Déjà
gamins, les frères Flynt étaient doués pour trouver de l'argent en
vendant de l'alcool de patates de contrebande à des vieux ermites.
Vingt ans plus tard, en 1972, Larry (Woody Harrelson) et Jimmy (Brett
Harrelson) sont toujours associés, mais c'est Larry qui mène la
barque. Il dirige, micro en main pour annoncer le numéro suivant et
présenter les filles, une boite de strip-tease à Cincinnati dans
l'Ohio. Quelques soldats applaudissent maigrement, quelques gros
barbus à lunettes observent les déhanchés maladroits des filles
qui s’effeuillent lentement.
On
a bien compris que Larry Flynt couche avec ses strip-teaseuses, à la
fin du service il leur donne son emploi du temps (je te retrouve dans
une heure et toi dans deux heures, leur dit-il), mais quand débarque
Althea (Courtney Love) qui fait son show de cow-gril, il ne peut
détourner son regard. C'est un coup de foudre réciproque. Il
reporte son agenda pour coucher avec Althea. Après avoir été
bootlegger, directeur d'un go go club, il se lance dans une nouvelle
aventure, celle d'un magazine de charme, Hustler, toujours avec son
jeune frère Jimmy et Althea.
Althea
est désormais non seulement sa compagne, sa muse mais aussi sa
nouvelle collaboratrice. Une histoire d'amour qui traverse Larry
Flynt pendant les seize ans de leur mariage (demande en mariage
dans un jacuzzi après une partouze à quatre). Les réunions de la
rédaction sont épiques, Althea, qui ne sait pas s’asseoir sur une
chaise, s’avachit sur l'immense bureau de réunion de Hustler.
Quand elle est à coté son mari, elle se recroqueville comme une
petite fille, elle qui a eu une enfance difficile et un père qui a
assassiné sa famille.
Les
réunions éditoriales de Hustler sont épiques. Au comité de
rédaction, Larry Flynt et Althea sont aidés par une bande de
gueules cassées et d'amis fidèles. Chester (Vincent Schiavelli),
nez d'oiseau et yeux cernés, Arlo (Crispin Glover), l’œil gauche
aveugle, et Miles (Miles Chapin), au visage poupin. Chacun propose
des idées pour faire de Hustler le premier magazine porno des USA.
Il faut s'attaquer à la morale chrétienne qui veut les interdire et
Althea propose chaque mois de faire de Jerry Falwell (Richard Paul),
un évangéliste Baptiste, leur tête de turc.
Milos
Forman rentre de plein pied dans le vrai sujet de Larry Flynt,
celui de la censure, de la liberté d'expression vue comme une guerre
à long terme (quinze ans le film) que va mener Larry Flynt. La
première bataille contre Hutsler est mené par Charles Keating
(James Cromwell), un lobbyiste des bonnes mœurs qui attaque le
journal pour l'interdire. Il distribue à ses partisans des
exemplaires du magazine, et Milos Forman filme leurs visages révulsés
avec ironie. Ils veulent tous interdire Hustler mais ne peuvent
s'empêcher de se jeter dessus pour mater.
Le
premier procès est présidé par un juge qui est, avec une ironie
encore plus mordante, joué par le vrai Larry Flynt. Le pornographe
prend un plaisir non feint à incarner son premier ennemi et à
donner la réplique à Woody Harrelson. Il est défendu par un jeune
avocat, Alan Isaacman (Edward Norton), blanc-bec qui contraste avec
l'extravagance de Larry Flynt, qui fait de chaque audience un show,
lançant des provocations à chaque juge. Mettre un drapeau américain
en guise de couche culotte, lancer une orange, répondre à côté de
la plaque. Tout ça devant le regard navré d'Alan et l'hilarité
d'Althea.
La
religion est le grand ennemi d'Althea et Larry Flynt. Moins la
religion que l'hypocrisie de leurs représentants qui, selon Flynt,
préfèrent la guerre à l'amour, les armes à un vagin. Dans cette
bataille contre Falwell, avec une fausse pub où l'évangéliste est
censé avoir perdu sa virginité avec sa mère, Flynt reçoit l'appui
surprenant de Ruth Carter (Donna Hanover), la sœur de Jimmy Carter.
Pendant un temps, le magazine va changer de direction, contre l'avis
d'Althea et devenir, tandis qu'il se fait baptiser, un journal
compatible avec Dieu mais qui n'intéresse plus personne.
Le
nombre d'ennemis augmente tandis que les affaires de Flynt deviennent
plus florissantes. A la sortie d'une audience en Géorgie, parce que
Flynt ait défié l'interdiction de vendre son magazine, un sniper
tire sur Flynt. Il le blessera, ainsi qu'Alan. Si ce dernier s'en
sort bien, Flynt est paralysé et obligé de vivre dans un fauteuil
roulant. Il se barricade dans sa villa d'Hollywood, la capitale des
pervers comme il dit, avec Althea. La descente aux enfers commence,
la drogue pour supporter la douleur, dans une ellipse temporelle de
quatre ans.
Dans
cette éloge de la liberté, terrible et vivifiant, dans cette
histoire d'amour fou, dans cette comédie qui sublime le mauvais goût
face à l'ordre établi, un détail infime fait de Larry Flynt
un important et intemporel film politique. Ce sont les t-shirts que
porte Flynt à chaque audience de procès et qui retrace tout un pan
de l'histoire américaine des années 1970 et 1980. Les slogans sur
les t-shirts : I wish I was Black, Jesus is an anarchist, Fuck
this court. Pas l'histoire officielle, celle des laissés pour compte
et des minorités, celle de ses idées.
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