Des
lunettes cerclées, un grand sourire et des cheveux roux toujours
bien coiffés. Il suffit de ces trois éléments à Kirk Douglas pour
camper cet escroc si sympathique et si malfaisant. Dès la première
séquence du Resptile, Josph Mankiewicz montre tout le charme de
Paris Pitman qui débarque revolver à la main pour braquer une
famille bien riche qui s'apprête à dîner. La bonne noire remet son
fichu sur la tête pour servir ses patrons. Pitman et sa bande sont
là pour piquer leur pognon.
Il
ne va faire de mal à personne, il plaisante même, il fanfaronne
beaucoup. Les deux domestiques sont presque contents que les patrons
se soient fait voler par un tel gentleman cambrioleur. Mais dès que
Pitman et ses hommes sont partis, les coups de feu résonnent dans le
ranch. Un de ses hommes est abattu, puis un autre. Pitman observe
sans tirer un coup, à vrai dire ça l'arrange. Il aurait pas à
partager son butin qu'il a mis dans une paire de bas féminin. Il va
aller le cacher dans le désert, au fond d'un trou où vivent des
serpents.
J'avais
vu Le Reptile
en 2005 à la Cinémathèque française lors d'une rétrospective
Mankiewicz (une nouvelle a eu lieu cet été). C'était à la salle
Bonne Nouvelle, avant que la Cinémathèque ne s'installe à Bercy.
Cette scène des serpents, j'étais certain de l'avoir vu plus jeune,
elle m'avait marquée mais je n'avais jamais réussi à savoir de
quel film elle pouvait venir. Savoit où je l'avais vu, c'est une
autre question, mais probablement dans l'émission de Pierre Tchernia
la « séquence du spectateur » où des extraits de film
étaient diffusés.
J'aime
beaucoup le ton sarcastique du film, et de Mankiewicz en général.
Pour présenter les détenus de la prison qui vont partager la
cellule et le récit, le cinéaste n'y va pas par quatre chemins. Il
fait dans le portrait acide de petites frappes, de bandits de western
et d'escrocs en tout genre. Le jeune blondin Coy Cavendish (Michael
Blodgett) a tué le père de le jeune femme avec qui il couchait
d'une boule de billard dans la tête. Impétueux, il semble le plus
jeune dans la prison et se voit proposer par un gardien des
privilèges contre des avantages en nature.
Le
duo de faux prêcheurs chrétiens, Dudley (Hume Cronin) et Curys
(John Randolph), le premier, qui semble un peu simplet, peint des
toiles sacrées dans un style naïf, le deuxième prêche la bonne
parole. Ils piquent l'argent de fidèles crédules avec leur fausse
bigoterie. En réalité, c'est une couple et dans ce couple, Cyrus
n'a aucune jugeote et Dudley apparaît comme le cerveau. Autre
personnage, Floyd Moon (Warren Oates) qui a la bonne idée de tirer
sur le shérif Woodward Loperman (Henry Fonda).
Tout
ce beau monde et quelques autres (je pense au Chinois au rôle peu
écrit joué CK Yang, sa partition se résume à sa force) se
retrouve au beau milieu de nulle part. Paris Pitman avec son air
narquois fait vite figure de chef avec une seule idée :
s'évader. C'est auprès d'un vieux pensionnaire de la prison, un
type surnommé Missouri Kid (Burgess Meredith) malgré son grand âge
(il a dû entrer là quand il était jeune) qui lui enseigne le
fonctionnement du pénitencier. Tout s'achète, surtout les
cigarettes et le whisky auprès de gardiens simplement surnommés
Tabagie et Whisky.
Tout
serait parfait dans ce monde de brutes sans l'arrivée de Woodward
Loperman. Il a pris la direction du pénitencier et il est bien
décidé à savoir où Paris a caché son butin. Il veut améliorer
les conditions des prisonniers et va chercher l'aide du leader
naturel, soit Paris. Il se trouve au mitard quand Woodward débarque,
mais le gnouf n'est pas un trou dégoûtant. Paris vit là comme dans
un palace, tranquillement assis à lire un bouquin dans un fauteuil.
La vie est déjà meilleure pour lui et il accueille le nouveau
directeur avec son habituel sourire moqueur.
Fini
de casser des pierres sous la surveillance de gardiens mesquins,
place à la prison modèle. Pour commencer, tout le monde prend un
bain, surtout Missouri Kid qui ne s'est jamais lavé de sa vie (l'une
des scènes les plus drôles du film). Puis c'est l'ordinaire qui
s'améliore. Enfin, Woodward crée une cantine où les murs sont
décorés par des peintures exécutées par Dudley. Une prison modèle
est en cours de route, prête à être montrée au gouverneur,
accompagné de sa charmante épouse et à quelques pontes venus
observer l’œuvre de Woodward.
Le
plan de Woodward aurait pu marcher s'il n'était pas contredit par le
plan de Paris : profiter de la visite pour s'évader. Avec une
adresse certaine, Mankiewicz reprise sa scène initiale où tout le
monde meurt sous les balles dans le ranch. Encore une fois, Paris va
pouvoir profiter de son magot tout seul en allant le récupérer dans
le trou aux serpents. On le croyait sympathique mais il est rappelé
que c'est une ordure de première. Miracle de l'immoralité qui se
poursuit dans la toute dernière séquence comme un défi au
conformisme du western.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire