Le
slogan de La Tortue rouge aurait pu être « sur une île,
personne ne vous entend crier » tant le scénario de Pascale
Ferran et Michael Dudok de Wit, qui signe ici son premier
long-métrage, flirte très souvent avec l'horrifique pur. D'abord,
cette mer déchaînée avec ses vagues immenses et grises où un
pauvre homme est enfermé. Il échouera sur cette île dont il va
tenter à plusieurs reprises de s'échapper. Patiemment, il coupe des
bambous pour faire un radeau de fortune. L'embarcation, une fois sur
l'eau, est démembrée, on imagine par la tortue du titre, et l'homme
reprend inlassablement son travail. Il construit un radeau plus
grand, plus grand, plus solide.
La
tâche est longue et fastidieuse, les uniques vêtements de l'homme
commencent à effilocher, signe qu'il est là depuis bien longtemps.
Assez vite, viennent à l'esprit quelques films sur les naufragés
solitaires. Seul au monde de Robert Zemeckis, évidemment,
avec son personnage qui perd désespoir et qui grimpe au sommet de
l'île. Et qui tombe dans un puits au rebord glissant. Certes, cela
arrive en début de film, on sait qu'il va s'en sortir. La solitude
le fait rêver (en gris) qu'il peut partir facilement. Le tour de
force du film est de réussir à ne pas faire dire un seul mot à ses
personnages, mais souvent au prix d'une musique superfétatoire et
assourdissante.
La
Tortue rouge se transforme en douceur, sans qu'on s'en rende du
thriller au film fantastique, comme cela arrive souvent dans les
films Ghibli. La Tortue rouge est produit par Isao Takahata et
le père de Pompoko n'est sans doute pas pour rien dans
l'arrivée de cette immense tortue sur la plage de cette île
déserte. La transformation rappelle celle de Bird people de
Pascale Ferran. Jusqu'à présent, l'homme naufragé n'avait comme
amis qu'une petite escouade de crabes qui semblent vouloir être
apprivoisés par lui. Une dizaine de crabes au début, puis il n'y en
aura de moins en moins, le cycle de la nature est là, quand une
mouette en fauche un.
Et
la tortue devient une femme. Et la femme aime l'homme. Et la femme
donne naissance à un enfant. Là aussi le cycle d'une vie. Jamais il
ne sera vraiment indiqué à quelle époque le récit peut se
dérouler. Là encore, aucun mot ne sera prononcé entre eux. L'image
est toujours aussi épurée, composée de quelques couleurs, vert de
la forêt, bleu de la mer, jaune du sable. Mais le film, en
abandonnant le thriller et le fantastique, en devenant une fable sur
la vie, l'amour et la mort, devient répétitif, parfois édifiant
voire conformiste, et encore cette musique de plus en plus présente,
de plus en plus forte.
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