C'est
un film d'une grande brièveté (62 minutes) mais d'une grande
vivacité, un montage très cut, coupant parfois les dialogues de
manière abrupte et c'est un titre en forme d'ironie, qu'il faut
prendre à revers, peu d'amour et peu d'espoir dans cette ville
industrielle. Il s'agit en vérité de plusieurs quartiers, celui des
riches et celui des pauvres et au croisement, le jeune Masao (Hiroshi
Fujikawa), un adolescent bien sage est assis sur le trottoir dans son
costume de lycéen. Devant lui, une cage dans laquelle se trouve deux
pigeons à vendre.
Celle
qui va acheter ses pigeons est Kyoko (Yuki Tominaga), une jeune femme
d'à peu près le même âge. Il les vend 700 yens, elle tend un
billet de 1000, il lui rend la monnaie, même si elle n'en veut pas,
elle veut être généreuse, mais le jeune homme a sa fierté. Quand
il rentre chez lui, dans une maison de planches et de tôles du
quartier pauvre, Masao retrouve sa mère (Yuko Mochizuki) et sa
petite sœur. La première est malade, elle est d'habitude cireuse de
chaussures, justement sur ce trottoir, et la sœur est un peu
simplette. Masao a acheté des victuailles pour le dîner du soir.
La
Shochiku, qui produisait Une
ville d'amour et d'espoir,
voulait un « film de jeunesse » comme il s'en tournait
beaucoup au Japon après guerre, une comédie romantique gentille et
commerciale. D'ailleurs, Nagisa Oshima avait tourné son
court-métrage promotionnel Soleils de demain avec les jeunes
pousses de la compagnie. Peine perdue. Le cinéaste détourne la
commande et triture dans tous les sens l'histoire d'amour entre Kyoko
et Masao, en tout cas, un récit sur une amitié naissante entre deux
jeunes gens de condition sociale différente et contrastée, elle
riche et lui pauvre.
La
mère de Masao voudrait qu'il poursuive ses études, lui aimerait
travailler pour gagner sa vie, sa professeur Madame Akiyama (Kakuko
Chino) espère trouver du boulot au gamin. Elle rencontre le grand
frère de Kyoko, Yuji (Fumio Watanabe) le fils d'un directeur d'une
usine de télévisions (on découvre quelques plans documentaires sur
ce Japon qui s'industrialise à outrance). Nagisa Oshima esquisse
également une romance entre l'institutrice et le grand frère et la
relie aux rapports entre les deux plus jeunes, rapports instables et
incertains qui risquent de se briser à chaque scène.
Nagisa
Oshima élabore un film sur la lutte des classes et Masao n'aura
jamais de boulot à l'usine,
malgré les supplications de Kyoko, malgré les arguments de Madame
Akiyama, malgré l'examen que passe Masao. Tout ça à cause des
pigeons que le jeune homme revend après qu'ils se sont échappé de
chez leur nouveau propriétaire et revenu chez lui. Ainsi, il est
considéré comme un voyou, comme si cela était inscrit dans ses
gènes et que cela ne pouvait pas être effacé. On
naît pauvre et on reste pauvre, de père en fils. La même situation
s’applique pour les riches. Et quand les riches veulent aider les
pauvres, cela se retourne contre eux.
Masao
reprend sa place sur le trottoir et cire les chaussures des riches,
sans les regarder. L’adolescent est toujours filmé droit comme un
piquet, l’air vaguement hébété et le regard vide. Cette position
au milieu des autres qui sont assis ou en mouvement le singularise.
Masao est en retrait de la société, il ne l’acceptera jamais ou
la société le rejettera. Cette jeunesse en rupture, c'est le
terreau du cinéma de Nagisa Oshima. La société Shochiku ne sera
pas ravie du résultat du film et vaudra un avertissement au cinéaste
qui poursuivra au sein de la compagnie sa vision pessimiste de la
jeunesse japonaise d'après-guerre.
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