vendredi 22 novembre 2019

Saint-Germain-des-Prés - Paris vu par... (Jean Douchet, 1965)

Jean Douchet est mort aujourd'hui. La Cinémathèque française avait annoncé qu'il n'assurerait plus les débats de son ciné-club (merci Hakim de m'avoir informé) il y a quelques jours. Il avait 90 ans et était dans le cinéma depuis 1957. Jean Douchet a commencé aux Cahiers du cinéma en même temps que Luc Moullet, le premier était un féroce hitcosckien et le second demeure un jovial hawksien. Ils étaient arrivés tous les deux juste après les Jeunes Turcs, Godard, Truffaut et Chabrol. Jean Douchet était du côté d'Eric Rohmer quand la lutte du pouvoir éclatait au sein de la rédaction.

Il faut voir son documentaire sur Eric Rohmer, co-réalisé avec André S. Labarthe, titré Eric Rohmer preuves à l'appui dans la collection Cinéastes de notre temps. C'est une fascinante analyse du style de Rohmer où Douchet relève tout ce qui est invisible et notamment l'immense travail sur les obliques et les diagonales dans le cadre et le plan. Douchet expliquait en substance qu'un film de Rohmer, comme un film muet, pouvait se comprendre sans les dialogues (ce qui par ailleurs serait dommage) car dans les films du cinéaste, tout passe par la mise en scène.

Logiquement, Jean Douchet participe au film à sketches Paris vu par... C'est son épisode qui entame le film et sa voix, très précieuse, que l'on entend dans la description de Saint-Germain-des-Prés (également le titre du sketch) où il suit le parcours à travers les nombreuses rues du quartier des cinéphiles de Katherine et Jean. Tandis qu'il énumère les noms des rues, une deuxième voix, une jeune femme, annonce quelle célébrité ou homme illustre a vécu dans cette artère. Enfin, la caméra au bout de deux minutes arrive à bon port.

Dans ce film collectif (avec Pollet, Godard, Rohmer, Rouch et Chabrol), il filme une histoire d'usurpation où la pauvre Katherine, une étudiante américaine, couche avec ce Jean qui se prétend étudiant à Science Po et conduit une Bentley. Douchet filme, derrière ce court-métrage à chute, le corps de son acteur sous toutes les coutures du plus simple appareil, le faisant traverser en slip l'appartement, puis le fait se vêtir pour le retrouver plus tard encore une fois totalement nu quand Katherine se rend compte qu'il s'est joué d'elle. Soit la vérité nue exposée au cinéma.

Je me rappelle avoir vu lors d'une diffusion sur Arte son unique long-métrage sorti en salle : La Serva amorosa, pièce de théâtre tout simplement filmée, sans aucune fioriture. Je me rappelle l'avoir vu dans le beau film de Xavier Beauvois N'oublie pas que tu vas mourir dans une scène de chambre avec mon chouchou Roshdy Zem, l'un des rares films français à parler du Sida. Je me rappelle aussi son rôle de pâtissier dans Les Noces de Dieu de Joao César Monteiro, il faudra un jour que j'évoque mon expérience complexe avec le cinéaste portugais.

Pour mieux apprécier Jean Douchet, sa voix précieuse, son port altier, ses cheveux mi-longs, sa veste noire sur sa chemise blanche, il faut regarder la partie 35 mm d'Une sale histoire de Jean Eustache, l'un des rares films d'Eustache a avoir été édité en DVD. C'était cette tenue et cette posture de dandy qu'il se colletait depuis des années, allant inlassablement de conférences en animation pour parler des cinéastes qu'il défendaient avec un sens du paradoxe. Il était l'un des plus ardents défenseurs de la politique des auteurs, il était bien normal que j'en parle ici.





















1 commentaire:

Jacques Boudineau a dit…

On le voit faisant de la figuration dans Elle de Paul Verhoeven.
Ah, Doudouche, tu nous manques déjà ...