Dans
une courte scène, Sharon Tate (Margot Robbie) se rend de sa
résidence sur les collines à Hollywood pour aller dans une
librairie. Elle vient récupérer une belle édition de Tess pour
Roman Polanski qui est en train de préparer l'adaptation du roman
(ça prendra 10 ans et Nastassja Kinski aura le rôle titre). Le bref
rôle du vieux libraire est tenu par Clu Gulager. L'acteur vétéran
a comme heure de gloire à Hollywood d'avoir joué le comparse à
lunettes noires dans A bout portant de Don Siegel en 1964.
Au-delà
de cet émouvant hommage à l'acteur de 91 ans, il rappelle la
carrière presque essentiellement télévisuelle de bon nombre
d'acteurs dans les années 1960. Tout le monde n'est pas Dean Martin
qui peut fricoter au cinéma avec des jeunes actrices de la moitié
de son âge. Dans cette escapade en liberté où personne ne la
reconnaît dans la rue, ou à la caisse d'un cinéma, Sharon Tate
peut se glisser dans la salle (ce qui permet à Quentin Tarantino
d'offrir quelques fausses bandes annonces, pour une fois incluses
dans le récit) et voir les réactions des spectateurs autour d'elle.
Sur l'écran, c'est la vraie Sharon Tate qui apparaît.
Le
film ne sait pas quoi faire de ce personnage, à la fois de l'actrice
Sharon Tate et de Margot Robbie. Elle est clairement un personnage
secondaire du film mais pire que cela, elle est cantonnée au rôle
de simple poupée mignonne. Le puritanisme de Quentin Tarantino est à
son comble dans ce film, ce puritanisme fait qu'il ose à peine
offrir une sexualité à Sharon (réflexion ridicule de Steve McQueen
lors d'une party au bord d'une piscine), elle est réduite à donner
du suspense (forcément un peu dégueulasse puisqu'elle est enceinte)
au grand finale.
Son
voisin est un acteur de télé comme a pu l'être Clu Gulager à la
même époque. Rick Dalton (Leonardo Di Caprio) et son chauffeur
Cliff Booth (Brad Pitt) – rien à voir avec le Booth qui assassina
Franklin, comme le suggère Bruce Dern dans son ranch occupé par
Charles Manson et ses adeptes. Or ces acteurs de télé ne fantasment
pas sur Sharon Tate. Rick Dalton rêve seulement de venir à une
soirée piscine dans le but de rencontrer des réalisateurs à la
mode. Le boulot, rien que le boulot.
Cliff
n'est pas non plus excité par sa voisine, même quand il monte sur
le toit de la maison de Rick, qu'il se met torse nu et qu'il a pleine
vue sur la maison de Sharon. Le désir est absent, encore plus que
d'habitude, des films de Tarantino. C'est parce qu'il regarde
ailleurs, il lorgne vers une reconstitution matérialiste de
Hollywood (les enseignes qui s'allument les unes après les autres un
soir, c'est chouette) et sa suite logique la reconstitution de scènes
de tournage où on croise Michael Madsen, Zoë Bell, Kurt Russell
(ces deux derniers en chefs des cascades).
Sur
les réseaux sociaux, y compris parmi mes amis fans de cinéma de
Hong Kong, la séquence avec Bruce Lee (Mike Moh) a fait coulé
beaucoup de commentaires dont le premier d'entre eux était le
racisme crasse. En cause, Cliff qui défonce Bruce Lee, il se
retrouve à fracasser les ailes d'une voiture, puis Cliff se moque de
lui. Dans la salle où j'ai vu le film, c'est le seul moment où la
public riait fort. C'est encore et toujours la même question :
qui est raciste ? Cliff, Tarantino ou le public ? C'était
déjà cette question quand Mel Gibson tabassait Jet Li dans L'Arme
fatale 4.
Le
titre aurait du être Once upon a time in Burbank, le film
s'intéresse plus à la télévision où est désormais employé Rick
Dalton et les studios télé sont à Burbank pas Hollywood. Il aurait
pu bifurquer vers Once upon a time in Cinecitta quand Rick et
Cliff vont en Italie tourner quelques western spaghetti (grâce au
personnage que campe Al Pacino avec un cabotinage particulièrement
plaisant, il occupe la majeure partie de la première demi-heure et
il est bon, ce qui n'était pas arrivé depuis un bon bout de temps).
Bref, on parle peu de cinéma et beaucoup de télévision.
Et
c'est un peu le souci parce que le film se contente longuement de
longues discussions dans des bagnoles sans parvenir à renouveler les
dialogues enlevés que Quentin Tarantino a pu inventé dans Pulp
fiction. Les longues séquences de tournage, telle celle avec Timothy
Olyphant sont terriblement banales voire ennuyeuses comme si le
cinéaste n'avait vraiment rien à dire sur la télévision. Que
reste-t-il alors à faire ? Filmer le visage de Leonardo Di
Caprio pour capturer son immense jeu d'acteur.
L'absence
de sexualité de nos deux bonhommes a une cause, c'est comme si la
télévision leur coupait tout. Rick revient marié de son séjour à
Cinecitta et Cliff pour retrouver sa virilité va dézinguer tous ces
hippies avec l'aide de Rick (lance-flammes et couteaux, symboles
phalliques à tout va). En ce sens, le grand finale qui pratique la
même vision de l'Histoire que Inglourious Basterds est une
catharsis, en gros une immense éjaculation de violence après plus
de deux heures de préliminaire. La scène de jouissance
tarantinienne par excellence.
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