Il
faut protéger Lung (Eddy Ko) qui a manqué de se faire assassiner au restaurant.
Lung ne sait pas qui lui en veut mais il sait comment se défendre. Il va
demander à son frère Frank (Simon Yam) d’appeler Curtis (Anthony Wong) et
d’autres hommes pour qu’ils deviennent ses gardes du corps. Curtis est connu
sous le nom du « diable », c’est un homme impitoyable. Les autres
gardes du corps seront Roy (Francis Ng) qui tient une boîte de nuit et porte
des chemises hawaïennes. Shin (Jackie Lui), le plus jeune qui rêve d’enfin
entrer dans une triade. Mike (Roy Cheung), cheveux blonds qui fait le larbin
dans une boite de nuit. Et le dernier est James (Lam Suet) qui passe son temps
à fumer et à manger des pistaches. Lung va discuter avec l’oncle Cheung (Wong
Tin-lam) pour s’assurer de son soutien, mais le vieux parrain veut se retirer
des affaires.
Les
cinq mercenaires changent de fringues, s’habillent en costumes genre Hugo Boss,
chemise à pelles à tartes. Ils vont habiter dans la maison de Lung. Et ils vont
surtout devoir apprendre à se connaître (un petit peu) et à cohabiter
(beaucoup). C’est qu’ils ne parlent pas vraiment entre eux les bougres. Sauf
pour se faire quelques reproches. Ils leur arrivent de se taper dessus. Roy
fout une grosse branlée à Curtis quand celui-ci l’a abandonné dans une ruelle
après une fusillade. Ils ont beau être là, on en veut encore à Lung et les
ennemis frappent au fusil à lunettes du haut d’un immeuble. Ou ils provoquent
une embuscade dans un grand magasin. Mais ils s’en sortent toujours et rentrent
sains et sauf dans la villa clinquante de Lung dans l’attente d’une nouvelle
sortie dangereuse.
Attendre,
attendre. C’est la seule chose qu’ils font. Shin fait des blagues. Il met des
pétards dans les cigarettes histoire de faire marrer ses camarades et de
détendre l’atmosphère. Les cinq hommes sont de caractères très différents,
leurs histoires propres sont variées et aucun n’a le même âge. Mais ils vont
devenir amis. Ces moments d’attente composent l’armature du récit de The Mission. La recherche de l’ennemi de
Lung n’est qu’un macguffin qui sera
révélé au bout d’une heure. Johnnie To fait ralentir le temps lors des
fusillades, il ne fait donner aucun dialogue à ses personnages. Cela n’avait
jamais été fait. Lors d’une fusillade dans n’importe quel film de triade, les
personnages se croient toujours obligés de discuter entre eux. Ici, ils restent
immobiles et se taisent. Ils essaient de combler leur ennui par des âneries et
Johnnie To ne filme que les pics du récit (fusillades) et les creux (l’attente)
le tout avec une ritournelle lancinante qui reste dans la tête longtemps après
le film.
Et
les femmes dans tout ça ? Elles sont bien absentes. Sauf Madame Lung
(Elaine Eca Da Silva) qui ne doit pas avoir plus de trois lignes de dialogues
dans tout le film. Dans une facétie
scénaristique à la Psychose, cet
unique personnage féminin deviendra le centre du film dans sa dernière partie.
C’est alors l’amitié naissante entre les cinq gardes du corps qui l’enjeu du
film. Un événement va mettre à rude épreuve leurs rapports. The Mission est alors un film sec et
tendu, subtilement mis en scène dans les regards entre les hommes, dans leurs
postures et sans fioriture. Certes, c’est un film un peu lent surtout en
comparaison de Running out of time qui est sorti juste avant. C’est en
tout cas le tout premier film de Johnnie To à sortir dans les salles
françaises, deux ans après sa sortie à Hong Kong, certes. The Mission a cependant
été l’arbre qui cachait la forêt Johnnie To et Milkyway Image en faisant croire
qu’il n’était qu’un bon réalisateur de polar. Et encore aujourd’hui, chez
certains cancres de la critique ce simplisme du cinéaste auteur persiste. En
dépit des films qu’il a pu réaliser avant ou depuis.
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