Les
suites sont parfois meilleures que le premier film parce que, une
fois établis le contexte historique et les personnages principaux,
le réalisateur peut à peu près tout se permettre. Tsui Hark a fait
de la suite des aventures de Wong Fei-hung un film immense alors
qu’il aurait pu se contenter de conter une simple copie de Il
était une fois en Chine.
La
Secte du Lotus Blanc,
sous-titre de cette deuxième aventure du célèbre docteur chinois,
est à mon avis le meilleur des six films de la série.
Wong
Fei-hung (Jet Li) voyage avec Luan Kuan (Max Mok) et la 13ème
Tante (Rosamund Kwan), dont on se sait toujours pas le prénom – on
l’entendra dans ce film. La Tante est toujours à l’écoute de la
modernité occidentale dans cette Chine du sud de 1895 – l’année
de l’invention du cinéma. Après un voyage drôlatique dans un
train où ses deux compagnons ne savent pas manger les soupes à la
cuiller et où ils vomissent tout leur repas devant quelques Anglais,
la petite troupe débarque dans un coin troublé de l’Empire.
Ce
qui trouble la ville est la Secte du Lotus Blanc qui est présentée
en début de film. Cette secte prône la pureté et rejette la
présence des étrangers. Hung Yan-yan sera le chef de cette bande de
fanatiques qui n’hésitent pas dans leur repère à brûler un
gentil chien « étranger » avec les meubles (horloges,
commode, chaises) qu’ils ont pu trouver dans une ville colonisée
par les Anglais ou les Français. Les membres de la secte dans leur
sentiment anti-étrangers font preuve de beaucoup de violence. Ils
font peur à la population comme au pouvoir mais ce dernier va tenter
de les utiliser pour nourrir leur sentiment patriotique.
Tsui
Hark sur ce point fait preuve de plus de subtilité que d’habitude.
On l’a souvent taxé de xénophobe et de ne pas faire dans la
finesse sur ce sujet. Ici, il stigmatise la démagogie patriotique
des hommes de pouvoir comme la vulgarité et l’égoïsme des
occupants. Le préfet de police (Donnie Yen) libère les sectaires
mais veut arrêter Lu Daoming (David Chiang) parce qu’il réclame
l’union de la Chine, tandis que dans la salle de bal, des musiciens
chinois déguisés en costumes XVIIIe siècle joue une valse que
seuls les Anglais dansent. C’est le fanatisme religieux que Tsui
Hark veut dénoncer et toutes ses dérives.
Wong
Fei-hung en ce sens ne peut rester neutre. Il représente la Raison
parce qu’il est médecin, parce qu’il cherche à comprendre ce
que l’Occident peut apporter de bon comme parce qu’il incarne la
sagesse ancestrale grâce à sa grande connaissance des arts
martiaux. Mais que faire face aux armes à feu des forces
britanniques ou face au feu purificateur de la secte ? Wong
Fei-hung devra user de tout son savoir et de toute sa force pour
avancer. Il est également sensible aux enfants qui sont menacés par
la secte parce qu’ils sont dans une école où on leur apprend les
langues étrangères.
Mais
Wong Fei-hung perd toute sa raison quand il s’agit de Tante Yee. Il
est évidemment amoureux d’elle comme elle est éprise de lui –
elle lui dira d’ailleurs au cours du film. Seulement voilà, Kuan
est également amoureux de la Tante. On a droit à tout un ballet
pour savoir qui pourra aider Tante Yee quand elle se fait mal. Dans
ces cas-là, Wong Fei-hung fait preuve d’une grande autorité pour
éliminer de sa cour Kuan, qui apparaît comme l’amoureux dépité.
Toute cette amourette provoque des moments comiques dans un film de
bruit et de fureur. Là encore Wong Fei-hung fait preuve de grande
maladresse envers Yee. Il tente de lui apprendre les rudiments du
kung-fu, comme elle lui a appris à manger avec des couverts. Mais il
la brutalise alors qu’elle ne rêve que d’être prise dans ses
bras. Tsui Hark montre cela dans une scène onirique en ombres
chinoises.
Si
le couple ne se forme pas encore – ils auront d’autres aventures
à mener dans les autres films et donc d’autres occasions de mettre
à l’épreuve leurs sentiments – en revanche, on sait que Jet Li
est aussi là pour se battre. Deux séquences majeures concluent le
film. Un combat contre Hung Yan-yan dans l’antre de la Secte du
Lotus Blanc où Jet Li se fait passer pour un Dieu. Les deux hommes
vont monter sur un assemblage de tables qui menace de tomber à
chaque coup. Un dernier combat contre Donnie Yen dans une rue très
étroite où Donnie Yen se bat avec un drap en guise de bâton. Deux
combats à la chorégraphie millimétrée et d’une grande beauté.
Ce
qui frappe le plus dans La
Secte du Lotus Blanc est le
soin extrême avec lequel Tsui Hark a développé chacune des
composantes de son film. Jet Li n’a jamais été aussi imposant de
simplicité et de charisme. Son jeu est en parfaite adéquation avec
le message que veut donner le film. La romance s’imbrique
logiquement dans le récit historique, les combats répondent aux
thèses patriotiques. Un déluge de plans plus beaux les uns que les
autres. Un recueil anthologique de séquences brillantes.
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