vendredi 29 mars 2019

Agnès Varda (1928 - 2019)

Je me rappelle bien la dernière fois que j'ai vu un film d'Agnès Varda, c'était il y a tout juste 10 jours, ses deux causeries diffusées sur Arte (et toujours visibles sur le site de la chaîne télé), Varda par Agnès. Une impression mitigée pour le moins et en entendant les hommages à la radio (j'ai rien de mieux pour m'informer), je ne peux pas m'empêcher de trouver les hommages fort convenus et cela est dû à une chose très simple : ils n'osent pas dire que certains films de la cinéaste sont d'un ennui mortel – comment pourrait-on, seul Cléo de 5 à 7 est connu. Mais comment pourrait-il en être autrement quand elle a fait plus de 50 films en 65 ans. Après tout, on peut dire la même chose de son alter ego masculin, Jean-Luc Godard désormais le doyen des cinéastes francophones en activité. Elle a longtemps été la seule cinéaste femme du cinéma français et elle avait un génie pour créer de merveilleux et jolis génériques à ses films – et Dieu sait que je suis sensible aux beaux génériques.

J'aurais plus de mal de dire quel est le premier film d'Agnès Varda que j'ai vu, sans doute Sans toit ni loi lors d'un passage télé (décidément, le lieu où j'ai vu le plus souvent ses films) – c'est Varda qui a découvert Yolande Moreaux et déjà l'actrice était là dans 7 P, cuis, s de b en 1984. En revanche, j'ai retrouvé récemment mes livres de collège et lycée et notamment les pièces de théâtre qui étaient illustrées par des photos noir & blanc de Varda prises au Festival d'Avignon, elle avait à peine 20 ans, si on en croit les dates dans les copyrights. Je n'ai compris que très tard que c'était la même personne. Depuis j'ai vu presque tout et j'en suis arrivé à une conclusion très simple et radicale : je n'aime aucune de ses fictions. Je crois que son premier film La Pointe courte, prétendu film d'avant Nouvelle Vague, est totalement raté. Pourtant, elle a fait tourner des gens que j'aime beaucoup, Catherine Deneuve et Michel Piccoli en tout premier lieu, mais ça marche pas avec moi.

Plutôt que ses fictions de longs-métrages – et finalement certains de courts-métrages (Les Créatures, Le Bonheur, Nausicaä – disponible en bonus caché dans son coffret intégral – L'Une chante l'autre pas, Lion's love) pas toujours passionnant et un peu guindés, largement moins réussis que ses documentaires. Finalement, ce sont ces courts documentaires que j'aime le plus, là où elle se laisse aller à la digression, à ce fameux marabout de ficelle qui a fait sa réputation. Mais il ne faut pas se tromper là encore, cette légèreté (mettons celle de Mur murs, de Documenteur, de Uncle Janco) ne doivent rien au hasard. Ces coq-à-l'âne sont d'une rigueur de construction et d'une portée politique qui aujourd'hui encore sont importantes (je m'en suis rendu compte l'an dernier quand j'ai revu Black Panthers). Bizarrement, dans son film Varda par Agnès, elle évoque peu ses courts-métrages, certains sont tellement formidables, bourrés d'idées cocasses et d'inventions formelles comme poétiques.


Mère de famille (Rosalie avec Antoine Bourseiller, Mathieu avec Jacques Demy), épouse de Jacques Demy, gardienne du temple des films de son mari de cinéaste, la vie privée de la cinéaste n'a jamais été absente de ses films, là est sans doute la plus grande originalité de son œuvre, à la fois sa force et sa faiblesse. Qu'elle filme sa rue Daguerre dans Paris 14, qu'elle se filme enceinte et nue (L'Opéra Mouffe), qu'elle filme un parent (Uncle Janco), son fils (Jane B. par Agnès V. et son double Kung-fu master), Jacques Demy (Jacquot de Nantes), ses amis dans le court muet burlesque de Cléo de 5 à 7, qu'elle se souvienne sa propre œuvre (Les Cent et une nuits, Les Plages d'Agnès, Varda par Agnès), elle parle toujours d'elle pour parler des autres, inversement et vice-versa, chaque fois avec sa voix si douce, l'autre moteur puissant de sa mise en scène. Voilà, la sinologue préférée de Chris Marker et morte aujourd'hui, elle laisse, comme lui, un chat dans chaque film, à nous de les retrouver.










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