Longtemps
j'ai eu du mal à regarder les films noirs de Jean-Pierre Mocky mais
la diffusion par Arte de Solo en hommage au cinéaste permet
de revenir à ces films si différents dans le ton de ses comédies
(et encore certaines comédies sont particulièrement grinçantes).
Disons que Solo est le premier de ses films politiques où il
fonce tête baissée dans le Lanterneau. Il ne cessera jamais d'en
faire (L'Albatros suite directe de Solo, Un linceul
n'ont pas de poches et Y-a-t-il un Français dans la salle
sont les plus remarquables).
Solo
c'est l'histoire d'un mec perdu dans la suite des événements,
c'est-à-dire de Mai 68, jamais nommé autrement que par les terme
« événements », comme si un peu plus d'un an après
Jean-Pierre Mocky avait bien compris que tout ça c'était déjà du
vent, parti en fumée. La preuve, les politicards de Solo continue
comme avant, voire pire puisqu'ils se retrouvent dans des partouzes
mondaines dans des hôtels de banlieue loin des regards. On meurt
assassiné dans ces parties fines et ce Vincent Cabral que joue Mocky
va se retrouver embringué dans cette histoire.
Depuis
La Tête contre les murs et après avoir entamé sa carrière
de cinéaste, Jean-Pierre Mocky n'avait plus été acteur. Son jeu
est simple, il incarne ce musicien, un violoniste, par ailleurs
voleur de diamants avec une absence d'effets frappants. Tout ce qu'il
avait toujours demandé à ses interprètes dans ses comédies est
gommé. Il joue neutre, je crois que ce serait le terme le plus
adéquat. Il suffit de comparer son jeu, dans les premières
séquences, avec celui de R.J. Chauffard, son acolyte dans le crime
qui cabotine ses rares moments de comédie.
Le
lieu principal de Solo c'est la nuit. Presque tout le film est
filmé de nuit et encore mieux en une unité de temps et d'action
dans la dernière heure où une folle course-poursuite s'engage entre
les flics et ceux qui ont commis l'assassinat des notables par lequel
commence le film (séquence tout en « ombres chinoises »,
une manière particulièrement originale de filmer un gunfight, des
meurtres par la suggestion et un montage ultra rapide, certains
devraient prendre des leçons de montage – Mocky s'en chargeait –
et de mise en place des décors.
Vincent
Cabral, le personnage de Mocky, commence le film avec joie, pas mal
de sourires et avec un manteau blanc. Il le terminera dans la
noirceur la plus totale, à commencer par sa tenue. Le manteau blanc
est abandonné en cours de route parce que du sang a giclé sur le
tissu. Pantalon et chandail noirs mais il ne faut pas oublier ses
cheveux noirs et ce regard qui scrute partout. Sans doute le jeu de
Jean-Pierre Mocky et son ambition de cinéaste sont le mieux décrits
dans ce regard qui ne cesse d'observer, avec angoisse, ce qui
l'entoure.
Et
aussi ceux qui l'entourent, à la moitié du film, il embarque dans
son périple fatal une jeune femme elle (Anne Deleuze) habillée en
noir. Symboliquement, c'est très fort et encombré de sens, ce haut
rouge qu'elle porte associé avec ce noir qu'il revêt, ce sont les
couleurs de l'anarchisme. C'est justement de l'anarchisme que cette
jeune femme se réclame, elle roucoule avec Virgile (Denis Le
Guillou, piètre acteur mais présent ici à cause de la
co-production belge) et ensemble ils commettent ces attentats où la
bourgeoisie doit mourir.
C'est
un film court et vif plein de course poursuite de Paris jusqu'à la
frontière belge où Cabral et la jeune femme sont poursuivis par
deux flics, le commissaire Verdier (Henri Poirier) et l'inspecteur
(Christian Duvaleix). Leur rôle est assigné comme suit, Verdier
fait avancer le récit mais il est toujours en retard sur le
spectateur qui en sait plus que lui, son personnage est très sérieux
comme dans un film noir des années 1940. Il reste toujours droit
dans ses bottes, il veut rendre justice et arrêter ces attentats
anarchistes.
Dans
la structure narrative de Solo, Verdier est le pendant positif
de Cabral, chacun a ses raisons d'agir ainsi, ils se pourchassent
dans un jeu du chat et de la souris en respectant les règles du film
noir. L'inspecteur est tout autre, il est celui qui dit ce que tout
le monde pense tout bas, c'est à lui qu'est dévolu ces phrases
péremptoires qui font la saveur si particulière des films de Mocky,
ces commentaires cyniques sur l'état du monde. Ce personnage annonce
la longue série de fictions politiques et de polar du cinéma
français des années 1970, vraiment plus regardables aujourd'hui
contrairement à Solo.
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