Quel
film admirable ! Après la sinistrose ambiante de ses deux films
précédents, tournés en Angleterre (les poisseux L'Etrangleur de
Rillington Place puis Terreur aveugle), Richard Fleischer
retrouve les Etats-Unis, la Californie, Los Angeles et ses quartiers
pauvres, très pauvres, East LA où les flics patrouillent la nuit.
En revenant à Hollywood, le cinéaste se calme sur les zooms (hyper
présents dans ses deux films anglais), c'est somme toute logique
puisque une bonne partie du film se passe dans une bagnole de flics
avec deux policiers, c'est pas simple de faire des zooms.
Bad
cop, good cop. Pas tout à fait ça, plutôt vieux flic, jeune
recrue. Le premier, Andy Kilvinski (George C. Scott) inventeur d'une
« loi » qui porte son nom et qu'il va apprendre à son
jeune coéquipier, Roy Fehler (Stacy Keach) tout juste sorti de la
Police Academy, comme on a pu le découvrir dans le générique
d'ouverture. Andy patrouille, la nuit depuis 25 ans, il est près de
la retraite et connaît le quartier comme sa poche. Fehler est devenu
flic pour payer ses études. Jeune papa d'une petite fille, marié à
une femme amoureuse et complice, Dorothy (Jane Alexander).
La
relation entre Kilvinski et Fehler est celle du maître et du
disciple, comme dans un film de kung-fu, mais sans le kung-fu. Fehler
apprend la loi de Kilvinski et à l'écran c'est la pratique qui
expose la théorie. Richard Fleischer montre l'application de cette
loi avec un humour inégalé : comment Kilvinski fait boire tout
un panier à salades de prostituées, qu'il appelle toutes tendrement
par leurs prénoms, pour qu'elles ne restent pas sur le trottoir,
comment il réconcilie un couple en train de se taper sur la gueule.
Fehler apprend sur le tas lui qui ne semblait ne jamais être sorti
de chez lui.
Roy
Fehler prend du plaisir à faire des rondes, ce qui n'est pas le cas
de tous ses collègues. L'un d'eux voulait s'extraire de son ghetto
en rentrant de la police mais se retrouve dans le pire des quartiers.
Ce qui plaît dans Les Flics ne dorment pas la nuit est la variété
des personnages, entre Whitey (Clifton James), le vieux comique qui
rend les briefings matinales hilarantes. Il compose un portrait de
groupes au réalisme subtil, évitant comme la peste toute pointe
d'héroïsme, voilà qui est neuf et admirable dans un genre qui
n'aime rien tant que les flics forts.
Assez
vite, le film se focalise sur le duo Kilvinski Fehler puis, quand le
premier prend sa retraite sur Roy Fehler. Stacy Keach compose un
personnage qui semble flotter dans son uniforme de flic, avec ou sans
moustache, seul et alcoolique, délaissé par Dorothy puis cherchant
à séduire une victime à qui il a porté secours Lorrie Hunt
(Rosalind Cash). Richard Fleischer donne un portrait en puzzle de ce
flic avec de nombreuses ellipses temporelles fulgurantes où l'aspect
physique des personnages changent du tout au tout, où la violence
surgit soudain quand Roy se fait tirer dans l'estomac.
Sans
héros surpuissants ni juge ni bourreau, sans morceaux de bravoure
trop éclatants, avec un réalisme subtil, Les Flics ne dorment pas
la nuit doit aussi sa réussite formelle et narrative à la discrète
musique composée par Quincy Jones, dont c'est l'anniversaire
aujourd'hui. Quelques morceaux courts et percutants d'un génie
absolu. Pour moi, le film est aussi l'occasion de voir dans un film
Erik Estrada en jeune flic, l'acteur jouera plus dans la série CHIPS
ce flic latino, une série que j'ai beaucoup regardée quand j'étais
ado plus que celle de Stacy Keach, Mike Hammer.
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