mercredi 3 février 2016

Basic instinct (Paul Verhoeven, 1992)

De Basic instinct, que j'avais vu à sa sortie, je n'avais que peu de souvenirs. La fameuse scène de l'interrogatoire (« Vous allez m'arrêter pour fumage ? »), vue, revue, imitée, parodiée (Chantal Lauby dans La Cité de la peur, un an plus tard), séquence devenue iconique du cinéma sexy des années 1990 et de Sharon Stone. Et aussi la scène dans la boîte de nuit. Et encore le twist final qui nous avait fait, jadis, bien gambergé avec mes amis à la sortie du cinéma. 24 ans plus tard, je ressens devant le film de Paul Verhoeven la même circonspection que lorsque j'ai vu la dernière fois Body double de Brian De Palma : c'est nul ou c'est génial ? J'aime ou j'aime pas ? Mystère.

L'ambition de Basic instinct est de faire un thriller policier et érotique, et ça commence fort avec cette scène de sexe, vue d'un miroir pour continuer dans le lit au milieu d'un homme et d'une femme qui baisent bestialement. La femme attache l'homme avec une écharpe blanche, puis la femme, en guise d'orgasme, plante plein de coups de pic à glace dans l'abdomen du gars. Sérieuse et grandiloquente, donc un peu ridicule, ce meurtre est suivi de la scène où une demi douzaine de flics entourent le cadavre. Rigolards et détendus, les policiers ironisent sur le sort du pauvre homme qui s'est fait trucidé la veille.

Le ton de Paul Verhoeven se fait immédiatement sentir, comme s'il voulait dégoupiller le scénario de Joe Eszterhas, golden boy de Hollywood qui poursuivit dans cette voie avec Sliver de sinistre mémoire (et aussi Showgirls). Basic instinct est une relecture décadente, voire dégénérée, du cinéma d'Alfred Hitchcock, non pas un hommage comme chez Brian De Palma. Contrairement à James Stewart dans Vertigo, Nick Curran (Michael Douglas) n'a pas besoin d'aller au musée, les toiles de maîtres sont accrochées au mur de l'homme tué et un immense Picasso se trouve chez Catherine Trammel (Sharon Stone).

Les relectures sont d'abord visuelles, filmer les maisons de San Francisco (le lieu de Vertigo) en plongée, tout comme l'escalier qui mène à l'appartement de Nick, en colimaçon. Cela peut faire rire, mais le pic à glace, cette arme du crime, est le couteau de Psychose et la glace que brise Catherine est l'eau de la douche de Janet Leigh. L'idée de réincarnation, du double, en œuvre dans Vertigo, avec le personnage de Kim Novak, est ici multiplié avec la blondeur des personnages. Pas seulement Catherine, mais aussi Beth (Jeanne Triplehorn), brune aujourd'hui, mais blonde quand elle était étudiante, tout comme Roxy (Leilani Sarelle), la maîtresse de Catherine, et Hazel Dobkins (Dorothy Malone), une ancienne meurtrière.

Nick doit choisir entre Beth et Catherine. Beth est à la fois la petite amie de Nick et sa psy. Nick a eu de gros soucis et a arrêté de boire et fumer. Avec l'arrivée de Catherine dans sa vie, il recommence à boire et fumer. Catherine a aussi un diplôme de psychologie. D'ailleurs, elle connaissait Beth. Ces recours à la psychologie (de bas étage) sont sans doute ce qu'il y a de plus hitchcockien dans le film. Pourquoi les personnages agissent ainsi ? Qu'est-ce qui se passe dans leur tête ? Le comportement de chaque personnage est en rapport avec leurs failles psychologiques. Toute cette atmosphère est enrobée de la musique de Jerry Goldsmith, palimpseste de celle de Bernard Herrmann.

Ce qui ne rappelle pas le cinéma d'Hitchcock, ce sont ces scènes de sexe entre Nick et Catherine et entre Nick et Beth, d'une incroyable vulgarité, filmées dans une lumière couleur chair (Jan De Bont avait suivi Paul Verhoeven de leur Hollande natale). Une vulgarité totalement assumée par le cinéaste qui met en scène ces étreintes furieuses comme des fantasmes que vivrait l'écrivain de polars sexuels qu'est Catherine Trammel. Elle pille le cerveau et l'histoire sombre de ses proies pour en faire la matière de ses romans, tout comme les cerveaux de Murphy dans Robocop et d'Arnold Schwarzenegger dans Total recall étaient pillés pour y implanter des histoires tordues.


















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