratie et qui n'avaient pas la parole en 1973 trouvent un écho
dans ces gros titres sur le chaos vénézuélien.
Je
m'égare, le film ne va pas aussi loin, il prend soin d'enregistrer
les témoignages d'opposants qui ont vécu la terreur sous les
premiers jours de la junte militaire dirigée par Pinochet, sinistre
sire que l'on voit lire son texte piteusement dans une image télé,
tremblotante et en noir et blanc délavé, annoncer que sans lui,
l'apocalypse serait arrivée. Immanquablement. C'est ce que pensent
encore 45 ans plus tard deux interviewés, persuadés qu'Allende et
son gouvernement allaient importer la dictature marxiste. Brrrr, ça
fait froid dans le dos.
Parce
qu'il refuse d'être impartial, il le dit dans une de ses deux
apparitions à l'écran (le reste est hors-champ) à un homme qui se
sent victimes des victimes. Sacrés bourreaux. Ils sont persuadés
d'avoir sauver le Chili. Moretti écoute attentivement les victimes
qui ont été torturées (l'une d'elle a passé 45 jours à recevoir
la gégène), le tout étant de ne pas parler pour ne pas créer de
nouvelles victimes. Cette parole très imagée poursuit l'habituel
façon de conter du cinéaste italien, tout en montage entre les
intervenants.
Reste
la partie de l'ambassade italienne désignée comme un lieu de
l'utopie et de la liberté. Le récit se poursuit ainsi sur le mur à
sauter, quelques moments de comédie quand on imagine ce sport. La
vie en communauté est décrite par le menu, avec quelques photos
pour illustrer. La terreur au sein de cet asile n'est pas loin (une
femme assassinée est jetée dans le jardin). Paradoxalement, ce
récit comme celui de l'exil en Italie s'enfonce dans la mollesse,
toujours parce que Nanni Moretti refuse d''être impartial, un
angélisme béat prend le dessus.
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