Dans
Ave, César, il y a des personnages de l'ombre et d'autres de
la lumière, et entre les deux, pour faire raccord, Eddie Mannix
(Josh Brolin), qui traverse les immenses entrepôts du studio
Capitole, là où besognait l'obscur scénariste Barton Fink à
confectionner des films de catch. Mannix s'emploie à arranger tous
les problèmes des productions en cours, à régler les soucis de ses
stars et se confesser à son prêtre, le regard vissé sur sa montre,
car à Hollywood, le temps c'est de l'argent.
Le
gros film en tournage est un péplum chrétien, entre Ben Hur
et La Tunique, titré Hail, Caesar! qui donne son titre
au film de Ethan et Joel Coen. On remarquera d'ailleurs que le titre
n’apparaît que dans le générique de ce film dans le film. Mannix
en regarde les rushs, calé dans son fauteuil avec son assistante
(Heather Goldenhersh) qui lui rappelle tous ces rendez-vous, et
notamment ceux qui auront lieu dans un restaurant chinois où l'homme
qui le rencontre chercher à le débaucher.
Commençons
par les personnages en pleine lumière. La star de Hail, Caesar!
Baird Whitlock (George Clooney), un coureur de jupons impénitent,
insupportable cabotin, proie des chroniqueuses à scandales, deux
sœurs qui se détestent et qui se font concurrence pour avoir en
premier les potins, toutes deux incarnées par Tilda Swinton. Mannix
fera tout pour éviter à Baird la publication des rumeurs survenues
sur l'un de ses films précédents.
Ce
précédent film avait justement été réalisé par Laurence Lorentz
(Ralph Fiennes), cinéaste précieux, sorte de George Cukor qui
tourne des comédies sophistiquées et qui doit faire tourner Hobie
Doyle (Alden Ehrenreich), acteur de western bon marché, piètre
comédien et tourneur de lasso (il fait même du lasso avec des
spaghetti – western spaghetti, vous l'avez ?). Le pauvre Hobie
est incapable, hors de son cheval, de retenir son texte et même de
se déplacer avec grâce.
Laurence
Lorentz a été le mentor, comprendre l'amant, de Burt Gurney
(Channing Tatum), au visage peinturluré au fond de teint. Burt,
sorte de Gene Kelly, joue dans une comédie musicale (chouette numéro
de claquette) où les marins qui dansent ensemble se plaignent de
l'absence de femmes. Ce film est tourné par Arne Seslum (Christophe
Lambert) qui aurait mis enceinte DeeAnna Moran (Scarlett Johansson),
actrice de comédie aquatique à la Esther Williams.
Ave,
César se charge ensuite de montrer l'envers du décor, les
coulisses qui angoissent Mannix. Tout d'abord, on se rend compte que
derrière les apparences, DeeAnna Moran, malgré son beau sourire est
une pimbêche qui jure à chaque phrase. Burt Gurney a aussi beaucoup
de choses à cacher sous son épais fond de teint. Hobie Doyle,
gentil garçon, ne sera pas le personnage stupide que l'on a présenté
jusqu'à présent. C'est le meilleur personnage du film.
Les
personnages de l'ombre de Hollywood sont ceux dont les noms sont en
petit dans les génériques. L'avocat des basses manœuvres,
Silvermann (Jonah Hill) engoncé dans son bureau mal éclairé règle
la grossesse de DeeAnna. La monteuse au foulard et à la clope
(Frances McDormand) montre son talent pour faire de Hobie un bon
acteur. Et ces scénaristes humiliés par le système qui décident
de prendre en otage Baird Whitlock dans une maison éloignée en bord
de mer pour faire triompher le communisme
Comme
dirait l'âne à liste, toutes ces coulisses sordides mais cocasses
sur le cinéma hollywoodien ont déjà été vues dans Sunset
Boulevard de Billy Wilder, Chantons sous la pluie de Gene
Kelly, Nickelodeon de Peter Bogdanovich ou The Player
de Robert Altman. C'est vrai. Ave, César amuse souvent mais
constamment au détriment de ses personnages, dans une misanthropie
et un sarcasme un peu vains. Le film est suffisamment copieux en
péripéties et détails sur le cinéma pour divertir, par intermittence.
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