La
réputation du film, son impact historique et son caractère pionnier
sont plus importants que le film lui-même. On peut même dire que
Différent des autres est médiocre, en tout cas dans le
version qu'il reste de ce long métrage qui a désormais 100 ans. Il
ne reste que 50 minutes dont plusieurs scènes se contentent d'être
des photos fixes, peut-être des photos de plateau pendant le
tournage où l'on voit tous les protagonistes dans des poses
compassées.
C'est
la République de Weimar qui a permis toute une série de film
sociaux, une période d'à peine 15 ans coincée entre la première
guerre mondiale et l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Hitler et les
nazis avaient une sainte horreur de ces films que Bardèche et
Brasillac, admirateurs du Führer, décrivent ces films « qui
se réclamaient de valeur éducative mais qui s'attachèrent à
peindre aux jeunes gens la tristesse des anomalies sexuelles »
(Histoire du cinéma, 1938).
Le
film cherche justement à mettre en avant les contradictions de la
loi allemande dite « Paragraphe 175 », le sous-titre du
film qui condamne l'homosexualité. Cette loi scélérate et abrogée
qu'en 1994 conduisait certains à faire chanter des hommes. C'est le
nœud narratif de Différent des autres. En début du film, le
violoniste Paul Körner (Conrad Veidt) lit dans le journal la longue
litanie de ceux qui se sont suicidés.
L'acteur,
filmé en gros plan, prend une mine contrite – son jeu est
extrêmement théâtral – pour évoquer le triste destin de tous
ces hommes punis pour leur amour des hommes (un tableau montre
quelques homosexuels notoires de Léonard de Vinci à Louis II de
Bavière). Körner vit reclus et cela depuis toujours comme le montre
un court-flash-back inséré en mi-temps (l'une des rares innovations
du film) lorsqu'il était lycéen.
Il
se trouve un jeune homme, Kurt Sivers (Fritz Schulz) dont les regards
insistants ne trompent personne. Il admire le violoniste et veut
devenir son élève (et plus si affinités, si j'ose). Evidemment,
les familles respectives ne voient pas vraiment d'un bon œil cette
amitié, cet amour. C'est là que le docteur Magnus Hirschefeld entre
en jeu dans son propre rôle de sexologue qui affirme, lors d'une
conférence, que l'homosexualité est normale et non une perversité.
Le
message est clair et limpide et tend à convaincre le public.
Différent des autres a longtemps dû lutter contre la censure
et l'acharnement des ligues de vertu à interdire le film. Sur le DVD
allemand que j'ai vu, il existe aussi une deuxième version du film
(durée 40 minutes) qui propose un scénario légèrement différent
où presque tout est axé sur un suspense racoleur : le
violoniste est régulièrement harcelé par un maître chanteur.
On
le trouve dans les deux versions ce Franz Bollek (Reinhold Schünzel),
homosexuel lui aussi, qui profite de cette loi pour extorquer Paul
Körner. Le visage de Bollek est clairement celui d'une ordure et
filmé comme tel, un sourire carnassier et des yeux de hyène. Le
film, version 50 minutes, démontre en enfonçant le clou l'inanité
de cette loi 175. Pour appuyer encore plus le propos, le maître
chanteur est condamné par le justice plus fort que Körner.
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