mardi 26 mars 2019

Weird City (Jordan Peele & Charlie Sanders, 2018)


Ça n'a jamais été un secret, l’œuvre de Jordan Peele, au moins dans Get out et Us, est aussi inspirée de la série La Quatrième dimension. Cela se voit encore mieux dans la courte série diffusée sur youtube (6 épisodes de 26 minutes) Weird City créée avec l'un de ses comparses Charlie Sanders (pas le joueur de football américain), l'auteur de ses sketches pour Key & Peele. Weird City est une ville dans un futur plutôt éloignée où deux civilisations se cotoient sans vraiment se fréquenter. Below the Line est une sorte de ghetto gris et Above the Line est une cité futuriste colorée.

Above the Line intéresse particulièrement Jordan Peele et Charlie Sanders, il invente un univers où la liberté est totale mais où tout est aseptisé, comme si cette partie de la ville était un mélange de deux tendances actuelles des USA, une Amérique « libérale » (la gauche progressiste) et une Amérique puritaine (celle de Trump) qui annihilerait toute émotion, jouissance et sensualité, comme si ce monde décrit devant nous avait succombé aux algorithmes créées par un certain savant nommé Negari (LeVar Burton).

Le but de chaque épisode (tous se voient indépendamment les uns de l'autre) est d'aborder une part d'absurde de cette société qui ressemble exactement à la nôtre mais de manière accentuée. Le meilleur épisode est le premier où un jeune homme (Dylan O'Brien – de la série Teen Wolf) se voit attribuer par Negari son partenaire de vie grâce à un programme informatique. Ce partenaire est un homme bien plus âgé (Ed O'Neill – de la série Modern Family). Bien que tous deux hétéros, ils doivent accepter de vivre en couple, justement parce que l'ordinateur le dit.

Il y a dans cette idée de donner raison aux programmes informatiques, aux algorithmes, aux choix faits par ordinateurs une référence directe aux propositions que donnent Netflix ou Youtube qui veulent deviner vos goûts et ne proposent rapidement rien d'autres que des variations de ce que vous venez de voir. Or les deux hommes finissent par se plaire, par s'aimer et vivre ensemble. Jusqu'à ce que le Dr. Negari déclare qu'une erreur informatique s'est produite et qu'il est impossible qu'ils se plaisent et s'aiment et puissent vivre ensemble. Puisque l'ordinateur le dit.

Les autres épisodes parlent de l'addiction au sport (avec Michael Cera), du sexe par application (bonjour Tinder), d'une maison qui vit et qui martyrise le couple qui vit en son sein (avec Laverne Cox et Mark Hamill qui fait la voix de la maison), d'un enfant qu'il faut absolument adopter (Below the Line est filmé tout simplement dans un quartier de Los Angeles, sans aucun effet spécial – l'épisode le plus drôle mais aussi le plus terrifiant parce qu'on est dans la critique de l'Evangélisme – la religion) et enfin un épisode en mise en abyme bien foutu.

Si chaque épisode est indépendant, la force de Weird City est son homogénéité. Moins dans l'aspect visuel de la ville que dans les détails, l'orteil nu au milieu de la pantoufle en est le parfait exemple. Les tenues des personnages sont à la fois futuristes et ridicules, leurs prénoms sont légèrement modifiés comme une dégénérescence inéluctable (l'un des épisodes est titré « Chonathan & Mulia & Barsley & Phephanie »). Le casting est souvent issu de la télé avec une volonté de mélange des genres qui honorent les créateurs. J'attends avec impatience la saison 2 (si l'algorithme de mon ordinateur le permet).

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