Le
cinéma a rarement réussi à filmer le football, tout du moins à
retranscrire et mettre en scène ses phases de jeu, à représenter
le suspense d'un match, la tension entre les joueurs. C'est d'autant
plus paradoxal qu'un match de foot fait la même durée qu'un film.
John Huston avec A nous la
victoire (1981) avait beau
s'entourer de Pelé (mais aussi de Sylvester Stallone plus connu pour
ses talents de boxeur), il n'arrivait pas à rendre intelligible les
matchs, donc à les rendre crédibles. En 1979, Jean-Jacques Annaud
avait pourtant tout compris de la manière de filmer le foot dans
Coup de tête.
L'énergie et la fougue de Patrick Dewaere devaient beaucoup à la
mise en scène du cinéaste. L'acteur était suivi par la caméra qui
captait les matchs comme une chorégraphie. A cela s'ajoutait des
enjeux dramatiques moins lourds que chez John Huston, la vie en usine
et les rapports avec la patronat ici, la vie de prisonnier et les
relations avec les nazis là.
En
2005, Danny Cannon s'était lancé avec Goal
dans le portrait édifiant d'un jeune footballeur mexicain promis à
un bel avenir. Goal,
comme ses suites (le N°3 n'est même pas sorti au cinéma) n'était
qu'un ramassis de clichés sur l'argent, les femmes et les
footballeurs. Là encore, les matchs étaient platement filmés,
atrocement montés et bourrés de faux raccords. Pas étonnant que
les films furent des bides. Les films de foot ne sont pas comme les
autres films de sport collectif. Au basket, au football américain,
au baseball, le suspense repose sur le chronomètre qui peut
s'arrêter, suspendre le temps et l'action, le cinéma peut se
focaliser sur les personnages annexes, les enjeux extérieurs au
match, il peut prolonger, accélérer et ralentir le temps. C'est
comme si Hollywood avait inventé ces sports. Le football est un
sport de longue haleine, parfois même sans suspense ni tension
pendant le match. C'est pourquoi, souvent le cinéma de foot filme
autre chose que le match.
Dominique
Rocheteau (gagnant de l'Euro 1984) a fait l'acteur pour Maurice
Pialat (Le Garçu,
1995), cette même année, Eric Cantona a commencé sa carrière de
comédien, du Bonheur est dans
le pré d'Etienne Chatilliez
(1995) aux Rencontres d'après
minuit (Yann Gonzalez, 2013)
en passant par Looking for Eric
de Ken Loach (2009). Le moins que l'on puisse dire est que Cantona
ose tous les genres et fait une carrière originale et exigeante. On
trouve régulièrement des anciens footballeurs venus faire un cameo
dans une comédie bien française sur le foot. Rarement le niveau de
nos comédies françaises dépassent le comique troupier (3
zéros de Fabien Onteniente,
2002, Les Seigneurs
d'Olivier Dahan, 2012 ou La
Dream team de Thomas Sorriaux,
2016). De ce marasme comique surnagent Didier
magnifique premier film d'Alain Chabat (1996) et Le
Crocodile du Botswanga de
Lionel Steketee et Fabrice Eboué (2014). Ce dernier film effleure le
sujet des jeunes prodiges que l'Europe arrache à leur pays
d'origine, sujet de Comme un
lion de Samuel Collardey
(2012).
Aux
USA, le « soccer » est avant tout un sport féminin. Dans
le récent Joyeuse fête des
mères (Garry Marshal, 2016),
Jason Sudeikis emmène ses deux filles au football. C'est en tout cas
un sport minoritaire aux USA.
She's the man d'Andy Fickman
(2006) le montre parfaitement. Une jeune femme, suite à la
suppression de son équipe féminine, se travestit en homme pour
intégrer l'équipe masculine et tombe amoureuse du capitaine
(Channing Tatum à ses débuts) dont la petite amie tombe amoureuse
du personnage travesti en garçon. Le film est médiocre mais il
évoque la virilité que les footballeurs comme leurs supporters
intrinsèque à ce sport. Ce sera aussi le sujet de Tomboy
de Céline Sciamma (2011), de The
Beautiful thing d'Hettie
MacDonald (1995), de Joue-la
comme Beckham de gurinder
Chadha ou d'Esprit d'équipe de
Robert I. Douglas qui posent la question de la virilité, de la
masculinité, mais aussi des insultes des supporters, de leur
homophobie, de leur racisme, de leur misogynie.
Les
Britanniques sont champions pour parler des douloureux problèmes
dérivés du football. Le sport national a aussi ses côtés très
sombres. Les hooligans, les supporters, les matchs truqués, les
espoirs de s'en sortir par le sport : My
name is Joe (Ken Loach, 1998)
Newcastle boys
(Mark Herman, 2000), Carton
rouge (Barry Skolnick, 2001),
Hooligans
(Lexi Alexander, 2005). En France, Jean-Pierre Mocky avait réussi à
bien secouer son monde avec A
mort l'arbitre (1984). Pour ma
part, je préfère Shaolin
soccer de Stephen Chow (2001),
chef d’œuvre comique et burlesque indépassable. La réussite de
Shaolin soccer
tient à ne pas faire des entraînements et des matchs des séquences
crédibles, tout en développant les problèmes exposés plus haut,
mais au contraire à exagérer le trait, à pasticher le jeu en le
travestissant en art martial. Pour Stephen Chow, c'est aussi
l'occasion de faire du placement de produits (Puma partout), le
football plus encore que le cinéma est aussi une industrie.
Le
football est une religion pour ses supporters. Sport national en
Italie (le curé de Nanni Moretti y joue dans La
Messe est finie) mais aussi en
Iran. En 1974, Abbas Kiarostami (c'était avant l'arrivée de
Khomeiny) filmait dans Le
Passager un jeune qui
cherchait à assister à un match de foot. Les épreuves et les
obstacles s'accumulaient et l'enfant, épuisé, s'endormait pendant
le match. En 2006, Jafar Panahi montre avec Hors
jeu le poids de la
discrimination religieuse. Une poignée de femmes déguisées en
hommes se pointent au stade, elles sont arrêtées et négocient avec
la police le droit de regarder le match qui restera hors champ. Le
ton est celui de la comédie mais ne cache pas le drame quotidien des
femmes en Iran. Dans La Coupe
(Khyentse Norbu, 1999), rare film du Bhoutan, des petits moines
bouddhistes voulaient voir la finale du mondial 1998. Dans Timbuktu
(Abderrahmane Sissako, 2014), l'une des plus belles scènes
montraient des enfants jouer au foot sans ballon, ultime provocation
libératrice face aux forces obscurantistes des extrémistes de tout
bord. Allez, bon match, je vais regarder un film.
Images
de foot au cinéma :
Dominique
Rocheteau et Gérard Depardieu dans Le Garçu de Maurice
Pialat
Pelé
et Sylvester Stallone dans A nous la victoire de John Huston
Eric
Cantona dans Looking for Eric de Ken Loach
Johan
Cruyff porte son maillot N°14 dans Numéro deux de Jean-Luc
Godard
Roy
Cheung dans The Triad zone de Dante Lam
Zoé
Héran dans Tomboy de Céline Sciamma
Parminder
Nagra et les autres footballeuses dans Joue-la comme Beckham de
Gurinder Chadha
Mytri
Attal dans Comme un lion de Samuel Collardey
Le
Passager d'Abbas Kiarostami
Hors
jeu de Jafar Panahi
La
Messe est finie de Nanni Moretti
Jacques
Dutronc dans Sauve qui peut (la vie) de Jean-Luc Godard
Shaolin
soccer de Stephen Chow
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