lundi 20 juin 2016

L'Aile ou la cuisse (Claude Zidi, 1976)

La France, c'est la gastronomie et la gastronomie, c'est Charles Duchemin. Avant de prêter ses traits au directeur du fameux guide gastronomique de L'Aile ou la cuisse, pastiche du Michelin, Louis de Funès se déguise en vieille dame très digne, très pomponnée pour tester un restaurant. Il passera ainsi incognito. Il pourra surveiller l'un de ses employés du guide, repéré par le patron du restaurant, et qui se verra servir tous les meilleurs plats, les meilleurs vins et le meilleur service tandis que la vieille dame sera laissée de côté et méprisée. Il va sans dire que la note critique dans le guide sera salée.

Charles Duchemin a à peine fini son repas, qu'il file avec son fidèle chauffeur (Raymond Bussières) dans un restaurant japonais où le chef fait sauter les crevettes en teppanyaki (ce n'était pas encore la mode de la cuisine de l'empire du soleil levant ni des sushis) au ravissement des deux hommes qui n'ont jamais vu cela. Cela fait beaucoup pour un seul homme qui jongle entre les rendez-vous, dentiste, tailleur pour construire son habit de l'Académie Française et les réunions avec ses critiques. Il compte sur son fils Gérard (Coluche) pour prendre la relève.

Gérard a bien d'autres ambitions. Il accepte souvent de rendre service à son autoritaire papa mais son rêve est de devenir clown. D'ailleurs, il exerce dans un cirque (on repère Martin Lamotte et Gérard Lanvin en silhouette) et se fait remplacer dans les restos par ses collègues artistes. Le grand numéro de Gérard, une fois son maquillage de clown accompli, est le numéro du rasage de barbe d'un spectateur pris au hasard. Bien évidemment, Monsieur Duchemin ignore tout de l'activité parallèle de son rejeton. A grands coups de quiproquos, le secret est jusqu'à présent bien gardé.

C'est sans compter sur Tricatel (Julien Guiomar), l'ennemi de Duchemin et de son guide. Tricatel a une ambition : servir de la bouffe industrielle à la France. Et comme il le dit, tous les coups sont permis. Il envoie un espion (Yves Afonso) à l'hôtel particulier de Duchemin pour voler la maquette du guide. Gérard a son tour espionnera l'espion qui se rend dans les locaux ultra modernes de Tricatel (la vieille France contre celle traditionnelle). Echec pour l'industriel qui n'a pas dit son dernier mot. Il accepte d'affronter Duchemin dans une émission de Philippe Bouvard.

Les personnages sont présentés, les différences entre le père et le fils sont expliquées, il est temps à L'Aile ou la cuisse de partir sur les routes de France dans les auberges de province. Embarquent avec les Duchemin, le chauffeur et Marguerite la jeune nouvelle secrétaire (Ann Zacharias) que Gérard trouve à son goût. Afin de ne pas éveiller les soupçons, le chauffeur et le père intervertissent leurs rôles et Gérard passe pour le fiancé de Marguerite. Ailleurs, Charles Duchemin se fait passer pour un Américain dans un ignoble boui-boui.

Passés ces quiproquos poussifs, le film prend un superbe ampleur. D'abord, le cirque suit la tournée des Duchemin. Or, le larbin de Tricatel apprend que Gérard fait le clown et le fait savoir au père qui se retrouve sur la piste. « Mais c'est le Président de la République » hurle le clown Gérard qui découvre stupéfait que le père est sous la mousse à raser. Puis, c'est la traquenard d'un aubergiste (Vittorio Caprioli) qui fait bouffer à Charles Duchemin les horreurs qu'il sert à ses clients. Le fusil sur l'estomac, il lui dit « je sers de la merde, hein, mangez ! MANGEZ ! »

Résultat de ce repas sinistre, le directeur du célèbre guide est atteint d'agueusie. « De A privatif et Gueusie goût » dit le larbin à Tricatel qui se frotte les mains. Duchemin a perdu le goût. Il va pouvoir le battre à l'émission de Philippe Bouvard. Le film expose alors sa séquence emblématique, celle de la visite de l'usine Tricatel où les œufs sont carrés, les poissons en plastic et la viande en pétrole. Oh, cet avenir n'arrivera jamais, c'est certain, l'industrie agro-alimentaire ne remportera jamais la guerre. C'était un message prémonitoire qui a déjà 40 ans.






















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