Le
film le plus court des Marx Brothers est celui tourné par Leo
McCarey. Lors d'un long entretien accordé aux Cahiers du cinéma
(N°163 février 1965), le cinéaste avait du mal à comprendre
l’engouement de Serge Daney et Louis Skorecki pour Soupe au
canard qu'ils tenait pour le meilleur film des Marx « Je ne
l'aime pas tellement ». Leo McCarey préférait ses films
sentimentaux à ses comédies où il n'était qu'un simple exécutant.
Mais surtout Leo McCarey n'aimait pas Soupe au canard pour une
raison plus prosaïque : le film n'a pas marché. Pour lui, un
bon film est un succès au box-office, il ne cessera de le répéter
au court de cet entretien qui tourne souvent au dialogue de sourd, un
peu à la manière des discussions absurdes entre Groucho et Harpo.
Dernier
film où les quatre frères jouent ensemble, Soupe au canard se
situe dans un pays imaginaire, la Freedonia où la très riche Madame
Teasdale (Margaret Dumont) demande, en échange d'un copieux soutien
financier, que Rufus T. Firefly (Groucho Marx) devienne chef du
gouvernement. Le Freedonia a un hymne national qui est chanté
plusieurs fois dans le film, tout d'abord in extenso dans la scène
d'ouverture à grand renfort de danseuses et de musiciens habillés
comme dans une comédie musicale d'Ernst Lubitsch (Le Lieutenant
souriant 1931). Puis seule la rengaine Hail hail Freedonia land
of the brave and free est entonnée chaque fois que Groucho rentre
dans le palais présidentiel.
Le
comique de Groucho fonctionne toujours avec ses dialogues et
particulièrement dans l'humiliation de Madame Teasdale son
souffre-douleur. Elle s'est entichée de lui mais il n'en veut qu'à
son argent. Il se moque des manières mondaines de la dame et plus
encore, il insulte l'ambassadeur de Sylvanie, Trentino (Louis
Calhern) ce qui mènera à la guerre entre les deux pays. Le ministre
de la guerre choisi par Groucho est Chicolini (Chico Marx), vendeur
de cacahuètes. Zeppo se contente d'être le secrétaire particulier
de Groucho. Harpo est le conducteur du side-car qui sert de véhicule
de fonction. Par deux fois, Harpo démarre la moto laissant Groucho
seul et dépité. La troisième fois, Groucho prend les devants,
s'assoit sur la moto, mais Harpo file seul dans le panier du
side-car.
La
meilleure scène de Soupe au canard est la séquence muette et
visuelle du miroir. Groucho est en chemise de nuit et compte
rejoindre Madame Teasdale. Trentino a engagé Chico et Harpo pour
fomenter un complot (ce qui n'empêche pas Groucho de les avoir
embauchés, on n'en est pas à une incohérence près, au contraire).
Harpo a cassé le miroir du palais et pour que Groucho ne s'en
aperçoive pas, il porte les lunettes rondes et barbouille au dessus
de ses lèvres une moustache. Groucho et Harpo reproduisent les mêmes
gestes. Puis, c'est Chico qui arrive de l'autre côté du miroir. Ce
qui est extraordinaire dans cette belle séquence est de se rendre
compte que les frères sans leur accoutrement (les chapeaux de Chico
et Harpo) sont tout à fait méconnaissables. D'ailleurs, Soupe au canard est le seul film où Harpo ne joue pas de la harpe, Chico ne joue du piano, comme s'ils abandonnaient leur personnalité.
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