mardi 5 novembre 2019

L'Homme sans âge (Francis Ford Coppola, 2007)

Quand j'avais vu L'Homme sans âge au cinéma, je n'avais pas repéré les liens avec Dracula. Je les avais vus à 15 ans de distance, à peu près, mais en voyant ces deux films de Francis Ford Coppola en moins d'un mois, ces liens apparaissent mieux. La Roumanie est le lieu de naissance de Dominic Mattei (Tim Roth), comme Dracula, il va expérimenter le retour à la jeunesse, tous deux vont quitter leur terre natale pour voyager à travers l'Europe. Mais le point le plus essentiel entre les deux films est le retour, la réincarnation de l'être aimé après une mort tragique.

Je parlais pour décrire le début du Dracula de Coppola d'enluminures et d'ombres chinoises. Pour le début de L'Homme sans âge, l'image est triturée avec des reflets lumineux, des surimpressions et des déformations, des images renversées, un insert d'un montre gousset « Will love forever, Laura », un crâne humain. Déjà, la réminiscence est annoncée dans ces plans, des souvenirs, des flash-backs qui vont être suivis d'un générique comme Hollywood en faisant dans les années 1930-1940, avec les crédits et informations en lignes décalées, le tout sur une rose rouge.

Quand commence en 1938 L'Homme sans âge, Dominic est un vieillard dans une petite ville de Roumanie. Il a ses habitudes au Café Select, il s'y rend la nuit, sous la neige en pyjama. Il est hagard, déphasé et l'un de ses vieux amis le remet sur le chemin de son domicile. Le lendemain, en plein jour, il semble en meilleure forme. Sur le chemin, il reçoit la foudre sur la tête. Il s'élève dans les airs, totalement en fusion, retombe le visage défiguré par les flammes. Son parapluie finit de brûler ainsi qu'un dossier qui semble enfermer des secrets.

Le temps est scindé en deux dans un mouvement contraire qui me fait penser à ce zoom avant dans un travelling arrière, soit un vertige irrémédiable où le personnage de Tim Roth rajeunit à vue d’œil (sa peau revient, ses dents repoussent, ses cheveux deviennent à nouveau noirs). Il est jeune sans être jeune et traverse son temps de 1938 au années 1960, de la Roumanie à l'Inde en passant par la Suisse et l'Italie, du nazisme qu'il doit fuir ou mouvements hippies nommé astucieusement par Francis Ford Coppola l'hypermnésie.

Cet homme sans âge est double, il se promène depuis ce coup de foudre avec lui-même. Il est physiquement double, l'un surveille l'autre, l'un est la conscience noire de l'autre. Coppola frise régulièrement le kitsch dans ses scènes comme dans celle où un nazi poursuit Dominic en se faisant passer pour un scientifique. Dans des cadres obliques et colorés en bleu, avec des ombres portées, Tim Roth montre son visage sombre, le double mental, qui semble contrôler le cerveau du nazi et le force à se tirer une balle dans le visage sauvant son double physique.

Je n'ai pas encore parler de Laura (Alexandra Maria Lara), la femme aimée, celle qui a offert la montre à gousset à Dominic, celle qui le quitta pour en épouser un autre et meurt en couche. Des décennies plus tard, il la retrouve, elle s'appelle désormais Veronica. Là encore un double coup de foudre, elle s'abat sur elle dans une montagne et ils tombent amoureux l'un de l'autre. Cette foudre qui se pose sur elle la transforme non pas physiquement mais dans sa mémoire. On est en pleine réincarnation, direction radicale vers le bouddhisme.


Ce qui m'avait passionné en 2007, un peu moins aujourd'hui, il faut être honnête, était le retour vers le langage primitif. Ça a un petit côté Claude Lelouch, en bien plus intellectuel et mieux assumé, moins kitsch quoique parfois c'est un peu ridicule. C'est une recherche linguistique où Dominic écoute Veronica régresser vers le proto-langage, Dominic progresse dans ses recherches. C'est pas facile à montrer tout ça et je crois que Coppola ne savait pas filmer autrement ces sons de langue que par la simple illustration.


























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