En
France aussi on a eu quelques joyeuses bondieuseries qui ont moins
marqué le cinéma que celles de David W. Griffith ou Cecil B. De
Mille. La première fois que j'ai entendu parler de ce Golgotha
de Julien Duvivier c'était dans le recueil d'articles de François
Forestier (paru en 1996) tout simplement titré 101 nanars. Le
journaliste expliquait que Jean Gabin, après ce film, ne s'adressa à
Edwige Feuillère autrement que « Alors M'dame Pilate, ça
va-t-y ?. J'ai mis 23 ans à le découvrir.
C'est
que Jean Gabin, avant les grands films qu'il tournera avec le
cinéaste, La Belle équipe ou Pépé le Moko, accepta de revêtir
une toge pour incarner Ponce Pilate et Edwige Feuillère sera
l'épouse du gouverneur de la terre où Jésus traîna ses guêtres.
Jean Gabin, coupe au bol mais accent Titi parisien à couper au
couteau traverse de quelques scènes le film. Dans un plan, un subtil
mouvement de caméra suit un jarre qui verse de l'eau sur Ponce
Pilate. Oui, il s'en lave les mains à l'écran.
Golgotha
est une illustration très appliquée, pour ne pas dire servile, des
derniers jours de Jésus Christ, de la fête des Rameaux lors de la
Pâque juive jusqu'à sa crucifixion sur le mont Golgotha. Le tout
est filmé en studio dans un jeu d'ombres comme Julien Duvivier en
avait le secret. Certains plans sont superbes mais ce sont ceux,
uniquement ceux-là, où aucun personnage principal n'est dans le
cadre ou filmé de très loin (comme lors du suicide de Judas ou lors
des plans de foule).
Le
premier plan est un long panoramique sur Jérusalem entièrement
reconstitué dans un effet spécial ravissant. La ville apparaît là
devant les yeux des spectateurs de l'époque plus vraie que nature.
Il améliorera cette vue de la ville dans Pépé le Moko. Jérusalem
est filmé tout ensoleillé comme un havre de paix, le tout doit
contraster avec la fin du film où des orages viennent exprimer la
colère divine après la mort de Jésus. Quand Dieu pas content, lui
toujours faire ainsi.
Avant
de voir enfin le visage de Jésus, c'est-à-dire celui de Robert Le
Vigan tout en cheveux longs blonds, comme tous les natifs de
Nazareth, il faut patienter plusieurs minutes comme si le film
cherchait à instaurer du suspense, à indiquer que c'est d'abord un
mec comme tout le monde, comme ses disciples. C'est plus tard qu'il
prendra sa stature messianique, dès qu'il fout le bordel au Temple
quand il chasse les marchands, ce qui lui vaudra les foudres de
Hérode Antipas (Harry Baur), le roi de Judée.
Si
Robert Le Vigan croit à son rôle, sans doute imaginait-il que ce
serait celui de sa vie, tout en théâtralité, en grandiloquence et
en regards dans le vide inspirés par le divin, Harry Baur semble
bien avoir compris dans quelle galère il s'est engagé. Grimé,
maquillé et portant une tonne de bijoux, Harry Baur ne fait pas dans
la dentelle pour son personnage. Pas plus que les autres vedettes,
seuls les acteurs un peu moins connus restent passablement sobres.
Le
film suit les principaux passages obligés de la vie du Christ (d'où
l'effet d'illustration continu). Robert Le Vigan débite les litanies
tirées des évangiles, summum de l'émotion la cène. Enfin Judas,
ce sale traître va vendre pour quelques sicles Jésus, Quelle sale
tête il lui a été fait. Pierre va renier son maître, il a le
regard fuyant. Le film est du catéchisme sur grand écran,
l'horreur. Toujours selon François Forestier, après Golgotha,
Jean Gabin n'aurait plus jamais voulu tourner de films en tunique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire