vendredi 15 mars 2019

J'ai aussi regardé ces films en mars


Teret (Ongjen Glavonic, 2018)
Voilà un bon film serbe qui fait bien la gueule (en vérité un de ces coproductions internationales hétéroclites, ici Serbie, Croatie, France et Qatar). Image grise du début à la fin, ton sinistre, pas une once d'humour. Certes, en 1999 au Kosovo quand on se ramasse des bombes toute la nuit, y a pas de quoi se marrer. Pour varier cette réflexion sur l'âme humaine (le film pose la question « et vous vous auriez fait quoi à la place du personnage ? »), le film se transforme en road movie. Une cargaison (teret veut dire cargaison en serbe) doit traverser la ligne de front. On ne sait pas ce qu'il y a dedans même si on s'en doute. Notre homme croise des personnages, prend un auto-stoppeur, se fait voler son briquet et des souvenirs lui viennent en mémoire. Ce qu'évoque le film est simple : chaque guerre amène son lot d'horreur, celle de 1941 comme celle de l'ex Yougoslavie. Un superbe moment, l'homme raconte à son fils une anecdote sur son oncle au sujet d'un noyer. Il faut rester jusqu'à la fin pour l'entendre. Courage.

Sibel (Çagla Zencirci & Guillaume Giovanetti, 2018)
Un film c'est une fille et un fusil, disait l'autre. Qui déjà, Godard ou Hawks ? Sibel est une fille (turque vivant dans la montagne) qui porte un fusil (pour tuer le loup). Loup y-es-tu ? Non, pas vraiment. Ce nouveau film du duo franco-turc cherche à toute force à donner un sens narratif à certaines images qu'ils ont dû concevoir en écrivant leur film : cet homme (un opposant à Erdogan – le nom du président turc n'est jamais prononcé mais on devine que ça évoque son autoritarisme) dans un trou, Sibel dans sa cabane le souffle le fusil en bandoulière, l'étreinte entre eux dans la nuit noire et ces foulards que les vieilles femmes portent quand elle ramasse leur plante. Le film brasse beaucoup de sujet et n'en ambrasse aucun restant superficiel. Le vrai sujet était pourtant, plus que le poids des traditions, ce lange sans mot, ces sifflements pour communiquer. Mais comme dirait Antonioni, qui a beaucoup filmé des filles mais rarement avec des fusil, « l'incommunicabilité, ce douloureux problème ».

Convoi exceptionnel (Bertrand Blier, 2018)
depuis Merci la vie en 1991, Bertrand Blier se cherche et ne se trouve plus. Moi qui l'adore depuis plus de 30 ans, qui aime certains de ses films à la folie, je suis chaque fois triste qu'il n'arrive plus à trouver du liant entre les scènes que vivent ses personnages. Car comme d'habitude, ça palpite à quelques endroits, ici ou là, les répliques vont parfois vibrer et certains dialogues donnent la nostalgie. Là est tout le problème du cinéma de Blier, il refuse de reconnaître que ce qui était révolutionnaire en 1979 (Buffet froid), irrévérencieux en 1986 (Tenue de soirée) et moderne en 1989 (Trop belle pour toi) – trois films avec Gérard Depardieu – n'est pas la même chose aujourd'hui. Jean-Pierre Mocky avec ses films vit le même genre de problème. Les deux cinéastes scrutent la France d'aujourd'hui, Mocky les problèmes sociaux, Blier la narration du cinéma, mais eux ont désormais un regard glacial et clinique. Plus que cela, ils ont perdu le sens de la logique de leur narration ce qui donne à leur film des aspects de film de vieux con.

Le Silence des autres (Almudena Carracedo & Robert Bahar, 2018)
J'avais quelques réserves sur les dix dernières minutes de Santiago, Italia mais comparé au Silence des autres, je constate au moins que Nanni Moretti a l’honnêteté d'avancer avec son objectivité (« je refuse d'être impartial » dit-il face à un partisan de Pinochet). Inversement, ce documentaire sur les victimes du franquisme joue sur plusieurs tableaux comme s'il était nécessaire d'émouvoir à tout prix : un suspense est créé artificiellement pour savoir si la justice va être rendu, on filme en gros plans la vieille Maria histoire d'encore plus émouvoir le tout en ajoutant une musique qui appuie sur la corde sensible. Le but est de révolter le spectateur devant l'injustice (ça marche, bien entendu). Pour rendre justice aux victimes, le film aurait gagné à emprunter la voie de Bamako d'Abdrrahame Sissako.

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