Une
chasse au trésor mène les deux sœurs, Irene la blonde (Carole
Lombard) et Cornelia la brune (Gail Patrick) dans une décharge
d'ordures sous le pont de Brooklyn. Elles garent leur belle
automobile en haut de la bute, descendent en courant, en parlant
fort, sûres de leur bon coup au milieu des « oubliés »,
ainsi nommait-on les SDF dans My
man Godfrey. Les oubliés, ces
victimes de la crise financière et qui n'ont pas pu remonter la
pente.
La
rencontres des deux mondes est explosive. Godfrey (Michael Powell)
n'est pas homme à se laisser emporter comme un trophée. Il repousse
avec sarcasme Cornelia qui finit cul par terre sur les détritus.
Irene est moins arrogante que sa sœur et pour faire payer Cornelia,
il accepte d'être le gros lot de cette chasse au trésor de la
bourgeoisie new-yorkaise montrée comme une faune bruyante et
vulgaire, sûre de son bon droit et de sa valeur.
Godfrey
observe ce monde avec circonspection, un monde bien connu des
spectateurs puisque Hollywood est friand de cette intelligentsia
new-yorkaise qui a fait les beaux jours des films d'Ernst Lubitsch,
de Frank Borzage, de Leo McCarey. On peut même voir un lien très
fort avec L'Extravagant Mr.
Ruggles, sorti un an plus tôt,
puisqu'il arrive à peu près la même chose à Godfrey qu'au
majordome que jouait Charles Lawton.
C'est
que Irene propose à Godfrey de devenir le nouveau majordome des
Bullock. Il se rase, revête son beau costume de majordome et entre
par l'escalier de service où il accueilli par la bonne Molly (Jean
Dixon) qui en est bien revenu de cette famille de tarés. Sa
présentation de la famille est hilarante, entre exaspération et
dédain. C'est un florilège de bons mots, de répliques ciselées,
ce sera d'ailleurs la marque de fabrique de Gergory La Cava.
De
chambre en chambre, grimpant de grands escaliers et passant dans des
pièces immenses, soit l'opposé de la décharge d'où il sort,
Godfrey découvre cette famille. La mère (Alice Brady) complètement
hystérique, toujours flanquée d'un certain Carlo (Mischa Auer),
gigolo qui passe son temps à se goinfrer. La mère semble ne jamais
sortir de son ivresse qui est dans ce cas-là de l'ivrognerie, la
veille elle trimbalait avec Carlo une chèvre à la chasse au trésor.
Les
deux filles se lèvent, non sans mal, et commencent à se chamaille,
à se reprocher leurs 400 coups de la veille. La police vient chez
les Bullock et c'est le père Alexander (Eugene Pallette) qui calme
le jeu. Dans toute cette agitation sans limite, il est le seul à
être raisonnable. Eugene Pallette est évidemment parfait en vieux
grognon dans cette maison de femmes dingues. Lui aussi a quelques
répliques biens senties.
Godfrey
assume son rôle de majordome avec un aplomb remarquable. Il est vite
tiraillé entre Irene et Cornelia (un choix cornélien donc). Cette
dernière s'est en effet mis en tête de renvoyer l'homme dans sa
décharge. Tous les coups sont permis. Ils sont d'abord anodins mais
ils deviendront vicieux quand Cornelia accuse Godfrey d'avoir volé
son collier de perles. Notre homme est bien plus rusé qu'elle et
elle devra renoncer à le faire renvoyer.
Irene
est le pleureuse de service. Pas une séquence où elle n’apparaisse
en train de se plaindre, de geindre, de chouiner. Mais le spectateur,
comme Irene, sait qu'elle va finir en couple avec son majordome.
Comme elle le dit très bien à qui veut l'entendre, tout le monde
sait que Godfrey est amoureux d'Irene, sauf Godfrey. Après avoir
malmené ses personnages, les avoir plongé dans la lutte des
classes, la comédie sophistiquée reprend ses droits avec prestance.
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