samedi 27 février 2016

La Famille Tenenbaum (Wes Anderson, 2001)

Je suis toujours étonné de voir comment Wes Anderson parvient à dompter les acteurs les plus exubérants du cinéma américain. Récemment Ralph Fiennes (The Grand Budapest Hotel), Bruce Willis (Moonrise Kingdom), George Clooney (The Fantastic Mr. Fox) et bien entendu Bill Murray, compagnon de cinéma depuis quinze ans. Intégrer de tels cabots que Owen Wilson et Ben Stiller, à l'univers très identifiable qui sortaient tout juste de Zoolander, dans La Famille Tenenbaum était une grand pari, comme ajouter le trublion Gene Hackman, pour l'un de ses derniers films avant la retraite.

La distribution est très belle, plutôt à mon goût. Gene Hackman est Royal Tenenbaum, le patriarche indigne et manipulateur que ses enfants vont détester au plus haut point après qu'il ait cherché à leur voler leur bien. Anjelica Houston est Etheline Tenenbaum, toujours mariée mais séparée depuis de longues années. Le flash-back introductif fait découvrir la vie merveilleuse des trois enfants Tenenbaum qu'Etheline a su emmener au sommet, Chas est un as de la finance, Richie un champion de tennis et Margot une écrivaine à succès.

Cette longue ouverture commentée par la voix off d'Alec Baldwin met en place (avec des acteurs jeunes pour les rôles) l'univers dans lequel vit la famille Tenenbaum. Un immeuble de trois étages dans une ville indéterminée, pure fabrication de Wes Anderson qui s'emploie et s'amuse à modifier tous les signes. Du taxi cabossé à l'hôtel où réside Royal en passant par la multitude d'objets qui traînent dans la demeure, tout est reconnaissable mais tout semble venir d'ailleurs, d'un autre temps, d'une autre fonction.

Les tenues des personnages sont dans le même ordre d'idée d'un glissement d'une réalité à une autre. Les survêtements rouges vif que portent Chas (Ben Stiller) et ses deux fils Ari et Uzi, ainsi que leur cheveux abondement bouclés. Le costume de cow-boy d'Eli (Owen Wilson), le voisin d'en face. La tenue de tennis de Richie (Luke Wilson), agrémentée d'une grande barbe et de lunettes noires. Les robes rayées de Margot (Gwyneth Paltrow), la sœur adoptive, fumeuse de cigarettes depuis l'âge de douze ans. Sans oublier les habits « vieille Amérique » des parents.

Le film dépèce le schéma familial pour le jeter aux ordures (d'où la scène où Royal avec ses deux petits fils hilares sur un camion poubelle). Qu'on se rende compte : un père qui méprise ses enfants, Margot et Richie qui sont amoureux l'un de l'autre, des trahisons, des escroqueries, des mensonges, des suicides. Le mari de Margot, le pauvre Raleigh (Bill Murray) est cocu tandis que Henry (Danny Glover) est menacé par Royal avec l'aide du liftier Dusty (Seymour Cassel) et du majordome Pagoda (Kummar Pallana).

La Famille Tenenbaum avance les malheurs du quotidien de ses membres par chapitre, avec une élégance de fabuliste qu'est souvent Wes Anderson dans ses films. Ces chapitres sont des vignettes colorées qui s'avèrent de la plus grande cruauté pour les personnages. La joliesse des décors, le maniérisme des mouvements de caméra, le hiératisme du jeu des acteurs masquent, en partie, la part sombre du cinéma de Wes Anderson et son pessimisme. Personne n'est dupe de ce happy end trop souriant.















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