dimanche 21 février 2016

Histoires de fantômes chinois (Ching Siu-tung, 1987)

En 1987, grâce au succès du Syndicat du crime, Tsui Hark se lance dans un projet insensé de film fantastique, genre méprisé par le public de Hong Kong. Il fournit à Ching Siu-tung un budget conséquent qui permettra de mettre en œuvre toutes les idées qui sortent de la tête du duo. La mode était au kung fu ghost comedy, genre parodique où Wu Ma a triomphé. Ce dernier est engagé dans le rôle d’un moine taoïste qui défendra les humains contre les démons qui peuplent cette Chine légendaire, cinématographiquement époustouflante.

Ning (Leslie Cheung) est un pèlerin fauché qui, faute d’argent, est obligé d’aller dormir dans un temple. Les villageois le voient déjà mort, car le temple est hanté par des femmes fantômes qui aspirent le souffle de vie des hommes après avoir couché avec eux. Ning est l’innocence incarnée et il tombe amoureux de Hsiao Tsing (Joey Wong). Il mettra un long moment avant de comprendre qu’elle est un fantôme. Du fantôme au fantasme, il n’y a qu’un pas que Ching Siu-tung franchit avec allégresse.

L'actrice est filmée sous toutes les coutures avec une rare sensualité, la caméra effleure les étoffes qu’elle porte et qu’elle enlève. Puis, elle est filmée les vêtements mouillés. Elle a caché le gentil et innocent pèlerin dans l’eau de son bain pour que sa sœur et sa « mère » adoptive (un fantôme dont la voix varie du féminin au masculin dans la même phrase) ne le découvrent pas. Enfin, il filme sa peau blanche avec une rare délicatesse.

C’est une belle idée de faire tomber amoureux un vivant et un fantôme. Ainsi le film peut jouer sur le romantisme absolu, sur l’amour par delà la mort, sur l’irréversibilité des sentiments. D’autant que tous les autres personnages se liguent contre ce couple impossible. La mort hante le couple dans des images d’une fulguration sublime. Cela commence avec le visage ensanglanté de Leslie, se poursuit avec le défilé des morts dans le village et se termine avec le mur de cadavres. Tout était écrit dès le départ. Tout cela est décrit dans la chanson de Leslie Cheung qui lance le film.

Histoires de fantômes chinois n’est évidemment pas un film lugubre, loin de là. C’est la naïveté du personnage de Leslie Cheung, sa maladresse, qui donnent au film un ton comique. Wu Ma, avec sa fausse barbe dans son personnage de moine ronchon au grand cœur, n’est pas en reste. Comme le scénario est fou, Wu Ma se voit offrir même une chanson, proche du rap, au milieu du film. C’est encore Wu Ma qui donne à Histoires de fantômes chinois ses plus belles acrobaties.

Plus encore que dans Zu les guerriers de la montagne magique, les lois de la gravitation sont ici abolies. C’est un plaisir des yeux de tous les instants de voir les interprètes voler dans tous les sens au milieu de la forêt. Les drapés des tuniques virevoltent au gré des mouvements contradictoires dans un maelstrom de couleurs primaires. Personne à Hong Kong ne filme le crépuscule bleuté avec autant de maestria que Ching Siu-tung.















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