Ce
soir, l'Euro 2016 commence avec le match France-Roumanie. Match
retour, c'est un dialogue
entre Corneliu Porumboiu et son père Adrian. Ce dernier a été
arbitre de football et ensemble, ils regardent un match de décembre
1988 entre deux équipes roumaines, un match arbitré par Adrian
Porumboiu. Adrian avait 38 ans, Corneliu 13 ans. Il neigeait comme on
ne peut même pas l'envisager, la télé retransmettait ce derby
entre le Dinamo, l'équipe de football de la Securitate, la police
secrète roumaine de sinistre réputation (maillot blanc puis bleu)
et Steaua, l'équipe de l'armée roumaine (maillot rouge).
On
ne verra donc jamais le père et le fils, on ne fera que les entendre
commenter ce match diffusé dans son intégralité et sans le son
d'origine. Comme je n'y connais pas grand chose en foot, je leur fais
confiance sur la qualité du match. Le père affirme qu'il est
rapide, de bonne qualité, malgré la difficulté de cette neige qui
s’amoncelle sur le terrain masquant les marques sur la pelouse.
Adrian se rappelle les souvenirs, notamment que les dirigeants de
chaque équipe cherchait à le corrompre, une habitude dans la
Roumanie des Ceausescu. Adrian a commencé à se plaindre aux
autorités du football, on lui a demandé de se taire.
Le
match est filmé avec 3 caméras, remarque Corneliu. Et dès que deux
joueurs se chamaillent, se disputent et manquent de se taper dessus,
l'axe de la caméra est dévié sur les tribunes « les
communistes ne voulaient pas que les comportements antisportifs
soient filmés », dit Adrian. Le foot est donc avant tout un
soutien à l'idéologie. Le match est filmé en plans larges, la
caméra suit le ballon, jaune pour l'occasion, qu'on puisse le
distinguer de la neige qui rend les joueurs quasiment invisibles au
regard. Le père ne comprend pas que son fils fasse un tel film. Film
d'ailleurs qu'on qualifiera difficilement, entre documentaire,
expérimental, on ne sait guère.
Corneliu
répond à son père une phrase définitive : ce match, ça
ressemble à mes films, c'est trop long et il ne se passe rien. En
effet, le spectacle est relativement calme. Le père fait deux
remarques sur le laxisme dont l'accuse son fils. D'abord qu'être
arbitre n'est pas être juge. Il veille au bon déroulement du match.
Ensuite, qu'en 1988, les footballeurs ne tombaient pas au moindre
geste d'un adversaire. Dans la deuxième mi-temps, une fois toutes
les anecdotes racontées, le père devient silencieux, comme s'il
n'arrivait plus à se souvenir de quoi que ce soit, comme si la neige
de télévision procédait à son travail d'oubli.
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