Faisons
les comptes : ou plutôt laissons le commissaire Dreyfuss
(Herbert Lom) faire les comptes, c'est ce à quoi il procède à la
toute fin de Quand l'inspecteur s'emmêle en s'adressant rouge
de colère violente à son subalterne l'inspecteur Jacques Clouseau.
C'est rare dans une comédie à forte tendance burlesque d'arriver à
un tel nombre de morts, que des assassinats avec différentes armes
et différentes méthodes, toutes expéditives. Le mort tombe raide
sans passer par la case ambulance.
L'ouverture
de Quand l'inspecteur s'emmêle, une vraie fausse suite de La
Panthère rose, commence en France dans le château cossu d'un
dandy (George Sanders qui semble un peu perdu, il ne doit pas avoir
compris le scénario). Un long plan séquence de nuit à l'extérieur,
un ballet des habitants de cette demeure s'amorce, maîtres et
domestiques passent d'une pièce à l'autre, empruntent un escalier
puis un couloir, se croisent et s'évitent. Enfin un coup de feu part
et voici le premier mort.
Dreyfuss
ne comprend pas pourquoi Clouseau a été mis sur cette affaire. Nous
non plus d'ailleurs. C'est le début d'un gag récurrent du film,
comme de la série, le commissaire se voit soudain souffrir d'un tic
nerveux embarrassant : son œil gauche ne cesse de cligner au
fur et à mesure de l'enquête. La colère de Dreyffus et sa haine
envers son inspecteur croit proportionnellement au nombre de morts
qui s'accumule. D'autant qu'il a l'impression que personne ne
l'écoute.
Dreyffus
a beau dire à ses supérieurs que Clouseau est une calamité, il
revient chaque fois sur cette enquête. Même quand il se retrouve au
poste après avoir pris en filature la suspecte N°1, mademoiselle
Maria (Elke Sommer). Clouseau est persuadé d'être le roi du
déguisement, mais les policiers qui patrouillent ici et là qui le
surprennent ne sont pas de cet avis. Autre gag récurrent :
Clouseau dans un panier à salade qui passe chaque fois dans la même
rue.
Maria
la bonne du château a été retrouvée avec un revolver à la main
le soir de ce meurtre et pile en face du mort. Tout le monde l'aurait
condamnée – et tous la condamnent d'ailleurs – sauf Clouseau
convaincu de son innocence. Seulement voilà, les morts dans ce
château s'accumulent. Chaque fois Maria a l'arme du crime dans la
main. Chaque fois Clouseau reste convaincu de son innocence. Voilà
pour un troisième gag récurrent.
L'amour,
l'amour le tient. Il en fait des choses pour sa jeune femme blonde.
Il va faire du naturisme (à l'époque et dans le film on dit
nudiste). C'est toujours marrant les gens tous nus, ça mange pas de
pain, c'est pas voyeuriste (le film est sorti la même année que Le
Gendarme de Saint-Tropez autre réflexion comique sur les
nudistes.). Ensemble, ils vont aussi beaucoup au spectacle (ballet
russe, flamenco etc). Chaque fois un mort. Le spectacle est tuant.
Autant
Clouseau minaude avec Maria autant avec tous les autres personnages
il est odieux. Avec tous ces assassinats, c'est aussi le grand
paradoxe du film de Blake Edwards : le rire vient d'un
personnage particulièrement antipathique, souvent insupportable,
persuadé d'avoir tout vu, tout connu, tout fait, il ne comprend pas
qu'il traite son majordome Kato (Burt Kwouk) tout comme son
inspecteur adjoint Hercule (Graham Stark) comme des demeurés.
Finalement
Clouseau est détestable, le visage de Peter Sellers quand il parle
aux autres surtout à tous ses suspects dans le finale qui rappelle
ceux des romans d'Agatha Christie. Il est cassant, son visage se
ferme et son regard se fait glacial. Par rapport à La Panthère
rose, le ton de Blake Edwards s'est durci et les misères subies
par les autres (marcher sur les pieds, faire se détruire Dreyfus à
petit feu), il en fait porter la responsabilité aux autres.
Et
ce nombre de morts. Le plus gros gag du film est finalement que l'on
ne sait même pas qui a tué cet homme dans la première scène
(c'est sans doute expliqué dans la dernière scène mais j'ai déjà
oublié, comme chaque fois que je regarde le film). Là encore, Blake
Edwards déjoue l'attente du spectateur, il préfère le raffinement
de la préparation des crimes quand Maria et Clouseau vont aux
spectacles que le nom du tueur. Mais encore une fois, le nom on le
connaîtra. Et les morts : 14 si j'ai bien compté.
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