Quand
j'avais vu L'Homme sans âge au cinéma, je n'avais pas repéré
les liens avec Dracula. Je les avais vus à 15 ans de
distance, à peu près, mais en voyant ces deux films de Francis Ford
Coppola en moins d'un mois, ces liens apparaissent mieux. La Roumanie
est le lieu de naissance de Dominic Mattei (Tim Roth), comme Dracula,
il va expérimenter le retour à la jeunesse, tous deux vont quitter
leur terre natale pour voyager à travers l'Europe. Mais le point le
plus essentiel entre les deux films est le retour, la réincarnation
de l'être aimé après une mort tragique.
Je
parlais pour décrire le début du Dracula de Coppola
d'enluminures et d'ombres chinoises. Pour le début de L'Homme sans
âge, l'image est triturée avec des reflets lumineux, des
surimpressions et des déformations, des images renversées, un
insert d'un montre gousset « Will love forever, Laura »,
un crâne humain. Déjà, la réminiscence est annoncée dans ces
plans, des souvenirs, des flash-backs qui vont être suivis d'un
générique comme Hollywood en faisant dans les années 1930-1940,
avec les crédits et informations en lignes décalées, le tout sur
une rose rouge.
Quand
commence en 1938 L'Homme sans âge, Dominic est un vieillard
dans une petite ville de Roumanie. Il a ses habitudes au Café
Select, il s'y rend la nuit, sous la neige en pyjama. Il est hagard,
déphasé et l'un de ses vieux amis le remet sur le chemin de son
domicile. Le lendemain, en plein jour, il semble en meilleure forme.
Sur le chemin, il reçoit la foudre sur la tête. Il s'élève dans
les airs, totalement en fusion, retombe le visage défiguré par les
flammes. Son parapluie finit de brûler ainsi qu'un dossier qui
semble enfermer des secrets.
Le
temps est scindé en deux dans un mouvement contraire qui me fait
penser à ce zoom avant dans un travelling arrière, soit un vertige
irrémédiable où le personnage de Tim Roth rajeunit à vue d’œil
(sa peau revient, ses dents repoussent, ses cheveux deviennent à
nouveau noirs). Il est jeune sans être jeune et traverse son temps
de 1938 au années 1960, de la Roumanie à l'Inde en passant par la
Suisse et l'Italie, du nazisme qu'il doit fuir ou mouvements hippies
nommé astucieusement par Francis Ford Coppola l'hypermnésie.
Cet
homme sans âge est double, il se promène depuis ce coup de foudre
avec lui-même. Il est physiquement double, l'un surveille l'autre,
l'un est la conscience noire de l'autre. Coppola frise régulièrement
le kitsch dans ses scènes comme dans celle où un nazi poursuit
Dominic en se faisant passer pour un scientifique. Dans des cadres
obliques et colorés en bleu, avec des ombres portées, Tim Roth
montre son visage sombre, le double mental, qui semble contrôler le
cerveau du nazi et le force à se tirer une balle dans le visage
sauvant son double physique.
Je
n'ai pas encore parler de Laura (Alexandra Maria Lara), la femme
aimée, celle qui a offert la montre à gousset à Dominic, celle qui
le quitta pour en épouser un autre et meurt en couche. Des décennies
plus tard, il la retrouve, elle s'appelle désormais Veronica. Là
encore un double coup de foudre, elle s'abat sur elle dans une
montagne et ils tombent amoureux l'un de l'autre. Cette foudre qui se
pose sur elle la transforme non pas physiquement mais dans sa
mémoire. On est en pleine réincarnation, direction radicale vers le
bouddhisme.
Ce
qui m'avait passionné en 2007, un peu moins aujourd'hui, il faut
être honnête, était le retour vers le langage primitif. Ça a un
petit côté Claude Lelouch, en bien plus intellectuel et mieux
assumé, moins kitsch quoique parfois c'est un peu ridicule. C'est
une recherche linguistique où Dominic écoute Veronica régresser
vers le proto-langage, Dominic progresse dans ses recherches. C'est
pas facile à montrer tout ça et je crois que Coppola ne savait pas
filmer autrement ces sons de langue que par la simple illustration.
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