lundi 4 mars 2019

Golgotha (Julien, Duvivier, 1935)

En France aussi on a eu quelques joyeuses bondieuseries qui ont moins marqué le cinéma que celles de David W. Griffith ou Cecil B. De Mille. La première fois que j'ai entendu parler de ce Golgotha de Julien Duvivier c'était dans le recueil d'articles de François Forestier (paru en 1996) tout simplement titré 101 nanars. Le journaliste expliquait que Jean Gabin, après ce film, ne s'adressa à Edwige Feuillère autrement que « Alors M'dame Pilate, ça va-t-y ?. J'ai mis 23 ans à le découvrir.

C'est que Jean Gabin, avant les grands films qu'il tournera avec le cinéaste, La Belle équipe ou Pépé le Moko, accepta de revêtir une toge pour incarner Ponce Pilate et Edwige Feuillère sera l'épouse du gouverneur de la terre où Jésus traîna ses guêtres. Jean Gabin, coupe au bol mais accent Titi parisien à couper au couteau traverse de quelques scènes le film. Dans un plan, un subtil mouvement de caméra suit un jarre qui verse de l'eau sur Ponce Pilate. Oui, il s'en lave les mains à l'écran.

Golgotha est une illustration très appliquée, pour ne pas dire servile, des derniers jours de Jésus Christ, de la fête des Rameaux lors de la Pâque juive jusqu'à sa crucifixion sur le mont Golgotha. Le tout est filmé en studio dans un jeu d'ombres comme Julien Duvivier en avait le secret. Certains plans sont superbes mais ce sont ceux, uniquement ceux-là, où aucun personnage principal n'est dans le cadre ou filmé de très loin (comme lors du suicide de Judas ou lors des plans de foule).

Le premier plan est un long panoramique sur Jérusalem entièrement reconstitué dans un effet spécial ravissant. La ville apparaît là devant les yeux des spectateurs de l'époque plus vraie que nature. Il améliorera cette vue de la ville dans Pépé le Moko. Jérusalem est filmé tout ensoleillé comme un havre de paix, le tout doit contraster avec la fin du film où des orages viennent exprimer la colère divine après la mort de Jésus. Quand Dieu pas content, lui toujours faire ainsi.

Avant de voir enfin le visage de Jésus, c'est-à-dire celui de Robert Le Vigan tout en cheveux longs blonds, comme tous les natifs de Nazareth, il faut patienter plusieurs minutes comme si le film cherchait à instaurer du suspense, à indiquer que c'est d'abord un mec comme tout le monde, comme ses disciples. C'est plus tard qu'il prendra sa stature messianique, dès qu'il fout le bordel au Temple quand il chasse les marchands, ce qui lui vaudra les foudres de Hérode Antipas (Harry Baur), le roi de Judée.

Si Robert Le Vigan croit à son rôle, sans doute imaginait-il que ce serait celui de sa vie, tout en théâtralité, en grandiloquence et en regards dans le vide inspirés par le divin, Harry Baur semble bien avoir compris dans quelle galère il s'est engagé. Grimé, maquillé et portant une tonne de bijoux, Harry Baur ne fait pas dans la dentelle pour son personnage. Pas plus que les autres vedettes, seuls les acteurs un peu moins connus restent passablement sobres.


Le film suit les principaux passages obligés de la vie du Christ (d'où l'effet d'illustration continu). Robert Le Vigan débite les litanies tirées des évangiles, summum de l'émotion la cène. Enfin Judas, ce sale traître va vendre pour quelques sicles Jésus, Quelle sale tête il lui a été fait. Pierre va renier son maître, il a le regard fuyant. Le film est du catéchisme sur grand écran, l'horreur. Toujours selon François Forestier, après Golgotha, Jean Gabin n'aurait plus jamais voulu tourner de films en tunique.























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