Entre
le comique franchouillard (Banzaï) et le drame
existentialiste (Tchao Pantin), le producteur Claure Berri
concocte, en cette année 1983, pour son protégé Coluche une
comédie romantique douce amère. C'est Bertrand Blier qui se colle
au scénario (avec Gérard Brach) et à la réalisation. Dans ses
années fastes, les films du cinéaste reposaient sur des situations
incongrues liées entre elles par un néo surréalisme et un sens
inné de l'absurde. La Femme de mon pote repose tout entier
sur ses répliques (admirablement bien interprétées) et sur les
regards entre les personnages.
C'est
un titre à la première personne, chose rare dans le cinéma de
Bertrand Blier. Micki le personnage qu'incarne Coluche ne parle pas
de lui dans ce titre, mais de Viviane (Isabelle Huppert), la nouvelle
petite amie de son meilleur ami Pascal (Thierry Lhermitte). Il est
entre les deux amants qui viennent de se rencontrer à Courchevel où
les deux potes travaillent en saison, Pascal dans un magasin de
fringues de ski et Micky qui est DJ dans une boîte de nuit. Cette
absence dans le titre de Micky est au cœur du récit, c'est un
personnage qui existe à peine, transparent, sans charme.
Pascal
est désigné d'emblée comme un séducteur impénitent. Quand il
débarque au petit matin chez Micky, dans un appartement rempli de
bric-à-brac, Pascal avec une tête affligée, annonce qu'il est
encore tombé amoureux. Encore ! Et il veut l'aval de son
pote. Pascal ne se fait pas de souci, Micky ne risque pas de lui
piquer sa nouvelle copine. Et Micky vient observer la nouvelle
conquête, une superbe bimbo blonde à qui Isabelle Huppert offre
toute la sensualité possible. Elle y parvient sans mal, allongée
sur le lit. Micky va bien entendu tomber amoureux d'elle.
La
Femme de mon pote se déroule dans un décor unique. Une maison
de bois au milieu des pistes de neige. Quand le trio déjeune sous le
soleil, les skieurs remontent les pentes devant leurs assiettes.
« Bonjour », disent-ils. A l'étage, un grand salon (« on
pourrait mettre de la musique » dit Viviane « on n'a pas
de musique » rétorque Micky). En bas, la chambre (« tu
lui as apporté son petit déjeuner ? » demande Pascal,
« comme d'habitude » répond Micky). A l'extérieur, un
escalier mène à la salle de bains. Micky va s'y installer pour être
plus près de Viviane.
Je
n'avais pas vu La Femme de mon pote depuis bien 30 ans. Ce qui
m'a le plus frappé, c'est sa douceur, les lents mouvements de caméra
pour capturer le drame qui va se nouer entre le trio. Bertrand Blier
abandonne les confrontations rugueuses qui font son génie pour un
glissement des dialogues entres plusieurs scènes dans les
différentes pièces. Ce qui m'a encore plus frappé, c'est
l'utilisation de la musique de J.J. Cale pour la bande sonore, du
blues entraînant mais mélancolique en contrepoint de la dérive des
sentiments.
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