dimanche 24 mars 2019

Les Filles de Kohlhiesel (Ernst Lubitsch, 1920)

Alors que ses pairs inventent à Babelsberg le cinéma expressionniste (Caligari vient de sortir, Mabuse est en cours de tournage, Murnau réfléchit), Ernst Lubitsch s'éloigne de Berlin et tourne en Bavière une film de montagne – avec de la vraie neige – alors qu'il aurait pu continuer ses films en costumes au chic rutilant. Les Filles de Kohlhiesel n'est pas encore les films de montagne dans lesquels jouera la jeune Leni Riefenstahl, pas encore passée chez les nazis mais valorisant déjà les valeurs traditionnelles allemandes.

Ernst Lubitsch prend le contre-pied de l'esprit germanique en offrant à Henny Porten le double rôle des deux sœurs. L'aînée Liesel au caractère bien trempée, une hommasse mal dégrossie (ce genre de personnage sera largement améliorée dans La Chatte des montagnes) et la cadette Gretel, bonne pâte et coquette. Deux personnages que tout oppose, dessinées à grands traits sans l'once d'une finesse dans une volonté de comique primaire et avec des accents réalistes (d'ailleurs le film est filmé en décors naturels, y compris les intérieurs – on voit les plafonds de l'auberge).

Pour bien montrer les différentes caractères des deux sœurs, il faut les confronter à une situation similaire. En ouverture ce sera l'arrivée d'un marchand ambulant qui vient vendre sa camelote. Gretel veut acheter une broche en toc que le colporteur vend comme de l'or. Elle doit casser sa tirelire mais n'y arrive pas, il suffisait pourtant que le vent entre dans sa chambre pour la faire tomber. La douceur l'emporte sur la force brute, contrairement à Liesel qui balance son tabouret sur la tronche du marchand.

L'aînée a été dérangée par l'importun alors qu'elle tirait le lait de ses vaches. La cadette, ravie de son achat, fanfaronne devant un couple de vieux qui ne remarque pas sa broche. C'est que le père des deux frangines, Herr Kohlhiesel (Jakob Tiedkte) doit les marier et le plus difficile est de trouver un époux à Liesel. Les deux scènes de l'auberge où Liesel fait peur aux clients montre bien toute les difficultés qu'a le père pour caser son aînée. Car dès que Gretel sert la bière, les clients affluent et les affaires reprennent.

Entrent en scène deux amis montagnards, Xaver (Emil Jannings) et Seppl (Gustav von Wangenheim) qui tombent sous le charme de Gretel après que Liesel leur a servi une bière avec peu de délicatesse (elle enlève la mousse avec son doigt). Xaver est le premier à déclarer sa flamme mais le père de la mariée exige d'abord que Liesel soit mariée pour donner la main de la cadette. Le film s'amuse alors à ourdir un petit complot où Xaver va épouser la fille pas commode, elle devrait se lasser et ainsi il pourrait retrouver Gretel.


Evidemment, à peu près rien ne se passe comme dans ce plan assez peu savamment manigancé. La mise en scène d'Ernst Lubitsch se concentre sur le double (on voit d'ailleurs l'actrice jouer les deux sœurs dans un même plan deux fois). Première scène sur un mode outrancier (Leisel mange ses patates à même la gamelle) puis il inverse la donne (Leisel prépare un bon repas à Xaver). C'est une manière simple bien qu'un peu grossière de faire du comique.

















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