Après
la chute de l'URSS, il est apparu dans les anciennes républiques
d'Asie centrale (Tadjikistan, Kirghizie, Kazakhstan, Ouzbékistan et
Turkménistan), une Nouvelle Vague de jeunes cinéastes, parmi eux
Darejan Omirbaev et Aktan Abdykalikov. Cette génération coïncide
avec celle des nouveaux cinéastes iraniens (Abbas Kiarostami, Mohsen
Makhmalbaf), mais on a encore régulièrement des films iraniens qui
sortent en France, ceux d'Asie centrale sont extrêmement rares. J'ai
pu voir en copie 35mm Le Fils adoptif, superbe film en couleur
et noir et blanc. Comme il n'existe pas de DVD de ce film, je ne
pourrais pas faire mes habituelles captures d'écran. Dommage.
Couleur
et noir et blanc, donc. Le film commence sur un lent travelling sur
un tapis très coloré pour arriver à un groupe de vieilles femmes
qui parlent d'un enfant qui sera adopté par un couple qui ne peut
pas en avoir. Ce garçon s'appelle Azate mais il sera vite surnommé
par tous ses camarades quand il grandit (et le film de vient alors en
noir et blanc) Beshkempir, l'adopté. La couleur reviendra de temps
en temps, de manière fugace, comme un éclat de vie soudaine au
milieu du gris. Mais revenons aux aventure d'Azate, ce bon garçon
rondouillard à la coiffure en crête aplatie, c'est lui qui sur
l'affiche.
Jusqu'alors,
il ignorait qu'il est un enfant adopté. Il passe ses journées à
jouer avec ses quatre ou cinq amis dans la nature. Ils font quelques
bêtises sans importance, comme se tremper dans le trou rempli de
boue qui sert au fabricant de briques artisanales. Ils vont taper
dans un essaim d'abeilles avant de s'enfuir. Ils découvrent les
rondeurs d'une femme nue à travers les embrasures d'une vieille
porte. Ils se chamaillent comme des enfants de dix ans, et un jour,
l'un d'eux, dans un brusque moment d'énervement, révèle la vérité
à Azate, qui court se réfugier auprès de sa grand-mère qu'il aime
plus que quiconque.
C'est
d'abord la rudesse de cette micro société que le cinéaste kirghize
montre. Une mère qui a du mal à parler avec son fils et qui vit
depuis dix ans cette honte d'être stérile. Ses amies, lors d'un
travail sur le tapis, lui en font reproche. C'est un père à peine
plus loquace qui traite son fils de paresseux. On remarquera que ce
père porte une moustache et un chapeau qui rappelle, sans équivoque,
les accoutrements de Chisu Ryu dans les films de Yasujiro Ozu. Les
jeux des enfants rappellent ceux de Bonjour, mais cette fois
Azate ne veut pas une télévision, mais aller voir un film indien
sur la place du village.
Ce
film indien, un Bollywood des années 1970, intéresse au plus au
point Azate parce qu'il pourra côtoyer la belle Aïnoura, une de ses
amies, le seule qui soit gentille avec lui. Azate a remarqué que le
projectionniste va souvent chercher, en vélo, une jeune femme chez
elle, un peu en secret des parents de cette dernière. Il faudra au
gamin toute la malice du monde pour qu'il puisse, lui aussi,
trimbaler Aïnoura sur un vélo. Le projectionniste, deviendra le
complice bien consentant du joli manège d'Azate en prêtant son
vélo. C'est que le gamin qu'il était en début de film commence à
devenir un adolescent avec des sentiments.
Ce
qui est très beau dans Le Fils adoptif et qui révèle une
volonté du cinéaste de placer son récit sous les auspices du conte
(un peu comme La Nuit du chasseur), c'est l'abondance des
animaux. Toute une ménagerie se déploie. Une petite grenouille, un
cheval, des poissons, un chien, un chaton, des poules, des abeilles
et surtout une superbe huppe qui pénétrera par mégarde dans la
chambre d'Azate. C'est son chant que l'on entendra pendant tout le
film (superbe travail sur le son d'ailleurs qui exhausse le
hors-champ), et qui, au fil des saisons, annoncera sa liberté à
venir. Mais, une liberté qu'il paiera au prix fort.
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