Pour
moi, jusqu'à présent, la meilleure adaptation de La Ferme des
animaux c'était l'album Animals de Pink Floyd paru en 1977. Je dois
bien reconnaître que je n'avais jamais vu le film tourné en 1954, à
peine 10 ans après la sortie du roman, il est pourtant ressorti il y
a quelques temps au cinéma. Je ne savais pas que le film avait subi
une censure d'état, qu'il n'avait pas pu sortir avant les années
1990 en France pour cause d'anti-communisme primaire et aussi
secondaire. Et apparemment, la CIA a bien aidé au financement du
dessin animé.
Peu
importe, ce qui compte est l'ampleur de la mise en scène de
l'animation que le couple de cinéastes anglais déploie pour évoquer
et conter l’avènement de l'autoritarisme, la prise de pouvoir d'un
tyran au nom du peuple. Ce que pendant des décennies on a appelé
sur les cartes du monde des « démocraties populaires ».
L'une des forces de La Ferme des animaux tient dans la neutralité
des voix. Une voix off pour le fil narratif, mais une seule voix,
celle de, pour faire toutes celles de animaux.
Le
paysan Jones, alcoolique, incompétent, brutal, figure de l'autorité
corrompue est viré sans ménagement par les animaux de sa propre
ferme qu'il ne sait pas tenir. La tronche sinistre (yeux vicieux, mal
rasé, maigreur du faciès) qui a été donnée indique tout de suite
sa noirceur fondamentale, son esprit étriqué, lui comme les autres
humains que le film s'applique à ne montrer que violents,
vitupérant, destructeur (Jones brûlera le moulin si patiemment
érigé par les travailleurs). Jones se fait ainsi virer de sa ferme.
Cochons
qui prennent le pouvoir, chiens qui surveillent, moutons qui
obéissent et équidés qui bossent. Seuls les premiers et les
derniers ont la parole, enfin cette voix off. Eux seuls ont des noms,
histoire de ne pas appeler les cochons Lénine, Staline et Trotski,
ils auront pour nom Sage, Napoléon, Boule de neige. Le cheval si
vaillant au travail s'appelle Boxer et son camarade l'âne est
Benjamin. Pauvre cheval qui se verra blessé à cause des humains et
vendu par les cochons quand il ne peut pas travailler.
Pendant
ces 70 minutes, le film explique avec une clarté troublante (parce
que sans cesse répétée dans tous les pays) et une acuité vive (il
n'y pas que l'URSS qui applique ces méthodes) comment on passe du
slogan gravé sur le mur de la grange « Tous les animaux sont
égaux » à la formule « Tous les animaux sont égaux
mais certains sont plus égaux que d'autres ». Rien n'a vieilli
dans La Ferme des animaux, la noirceur du dessin aussi
éloignée que possible de l'animation Disney comme soviétique reste
l'un des éléments majeurs du film.
Tout
le processus est décrit minutieusement et avec astuce. La révolution
s'accompagne de la joie de travailler en collectivité. Puis suit la
progressive spoliation des droits au nom de l'unité, puis la
privation de la propriété (le vol des œufs des poules), enfin la
répétition des carences des anciens dirigeants (les cochons
s'installent dans le « palais », c'est-à-dire la maison
de Jones). Le tout finit par le culte de la personnalité et la
transformation de la ferme en prison. Epilogue : tout cela
devient une nouvelle révolution.
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