La
magie du cinéma, c'est de pouvoir passer dans la journée d'un bon
blockbuster comme Chocolat à un film indie new-yorkais comme
Mad love in New York. En fait, en ce moment, c'est pas
vraiment facile de choisir entre les 20 films qui débarquent chaque
mercredi dans les salles. Moi, je regarde des films, mais est-ce que
le film me regarde moi ? En ce moment, j'ai plutôt tendance à
a rabattre sur des films faits par des gens dont j'ai déjà vu
quelques films. Avec les frères Safdie, c'est Lenny and the kids
(je préfère le titre VO Got get some rosemary) et The
Pleasure of being robbed, j'ai une vague idée de ce que je vais
voir, de leur petit univers. Et puis, j'aime regarder New York.
L'une
des questions qui m'obsèdent depuis un bon bout de temps, c'est
celle du réalisme et de ses multiples réponses. Est-ce que c'est ça
la vraie vie ? C'est réaliste, crédible, vraisemblable ?
En quoi on peut connaître l'authenticité d'une scène ? Dans
Mad love in New York, dans le premier quart d'heure, on est
mis à rude épreuve et Harley finit à l'hôpital. On nage en pleine
authenticité, quand tout à coup, une violente dispute s'enclenche.
Harley est agressée par une femme, puis une autre, et elle se prend
encore des coups. Mais les frères Safdie choisissent de couper le
son des dialogues et de les remplacer par de la musique électro.
Pour
beaucoup de cinéastes et d'acteurs, une scène de dispute est
l'occasion en or de montrer son talent, son sens du dialogue, son
impressionnant jeu d'acteur et direction, les Oscar. En supprimant
les dialogues entre Harley et ses agresseurs, Josh et Benny Safdie
stimulent l'imaginaire du spectateur, cherche à aiguiser sa
curiosité. Mais elles lui veulent quoi à cette pauvre droguée ?
Pourquoi elles l'emmerdent ? Jusqu'à présent, on avait un peu
l'impression que c'était une victime, mais, à y réfléchir, elle
semble plutôt être une fouteuse de merde dont les autres ne veulent
plus, d'où la dispute et la baston.
Harley,
c'est Arielle Holmes, et inversement. Elle a écrit un livre sur sa
vie de SDF droguée dans les quartiers chics de Manhattan où les
bons libéraux donnent quelques dollars pour qu'ils survivent. Les
Safdie ont adapté son livre et elle incarne son propre rôle, avec
une simple inversion sonore pour le prénom. Mad love in New York
fait partie de ces films qui plongent directement dans le bain, sans
même apprendre à nager. Une étreinte en très gros plan entre
Harley et Ilya son chéri (Caleb Landri Jones), un chantage amoureux
au suicide filmé en plan très large, la taillage des veines
d'Harley et cette scène à l'hôpital.
On
ne sait rien du passé des deux personnages, on ne sait pas de quel
milieu ils peuvent venir, et on s'en fout un peu. On sait que ces
jeunes n'ont pas vraiment d'avenir parce qu'ils vivent au jour le
jour. Ilya et Harley ont l'amour fou. Les rupture sont violentes,
avec son lot de hurlement, de phrases interrompus et d'arguments
fallacieux. Les regards haineux de Harley, le dédain dominateur de
Ilya. Les retrouvailles sont tout autant sportives, avec des
poursuites dans les rues, des rencontres dans Central Park dans cet
fin d'hiver où la neige peine encore à fondre.
Ilya
et Harley n'ont qu'une seule obsession : leur shoot d'héroïne
quotidien. Harley, les yeux semi-clos fait vaguement la manche pour
acheter à Mike (Buddy Duress) sa dose. Tout ceux que Harley
rencontre ne lui parle que de Ilya, on a l’impression que c'est
presque un jeu pour ces gars de faire perdre la raison à Harley. Au
milieu de cette énergie destructrice et cauchemardesque, Josh et
Benny Safdie ne s'autorisent qu'une fois à illustrer les effets de
la drogue sur le couple. Ilya lance le portable qui leur permettait
d'appeler leur dealer. La lumière de l'écran du smartphone se
transforme dans le ciel étoilé en feu d'artifice.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire