Un
bel appartement bourgeois, des larges fauteuils à accoudoirs, un
confortable sofa, le maître de maison (Jean Douchet) s'apprête à
recevoir ses invités. L'air satisfait, il va s'allumer un gros
cigare quand on sonne à la porte. Michael Lonsdale débarque, pose
ses affaires, s'assoit sur le sofa et les autres convives (un homme
et trois femmes) viennent l'écouter. On se sert des verres de
whisky, on fume des cigarettes et Michael Lonsdale commence à
raconter sa sale histoire.
Une
histoire présentée comme scabreuse, que le narrateur a vécu en
personne, dit-il. Dans un café populaire où il passait plusieurs
heures par jour, il devait se rendre souvent au sous-sol pour
téléphoner. Il apprend, par d'autres clients qui le toisent
(« pourtant il est jeune »), que l'on peut regarder dans
les toilettes pour dames en posant sa tête contre le sol, « les
cheveux dans la pisse ». Il passe de plus en plus de temps
accroupi, il devient voyeuriste et obsédé par les sexes des femmes.
Cette
histoire, le narrateur affirme qu'il n'a jamais pu la raconter dans
son intégralité aux femmes seules, voilà pourquoi il a demandé à
son hôte un public mixte. Jean Eustache filme les regards mi-amusés
mi-navrés des invitées, elles finissent par poser quelques
questions auquel le narrateur répond bien volontiers, sur un ton
badin. Le charme de la diction sereine et magistrale de Michael
Lonsdale fait son œuvre. Son jeu de regard (il observe son
auditoire) est taquin.
Le
récit dure 23 minutes, en 35mm, en plans larges alternant les plans
serrés, puis le générique se déroule et revient, cette fois écrit
à la main. Jean-Noël Picq renouvelle ce récit, toujours en 23
minutes. Un public également mixte et c'est Jean Eustache, que l'on
aperçoit tout sourire, qui reçoit. Les plans sont essentiellement
sur Jean-Noël Picq, l'homme qui a vécu cette sale histoire de
voyeurisme. Cheveux châtains sur les épaules, le verre et la
cigarette à la main.
Depuis
40 ans, Une sale histoire est présentée comme un diptyque
fiction / documentaire dont la seule parole fait office, puissamment,
de flash-back, avec la force de suggestion des dialogues sans avoir à
filmer ce récit (John Ford procédait souvent ainsi). Plus qu'un
documentaire, la deuxième partie en 16mm est un scénario filmé.
Jean-Luc Godard reprendra peu d'années après cette méthode
artistique avec deux vidéo de 23 minutes, Scénario de Sauve qui
peut la vie (1979) et Scénario du film Passion (1981).
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