L'Institut
Lumière à Lyon propose dès demain une rétrospective Akira
Kurosawa, l'occasion de revenir sur mon film préféré du cinéaste
japonaise : Barberousse. Il ne faut pas se fier à la
durée du film : il y a des films d'une heure vingt qui semblent
interminables. Les trois heures et six minutes de Barberousse,
entr'acte compris, valent le coup d'œil et filent sans qu'on s'en
apercevoivent.
Le
film se déroule au Japon au début du 19ème siècle. Non pas un
Japon glorieux peuplé de samouraï valeureux et de geishas
évaporées, mais un Japon sale, crasseux, populeux où la pauvreté
assaille les villageois. Akira Kurosawa a choisi de placer son film
dans un hôpital de campagne, décor quasiment unique du film. Il est
tenu par Kyiojio Niide dit Barberousse, interprété par Toshiro
Mifune, il doit son surnom à la couleur de sa barbe qu'il gratte de
la main quand il réfléchit.
Noburo
Yasumoto (Yuzo Kayama), un jeune médecin issu d'une classe sociale
argentée a été muté dans cet hôpital. Mécontent, il pressent
qu'il risque de briser sa carrière de médecin et il refuse de
suivre les cours de Barberousse et n'en fait qu'à sa tête. L'un de
ses actes de rébellion est de ne pas revêtir l'uniforme de médecin.
Une jeune fille prisonnière d'une maison de geisha depuis son
enfance est malade, elle sera recueillie et soignée par Noburo qui
en tombera amoureux.
Barberousse
suit l'évolution de ces trois personnages et de quelques autres en
annexe, les malades qui défilent, les femmes du village. Le récit
est d'une grande limpidité où se mêlent flash-back, discours
humaniste, combat entre Barberousse et des bandits, romanesque
échevelé et romantisme exacerbé. La précision avec laquelle Akira
Kurosawa décrit la vie dans un hôpital de campagne, l'aspect
documentaire n'est pas contredit par l'aventure amoureuse entre les
personnages.
Bien
au contraire, elles se répondent l'un l'autre. C'est tout un système
d'opposition que met en œuvre Akira Kurosawa dans son film : le sale
contre le propre, l'amour contre la prostitution, la jeunesse contre
la vieillesse, l'innocence face à la sagesse, les pauvres contre les
riches, et bien sûr, la science contre la superstition. Mais, jamais
il n'y a de manichéisme édifiant, ni de manipulation du spectateur,
ce qui en fait sa grandeur et sa générosité.
Barberousse
marque la fin d'une époque chez Akira Kurosawa : c'est sa dernière
collaboration avec l'immense Toshiro Mifune. L'acteur était devenu
incontrôlable. Ils ne cessèrent de se disputer durant les deux
longues années de tournage. Toshiro Mifune obsédé par sa nouvelle
position de star et sa carrière à Hollywood refusait que le
cinéaste le dirige. Barberousse est aussi le dernier film en
noir et blanc d'Akira Kurosawa qui passera à la couleur en 1970 avec
Dodes'kaden après cinq années de dépression où il ne
tournera pas.
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