Teret
(Ongjen Glavonic, 2018)
Voilà
un bon film serbe qui fait bien la gueule (en vérité un de ces
coproductions internationales hétéroclites, ici Serbie, Croatie,
France et Qatar). Image grise du début à la fin, ton sinistre, pas
une once d'humour. Certes, en 1999 au Kosovo quand on se ramasse des
bombes toute la nuit, y a pas de quoi se marrer. Pour varier cette
réflexion sur l'âme humaine (le film pose la question « et
vous vous auriez fait quoi à la place du personnage ? »),
le film se transforme en road movie. Une cargaison (teret veut dire
cargaison en serbe) doit traverser la ligne de front. On ne sait pas
ce qu'il y a dedans même si on s'en doute. Notre homme croise des
personnages, prend un auto-stoppeur, se fait voler son briquet et des
souvenirs lui viennent en mémoire. Ce qu'évoque le film est
simple : chaque guerre amène son lot d'horreur, celle de 1941
comme celle de l'ex Yougoslavie. Un superbe moment, l'homme raconte à
son fils une anecdote sur son oncle au sujet d'un noyer. Il faut
rester jusqu'à la fin pour l'entendre. Courage.
Sibel
(Çagla Zencirci & Guillaume Giovanetti, 2018)
Un
film c'est une fille et un fusil, disait l'autre. Qui déjà, Godard
ou Hawks ? Sibel est une fille (turque vivant dans la montagne)
qui porte un fusil (pour tuer le loup). Loup y-es-tu ? Non, pas
vraiment. Ce nouveau film du duo franco-turc cherche à toute force à
donner un sens narratif à certaines images qu'ils ont dû concevoir
en écrivant leur film : cet homme (un opposant à Erdogan –
le nom du président turc n'est jamais prononcé mais on devine que
ça évoque son autoritarisme) dans un trou, Sibel dans sa cabane le
souffle le fusil en bandoulière, l'étreinte entre eux dans la nuit
noire et ces foulards que les vieilles femmes portent quand elle
ramasse leur plante. Le film brasse beaucoup de sujet et n'en
ambrasse aucun restant superficiel. Le vrai sujet était pourtant,
plus que le poids des traditions, ce lange sans mot, ces sifflements
pour communiquer. Mais comme dirait Antonioni, qui a beaucoup filmé
des filles mais rarement avec des fusil, « l'incommunicabilité,
ce douloureux problème ».
Convoi
exceptionnel (Bertrand Blier, 2018)
depuis
Merci la vie en 1991, Bertrand Blier se cherche et ne se trouve plus.
Moi qui l'adore depuis plus de 30 ans, qui aime certains de ses films
à la folie, je suis chaque fois triste qu'il n'arrive plus à
trouver du liant entre les scènes que vivent ses personnages. Car
comme d'habitude, ça palpite à quelques endroits, ici ou là, les
répliques vont parfois vibrer et certains dialogues donnent la
nostalgie. Là est tout le problème du cinéma de Blier, il refuse
de reconnaître que ce qui était révolutionnaire en 1979 (Buffet
froid), irrévérencieux en 1986 (Tenue de soirée) et
moderne en 1989 (Trop belle pour toi) – trois films avec
Gérard Depardieu – n'est pas la même chose aujourd'hui.
Jean-Pierre Mocky avec ses films vit le même genre de problème. Les
deux cinéastes scrutent la France d'aujourd'hui, Mocky les problèmes
sociaux, Blier la narration du cinéma, mais eux ont désormais un
regard glacial et clinique. Plus que cela, ils ont perdu le sens de
la logique de leur narration ce qui donne à leur film des aspects de
film de vieux con.
Le
Silence des autres (Almudena Carracedo & Robert Bahar, 2018)
J'avais
quelques réserves sur les dix dernières minutes de Santiago,
Italia mais comparé au Silence des autres, je constate au moins
que Nanni Moretti a l’honnêteté d'avancer avec son objectivité
(« je refuse d'être impartial » dit-il face à un
partisan de Pinochet). Inversement, ce documentaire sur les victimes
du franquisme joue sur plusieurs tableaux comme s'il était
nécessaire d'émouvoir à tout prix : un suspense est créé
artificiellement pour savoir si la justice va être rendu, on filme
en gros plans la vieille Maria histoire d'encore plus émouvoir le
tout en ajoutant une musique qui appuie sur la corde sensible. Le but
est de révolter le spectateur devant l'injustice (ça marche, bien
entendu). Pour rendre justice aux victimes, le film aurait gagné à
emprunter la voie de Bamako d'Abdrrahame Sissako.
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