Le
Bel été (Pierre Creton, 2019)
La
présence régulière de migrants dans le cinéma français sert
essentiellement à révéler les failles des personnages du film, du
pire (Happy end de Michael Haneke au meilleur La Villa de
Robert Guédiguian). C'est ce qu'on appelle la part documentaire dans
la fiction qui s'englue parfois dans la leçon citoyenne balourde.
Mais rarement, le migrant n'existe vraiment (pas de nom, à peine un
prénom). Le Bel été prend à contre-pied cet état du
cinéma français. Il est difficile de séparer le documentaire de la
fiction qui s'entremêlent avec un important travail du spectateur.
Pour une fois (voir plus bas l'atroce La Belle époque, on
remarque l'adjectif commun), tout n'est pas mâché. Le film est
surtout une histoire d'amours (au pluriel) en Normandie qui mle fait
penser aux films de Marcel Hanoun, Les Saisons.
La
Belle époque (Nicolas Bedos, 2019)
Il
y a une incapacité délirante à ne pas faire confiance au
spectateur, à le prendre pour un enfant de 12 ans pas en mesure de
construire le concept initial prévu dans le film. Nicolas Bedos nous
assène pendant 20 minutes des dialogues lourdement explicatifs sur
son idée de remonter le temps grâce au théâtre avec une
incompétence insoutenable. Tout devrait passer par l'écriture
cinématographique mais il ne la possède pas. Ensuite, il faut se
farcir l'opposition des siècles. Ah, la vraie cigarette sans filtre
de Daniel Auteuil, c'est tellement plus cinéma que la vapoteuse de
Fanny Ardant, comme si le mec était en train de filmer Dana Andrews
et Gene Tierney. Ça racle très longuement les vieux tiroirs de la
nostalgie passéiste. Quand Jean-Pierre Jeunet faisait Amélie
Poulain, on trouvait ça rance, là les gens trouvent ça mignon.
L'ironie constante arborée par les personnages consiste à balancer
des vannes mal écrites (celle par exemple sur les cigarettes). Le
récit est constellé de trous et de revirements de situation
incohérents (Daniel Auteuil qui va en banlieue retrouver Dora
Tillier dans un autre personnage pour le dégoûter d'elle est
terriblement mal écrite et surtout outrageusement misogyne). Nicolas
Bedos s'est un peu calmé sur les mouvements d'appareil excessifs de
son premier film mais là il vise Hollywood. Le film est une copie
franchouillarde de The Game, un film franchement pas terrible
de David Fincher.
Adults
in the room (Costa-Gavras, 2019)
Comme
dans Alice et le maire, tout le monde s'appelle par son
prénom. Ainsi quand Yannis rencontre Michel puis Pierre ou encore
Wolfgang ou Christine. Il faut tout de même un certain temps pour
remettre des noms de famille donc des fonctions derrière le prénom.
Mais cela construit l'effet politique du film, dans les commissions
européennes, les membres sont une famille. En tout cas, ils se
vantent en être mais ne cessent de se chamailler quand ils se
voient. Les réunions sont comme des conseils de famille avec Wolgang
qui s'engueule avec tout le monde et Michel en vieil oncle ivre qui
fait des siennes. Certes le film n'est pas toujours aisé à suivre,
on traverse tout de même des zones de turbulence qui semblent
complètement hors de la réalité. Comment un tel chantage a-t-il pu
arriver ? Costa-Gavras a de la sympathie pour Yannis et
rétrospectivement, je me rappelais en regardant le film le
traitement médiatique en France du gouvernement grec de Tsipras où
la presse accusait Alexis et Yannis de tous les maux, relayant cette
propagande et ce diktat dénoncé pendant ces deux heures de cinéma.
Koko-di
koko-da (Johannes Nyholm, 2019)
Le
titre fait référence à une comptine chantée dans le film.
L'étrange inquiétude démarre dès le début, trois personnages
entrent en scène. Puis une famille suédoise bien normale maquillée
en lapins. Puis le film se lance dans une manière de faire de
l'horreur avec une idée qui marche souvent, la formule de Bill
Murray dans Un jour sans fin. Une même scène revient sans
cesse et qui se termine toujours de la même façon : le couple
est massacré par les trois premiers personnages. Chaque fois des
variations sont proposées, voilà la parti pris du film. C'est
amusant parce que le couple massacré est paradoxalement détestable,
elle à chouiner pour aller pisser, lui à tenter d'échapper à son
destin car seul ce gars a conscience de la répétition de sa mort
prochaine. Ça ne va pas bien plus loin mais c'est déjà pas mal.
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