mercredi 14 août 2019

Solo (Jean-Pierre Mocky, 1969)

Longtemps j'ai eu du mal à regarder les films noirs de Jean-Pierre Mocky mais la diffusion par Arte de Solo en hommage au cinéaste permet de revenir à ces films si différents dans le ton de ses comédies (et encore certaines comédies sont particulièrement grinçantes). Disons que Solo est le premier de ses films politiques où il fonce tête baissée dans le Lanterneau. Il ne cessera jamais d'en faire (L'Albatros suite directe de Solo, Un linceul n'ont pas de poches et Y-a-t-il un Français dans la salle sont les plus remarquables).

Solo c'est l'histoire d'un mec perdu dans la suite des événements, c'est-à-dire de Mai 68, jamais nommé autrement que par les terme « événements », comme si un peu plus d'un an après Jean-Pierre Mocky avait bien compris que tout ça c'était déjà du vent, parti en fumée. La preuve, les politicards de Solo continue comme avant, voire pire puisqu'ils se retrouvent dans des partouzes mondaines dans des hôtels de banlieue loin des regards. On meurt assassiné dans ces parties fines et ce Vincent Cabral que joue Mocky va se retrouver embringué dans cette histoire.

Depuis La Tête contre les murs et après avoir entamé sa carrière de cinéaste, Jean-Pierre Mocky n'avait plus été acteur. Son jeu est simple, il incarne ce musicien, un violoniste, par ailleurs voleur de diamants avec une absence d'effets frappants. Tout ce qu'il avait toujours demandé à ses interprètes dans ses comédies est gommé. Il joue neutre, je crois que ce serait le terme le plus adéquat. Il suffit de comparer son jeu, dans les premières séquences, avec celui de R.J. Chauffard, son acolyte dans le crime qui cabotine ses rares moments de comédie.

Le lieu principal de Solo c'est la nuit. Presque tout le film est filmé de nuit et encore mieux en une unité de temps et d'action dans la dernière heure où une folle course-poursuite s'engage entre les flics et ceux qui ont commis l'assassinat des notables par lequel commence le film (séquence tout en « ombres chinoises », une manière particulièrement originale de filmer un gunfight, des meurtres par la suggestion et un montage ultra rapide, certains devraient prendre des leçons de montage – Mocky s'en chargeait – et de mise en place des décors.

Vincent Cabral, le personnage de Mocky, commence le film avec joie, pas mal de sourires et avec un manteau blanc. Il le terminera dans la noirceur la plus totale, à commencer par sa tenue. Le manteau blanc est abandonné en cours de route parce que du sang a giclé sur le tissu. Pantalon et chandail noirs mais il ne faut pas oublier ses cheveux noirs et ce regard qui scrute partout. Sans doute le jeu de Jean-Pierre Mocky et son ambition de cinéaste sont le mieux décrits dans ce regard qui ne cesse d'observer, avec angoisse, ce qui l'entoure.

Et aussi ceux qui l'entourent, à la moitié du film, il embarque dans son périple fatal une jeune femme elle (Anne Deleuze) habillée en noir. Symboliquement, c'est très fort et encombré de sens, ce haut rouge qu'elle porte associé avec ce noir qu'il revêt, ce sont les couleurs de l'anarchisme. C'est justement de l'anarchisme que cette jeune femme se réclame, elle roucoule avec Virgile (Denis Le Guillou, piètre acteur mais présent ici à cause de la co-production belge) et ensemble ils commettent ces attentats où la bourgeoisie doit mourir.

C'est un film court et vif plein de course poursuite de Paris jusqu'à la frontière belge où Cabral et la jeune femme sont poursuivis par deux flics, le commissaire Verdier (Henri Poirier) et l'inspecteur (Christian Duvaleix). Leur rôle est assigné comme suit, Verdier fait avancer le récit mais il est toujours en retard sur le spectateur qui en sait plus que lui, son personnage est très sérieux comme dans un film noir des années 1940. Il reste toujours droit dans ses bottes, il veut rendre justice et arrêter ces attentats anarchistes.


Dans la structure narrative de Solo, Verdier est le pendant positif de Cabral, chacun a ses raisons d'agir ainsi, ils se pourchassent dans un jeu du chat et de la souris en respectant les règles du film noir. L'inspecteur est tout autre, il est celui qui dit ce que tout le monde pense tout bas, c'est à lui qu'est dévolu ces phrases péremptoires qui font la saveur si particulière des films de Mocky, ces commentaires cyniques sur l'état du monde. Ce personnage annonce la longue série de fictions politiques et de polar du cinéma français des années 1970, vraiment plus regardables aujourd'hui contrairement à Solo.






















Aucun commentaire: