De
Basic instinct, que j'avais vu à sa sortie, je n'avais que
peu de souvenirs. La fameuse scène de l'interrogatoire (« Vous
allez m'arrêter pour fumage ? »), vue, revue, imitée,
parodiée (Chantal Lauby dans La Cité de la peur, un an plus
tard), séquence devenue iconique du cinéma sexy des années 1990 et
de Sharon Stone. Et aussi la scène dans la boîte de nuit. Et encore
le twist final qui nous avait fait, jadis, bien gambergé avec mes
amis à la sortie du cinéma. 24 ans plus tard, je ressens devant le
film de Paul Verhoeven la même circonspection que lorsque j'ai vu la
dernière fois Body double de Brian De Palma : c'est nul
ou c'est génial ? J'aime ou j'aime pas ? Mystère.
L'ambition
de Basic instinct est de faire un thriller policier et
érotique, et ça commence fort avec cette scène de sexe, vue d'un
miroir pour continuer dans le lit au milieu d'un homme et d'une femme
qui baisent bestialement. La femme attache l'homme avec une écharpe
blanche, puis la femme, en guise d'orgasme, plante plein de coups de
pic à glace dans l'abdomen du gars. Sérieuse et grandiloquente,
donc un peu ridicule, ce meurtre est suivi de la scène où une demi
douzaine de flics entourent le cadavre. Rigolards et détendus, les
policiers ironisent sur le sort du pauvre homme qui s'est fait
trucidé la veille.
Le
ton de Paul Verhoeven se fait immédiatement sentir, comme s'il
voulait dégoupiller le scénario de Joe Eszterhas, golden boy de
Hollywood qui poursuivit dans cette voie avec Sliver de
sinistre mémoire (et aussi Showgirls). Basic instinct
est une relecture décadente, voire dégénérée, du cinéma
d'Alfred Hitchcock, non pas un hommage comme chez Brian De Palma.
Contrairement à James Stewart dans Vertigo, Nick Curran
(Michael Douglas) n'a pas besoin d'aller au musée, les toiles de
maîtres sont accrochées au mur de l'homme tué et un immense
Picasso se trouve chez Catherine Trammel (Sharon Stone).
Les
relectures sont d'abord visuelles, filmer les maisons de San
Francisco (le lieu de Vertigo) en plongée, tout comme
l'escalier qui mène à l'appartement de Nick, en colimaçon. Cela
peut faire rire, mais le pic à glace, cette arme du crime, est le
couteau de Psychose et la glace que brise Catherine est l'eau
de la douche de Janet Leigh. L'idée de réincarnation, du double, en
œuvre dans Vertigo, avec le personnage de Kim Novak, est ici
multiplié avec la blondeur des personnages. Pas seulement Catherine,
mais aussi Beth (Jeanne Triplehorn), brune aujourd'hui, mais blonde
quand elle était étudiante, tout comme Roxy (Leilani Sarelle), la
maîtresse de Catherine, et Hazel Dobkins (Dorothy Malone), une
ancienne meurtrière.
Nick
doit choisir entre Beth et Catherine. Beth est à la fois la petite
amie de Nick et sa psy. Nick a eu de gros soucis et a arrêté de
boire et fumer. Avec l'arrivée de Catherine dans sa vie, il
recommence à boire et fumer. Catherine a aussi un diplôme de
psychologie. D'ailleurs, elle connaissait Beth. Ces recours à la
psychologie (de bas étage) sont sans doute ce qu'il y a de plus
hitchcockien dans le film. Pourquoi les personnages agissent ainsi ?
Qu'est-ce qui se passe dans leur tête ? Le comportement de
chaque personnage est en rapport avec leurs failles psychologiques.
Toute cette atmosphère est enrobée de la musique de Jerry
Goldsmith, palimpseste de celle de Bernard Herrmann.
Ce
qui ne rappelle pas le cinéma d'Hitchcock, ce sont ces scènes de
sexe entre Nick et Catherine et entre Nick et Beth, d'une incroyable
vulgarité, filmées dans une lumière couleur chair (Jan De Bont
avait suivi Paul Verhoeven de leur Hollande natale). Une vulgarité
totalement assumée par le cinéaste qui met en scène ces étreintes
furieuses comme des fantasmes que vivrait l'écrivain de polars
sexuels qu'est Catherine Trammel. Elle pille le cerveau et l'histoire
sombre de ses proies pour en faire la matière de ses romans, tout
comme les cerveaux de Murphy dans Robocop et d'Arnold
Schwarzenegger dans Total recall étaient pillés pour y
implanter des histoires tordues.
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