A
la toute fin de Freddy sort de la nuit, Heather (Heather
Langenkamp) est avec son fils Dylan (Miko Hughes) dans le chambre du
petit. Elle découvre un scénario et commence à le feuilleter, le
titre est Wes Craven's New nightmare, le nouveau cauchemar de
Wes Craven, avec une dédicace pour la remercier d'avoir participé
au film que l'on vient de voir pendant 1h45. Elle lit à haute voix
les premières lignes, ce sont précisément celles du début du
film, des scènes auxquelles Heather a participé avec son fils
observant la scène avec un certain effroi.
C'est
l'antre de l'enfer qui ouvre Freddy sort de la nuit,
de grilles sortent des flammes. Ce n'est pas encore Freddy
mais son attribut le plus connu, ses griffes métalliques. La caméra
tourne dans ce lieu sinistre. Un homme se saisit d'une hachoir de
boucher et se tranche le bras, du sang dégouline. CUT. Wes Craven
vient de finir son plan, nous sommes dans une mise en abyme tout ce
qu'il y a de plus classique. Wes Craven joue Wes Craven, Heather
Langenkamp joue son propre rôle et elle vient de voir son mari Chase
(David Newsom) au travail.
Quelque
chose de très beau se dégage de cette mise en abyme du cinéma
d'horreur, elle dure tout le film et elle n'a rien à voir avec celle
de Brian De Palma par exemple (Blow out et Body double
par exemple) puisque le constat de Wes Craven est qu'en 10 ans, tout
est devenu commercial, tout juste bon à vendre des produits dérivés.
Ce n'est pas pour rien que le petit Dylan déclare être protégé
par Rex son T-rex en peluche, c'est l'effet Jurassic Park dont
il parle et l'horreur gentille pour les gamins de moins de 12 ans, le
film était sorti un an plus tôt.
Trois
ans plus tôt, Wes Craven parlait de la peur enfantine dans Le
Sous-sol de la peur moqué à l'époque par la plupart des
critiques et boudé par le public. C'était pourtant un film
formidable et terrifiant sur la vraie peur que peut ressentir un
enfant, la peur domestique. Comment avoir peur avec un dinosaure
numérique ? Je dis cela tout en avouant aimer beaucoup Jurassic
Park mais je n'ai jamais eu peur devant le film. Mais surtout,
quand Heather était dans Les Griffes de la nuit en 1984, la
peur était celle de la découverte du sexe.
En
faisant de Heather Langenkamp un personnage au delà de l'actrice qui
n'a jamais rien fait que des Freddy, Wes Craven lui donne une vie. En
10 ans, elle s'est mariée avec ce Chase qui travaille dans les
effets spéciaux, elle a eu un enfant. Ce gamin s'avère prévoir les
choses, les annoncer. Merveille de mise en scène que de l'entendre
dire que le téléphone va sonner et d'entendre le téléphone
sonner. On le sait et on reste effrayé par cette manière de faire
de Wes Craven parce qu'il a le sens du timing pour à la fois faire
sursauter et faire peur.
Mais
il faut d'abord faire entrer Robert Englund, lui aussi dans son
propre rôle. Lors d'une émission de télé, il arrive déguisé en
Freddy et le public adore, il acclame le montre aux griffes, laissant
la pauvre Heather de côté. Pour s'amuser encore plus, il faut
rester jusqu'au générique de fin et les lire les crédits :
certains jouent leur propre rôle (Heather, Craven, Englund, John
Saxon qui appelle Heather Nancy son prénom de personnage) mais le
plus étonnant est de lire « Freddy Kruger... himself »,
c'est que Kruger existe désormais dans la vraie vie et cela bien
plus qu'un dinosaure en peluche ou en numérique.
Ces
coups de téléphone anonymes que Heather reçoit en début de film,
ce sera la forme principale de Scream tourné juste après
Freddy sort de la nuit, avec une autre géniale réflexion sur
le cinéma qui fait peur obnubilé par le whodunnit. La mise en abyme
du film se poursuit mais elle se mêle avec l'onirisme initial de la
série des Freddy Kruger. C'est le petit Dylan qui subit les assauts
de Freddy Kruger lors de son sommeil. Dans le film, on rêve qu'on
rêve qu'on rêve et très vite on ne sait plus dans quelle réalité
se trouvent les personnages.
Wes
Craven le dira lui-même à Heather Lengankamp : « Freddy
a décidé de s'extraire des films pour rejoindre notre réalité. »
Pour cela le film plonge dans les racines des contes (Hansel et
Gretel) et fait des clins d’œil ironiques à Hitchcock (la longue
scène dans l'hôpital avec cette infirmière peu amène qui veut
absolument rendre tout psychologique – l'un des plus pénibles
écueils actuels du film d'horreur) pour finir dans le Grand Guignol
avec des effets spéciaux pas franchement réussis. La boucle est
bouclée, le film est l'un des meilleurs de Wes Craven.
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