Deux
prénoms pour titre de film. Deux prénoms particuliers, singuliers
comme peu de gens en porte. Au Brésil c'est Indianara, une femme
transgenre, en France c'est Océan un homme transgenre. Ce dernier
avait déjà réalisé un film quand il était une femme, une comédie
très nulle Embrasse-moi et son film Océan retrace sur près
de deux ans, de janvier 2018 à octobre 2019, son changement de
genre. Attention, il insiste, il ne s'agit pas de changement de sexe
mais bien de genre. Océane était lesbienne, il va devenir un homme
transgenre.
Le
film présenté dans quelques cinéma, comme une tournée (c'est
indiqué ainsi sur l'affiche), est la mise bout à bout d'un journal
intime sur son changement diffusé par France Télévisions (la série
est visible ici).
On n'échappe pas au narcissisme du comédien qui s'avère parfois
très pénible dans les premières minutes. Il est entouré de tout
un tas d'amies qu'on dirait des caricatures de bobos parisiennes.
Surtout, Océan ne peut pas s'empêcher de donner des leçons à tout
le monde (sa pauvre maman) et d’égrainer sa haine du cisgenre.
Pour
être honnête, c'est la peur du changement qui rend Océan ainsi.
Une trouille incommensurable qu'il tente de cacher par une tchatche
constante et des rires sonores. C'est une voyage vers l'inconnu qu'il
mène. Il a beau avoir discuté longuement avec d'autres hommes
transgenre, préparé avec minutie son changement et être entouré
d'amies et de famille, il se rend compte que tout est compliqué. Le
film montre toute cette complexité et Océan ne se prive pas de
mettre dans le film ceux qui l'égratignent. De ce point de vue, il
ne se donne pas forcément le beau rôle.
La
politique est relativement absente de son film, si ce n'est lors d'un
conférence à Saint-Denis. Dans Indianara, c'est tout
l'inverse. Son personnage éponyme est une pasionaria de la politique
très connue dans son quartier et dans sa ville. Dans les
manifestations politiques qui émaillent le film (et elles sont
nombreuses et remplies de protestataires), elle prend chaque fois le
haut-parleur pour exprimer une voix que les politiciens
professionnels comme les leaders syndicaux essaient de ne pas laisser
s'exprimer.
Indianara
commence dans un cimetière et se termine par des funérailles, c'est
dire que tout n'est pas rose dans ce Brésil filmé, comme Océan,
pendant deux ans par le duo de cinéastes. Tout se termine par
l'élection du président d'extrême droite. Exactement ce que
craignait Indianara et ses amies, l'arrivée d'un salaud au pouvoir.
C'est là que toutes ces manifestations prennent de l'importance, que
cette parole forte et précise peut se développer. Le discours
d'Indianara est toujours le même, elle ne transige pas, elle exige
les mêmes droits pour tous.
Son
rôle au sein de la communauté est de protéger les autres
transgenres. En début de film, elle accueille dans un taudis une
demie-douzaine de femmes transgenre. Elle leur dit en substance que
ce taudis c'est mieux que vivre dans la rue. On est ici dans le
lumpen prolétariat brésilien. Indianara vise à améliorer leur
vie. On partage des repas, on se baigne dans la piscine que Mauricio,
le compagnon d'Indianara, a installé dans le jardin de leur maison,
on discute et bien entendu, puisque c'est le cœur du film, on
manifeste.
Les
deux films se ressemblent mais sont totalement opposés dans la
manière poignante d'évoquer deux destins singuliers (c'est
l'adjectif le plus concret que j'ai trouvé, ça fait deux fois que
je l'emploie). On sent le drame constant derrière les éclats de
rire réguliers. On sent qu'on joue aussi une comédie, on tente de
faire bonne figure, pour lutter contre les stéréotypes. Ça marche,
les deux films, deux documentaires modestes à l'image parfois
ingrates, se complètent, se répondent d'un continent à un autre,
d'un genre à un autre.
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