jeudi 14 mars 2019

Les Flics ne dorment pas la nuit (Richard Fleischer, 1972)

Quel film admirable ! Après la sinistrose ambiante de ses deux films précédents, tournés en Angleterre (les poisseux L'Etrangleur de Rillington Place puis Terreur aveugle), Richard Fleischer retrouve les Etats-Unis, la Californie, Los Angeles et ses quartiers pauvres, très pauvres, East LA où les flics patrouillent la nuit. En revenant à Hollywood, le cinéaste se calme sur les zooms (hyper présents dans ses deux films anglais), c'est somme toute logique puisque une bonne partie du film se passe dans une bagnole de flics avec deux policiers, c'est pas simple de faire des zooms.

Bad cop, good cop. Pas tout à fait ça, plutôt vieux flic, jeune recrue. Le premier, Andy Kilvinski (George C. Scott) inventeur d'une « loi » qui porte son nom et qu'il va apprendre à son jeune coéquipier, Roy Fehler (Stacy Keach) tout juste sorti de la Police Academy, comme on a pu le découvrir dans le générique d'ouverture. Andy patrouille, la nuit depuis 25 ans, il est près de la retraite et connaît le quartier comme sa poche. Fehler est devenu flic pour payer ses études. Jeune papa d'une petite fille, marié à une femme amoureuse et complice, Dorothy (Jane Alexander).

La relation entre Kilvinski et Fehler est celle du maître et du disciple, comme dans un film de kung-fu, mais sans le kung-fu. Fehler apprend la loi de Kilvinski et à l'écran c'est la pratique qui expose la théorie. Richard Fleischer montre l'application de cette loi avec un humour inégalé : comment Kilvinski fait boire tout un panier à salades de prostituées, qu'il appelle toutes tendrement par leurs prénoms, pour qu'elles ne restent pas sur le trottoir, comment il réconcilie un couple en train de se taper sur la gueule. Fehler apprend sur le tas lui qui ne semblait ne jamais être sorti de chez lui.

Roy Fehler prend du plaisir à faire des rondes, ce qui n'est pas le cas de tous ses collègues. L'un d'eux voulait s'extraire de son ghetto en rentrant de la police mais se retrouve dans le pire des quartiers. Ce qui plaît dans Les Flics ne dorment pas la nuit est la variété des personnages, entre Whitey (Clifton James), le vieux comique qui rend les briefings matinales hilarantes. Il compose un portrait de groupes au réalisme subtil, évitant comme la peste toute pointe d'héroïsme, voilà qui est neuf et admirable dans un genre qui n'aime rien tant que les flics forts.

Assez vite, le film se focalise sur le duo Kilvinski Fehler puis, quand le premier prend sa retraite sur Roy Fehler. Stacy Keach compose un personnage qui semble flotter dans son uniforme de flic, avec ou sans moustache, seul et alcoolique, délaissé par Dorothy puis cherchant à séduire une victime à qui il a porté secours Lorrie Hunt (Rosalind Cash). Richard Fleischer donne un portrait en puzzle de ce flic avec de nombreuses ellipses temporelles fulgurantes où l'aspect physique des personnages changent du tout au tout, où la violence surgit soudain quand Roy se fait tirer dans l'estomac.


Sans héros surpuissants ni juge ni bourreau, sans morceaux de bravoure trop éclatants, avec un réalisme subtil, Les Flics ne dorment pas la nuit doit aussi sa réussite formelle et narrative à la discrète musique composée par Quincy Jones, dont c'est l'anniversaire aujourd'hui. Quelques morceaux courts et percutants d'un génie absolu. Pour moi, le film est aussi l'occasion de voir dans un film Erik Estrada en jeune flic, l'acteur jouera plus dans la série CHIPS ce flic latino, une série que j'ai beaucoup regardée quand j'étais ado plus que celle de Stacy Keach, Mike Hammer.























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