La
France, c'est la gastronomie et la gastronomie, c'est Charles
Duchemin. Avant de prêter ses traits au directeur du fameux guide
gastronomique de L'Aile ou la cuisse, pastiche du Michelin,
Louis de Funès se déguise en vieille dame très digne, très
pomponnée pour tester un restaurant. Il passera ainsi incognito. Il
pourra surveiller l'un de ses employés du guide, repéré par le
patron du restaurant, et qui se verra servir tous les meilleurs
plats, les meilleurs vins et le meilleur service tandis que la
vieille dame sera laissée de côté et méprisée. Il va sans dire
que la note critique dans le guide sera salée.
Charles
Duchemin a à peine fini son repas, qu'il file avec son fidèle
chauffeur (Raymond Bussières) dans un restaurant japonais où le
chef fait sauter les crevettes en teppanyaki (ce n'était pas encore
la mode de la cuisine de l'empire du soleil levant ni des sushis) au
ravissement des deux hommes qui n'ont jamais vu cela. Cela fait
beaucoup pour un seul homme qui jongle entre les rendez-vous,
dentiste, tailleur pour construire son habit de l'Académie Française
et les réunions avec ses critiques. Il compte sur son fils Gérard
(Coluche) pour prendre la relève.
Gérard
a bien d'autres ambitions. Il accepte souvent de rendre service à
son autoritaire papa mais son rêve est de devenir clown. D'ailleurs,
il exerce dans un cirque (on repère Martin Lamotte et Gérard Lanvin
en silhouette) et se fait remplacer dans les restos par ses collègues
artistes. Le grand numéro de Gérard, une fois son maquillage de
clown accompli, est le numéro du rasage de barbe d'un spectateur
pris au hasard. Bien évidemment, Monsieur Duchemin ignore tout de
l'activité parallèle de son rejeton. A grands coups de quiproquos,
le secret est jusqu'à présent bien gardé.
C'est
sans compter sur Tricatel (Julien Guiomar), l'ennemi de Duchemin et
de son guide. Tricatel a une ambition : servir de la bouffe
industrielle à la France. Et comme il le dit, tous les coups sont
permis. Il envoie un espion (Yves Afonso) à l'hôtel particulier de
Duchemin pour voler la maquette du guide. Gérard a son tour
espionnera l'espion qui se rend dans les locaux ultra modernes de
Tricatel (la vieille France contre celle traditionnelle). Echec pour
l'industriel qui n'a pas dit son dernier mot. Il accepte d'affronter
Duchemin dans une émission de Philippe Bouvard.
Les
personnages sont présentés, les différences entre le père et le
fils sont expliquées, il est temps à L'Aile ou la cuisse de
partir sur les routes de France dans les auberges de province.
Embarquent avec les Duchemin, le chauffeur et Marguerite la jeune
nouvelle secrétaire (Ann Zacharias) que Gérard trouve à son goût.
Afin de ne pas éveiller les soupçons, le chauffeur et le père
intervertissent leurs rôles et Gérard passe pour le fiancé de
Marguerite. Ailleurs, Charles Duchemin se fait passer pour un
Américain dans un ignoble boui-boui.
Passés
ces quiproquos poussifs, le film prend un superbe ampleur. D'abord,
le cirque suit la tournée des Duchemin. Or, le larbin de Tricatel
apprend que Gérard fait le clown et le fait savoir au père qui se
retrouve sur la piste. « Mais c'est le Président de la
République » hurle le clown Gérard qui découvre stupéfait
que le père est sous la mousse à raser. Puis, c'est la traquenard
d'un aubergiste (Vittorio Caprioli) qui fait bouffer à Charles
Duchemin les horreurs qu'il sert à ses clients. Le fusil sur l'estomac, il lui dit « je sers de la merde, hein, mangez !
MANGEZ ! »
Résultat
de ce repas sinistre, le directeur du célèbre guide est atteint
d'agueusie. « De A privatif et Gueusie goût » dit le
larbin à Tricatel qui se frotte les mains. Duchemin a perdu le goût.
Il va pouvoir le battre à l'émission de Philippe Bouvard. Le film
expose alors sa séquence emblématique, celle de la visite de
l'usine Tricatel où les œufs sont carrés, les poissons en plastic
et la viande en pétrole. Oh, cet avenir n'arrivera jamais, c'est
certain, l'industrie agro-alimentaire ne remportera jamais la guerre.
C'était un message prémonitoire qui a déjà 40 ans.
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