mercredi 21 août 2019

La Route au tabac (John Ford, 1941)

C'est le plus mal aimé de tous les John Ford. Patrick Brion dans son anthologie sur le cinéaste sortie en 2002 n'est pas tendre avec La Route au tabac et déteste à peu près tout surtout les cris et beuglements de William Tracy. Dans The Shop around the corner, William Tracy était le coursier Pepi, ce sympathique jeune homme, un an plus tard, devant la caméra de John Ford il incarne Dude Lester le fils cadet de la famille, un jeune adulte encore dans les jupes de sa mère. L'acteur ne fera pas grand chose par la suite, si j'ai bien compris.

Dans La Route au tabac, il est un insupportable gamin en salopette et avec une tignasse qui lui tombe sur les yeux. Dude est le fils de Jetter Lester (Charley Grapewin) et son épouse Ada (Elizabeth Patterson). Ils vivent avec la grand-mère, un personnage fantomatique habillée tout en noir qui traverse de temps en temps le cadre, sans dire un mot. Ada en fin de film se demandera où elle a bien plus passé. Jetter répondra qu'il ira voir, un jour ou l'autre, dans la forêt s'il la trouve. Ça fait déjà une bouche en moins à nourrir.

La plus jeune sœur vit aussi là, Ellie May (Gene Tierney). L'actrice n'a pas encore rencontré Otto Preminger et ça se voit. John Ford ne sait pas bien quoi faire d'elle ni vraiment comment la diriger, alors il la filme le visage tout mâchuré. Il lui donne quatre lignes de dialogue pour tout le film. C'est d'ailleurs amusant de voir Dana Andrews dans un tout petit rôle apparaître dans le film, ils se croisent à peine dans La Route au tabac quand Dana Andrews rend visite au Lester et se retrouveront dans Laura en 1944, c'est un film d'une bien autre trempe.

Un patelin de Géorgie en pleine crise économique, les Lester sont paresseux, le film ne cesse de le répéter du début à la fin mais ils espèrent rester dans cette ferme en train de s'effondrer sur elle-même. En début de film, Jetter traverse tout le village sur cette route du tabac qui jadis a fait la renommée de ce coin d'Amérique. Tout est en ruine et ce qui est en ruine menace chaque jour un peu plus de s'effondrer. John Ford va passer 1h20 à filmer cet effondrement inéluctable sur un mode de comique troupier.

Personne n'est certain dans ce film si ce n'est ce Capitaine Tim que joue Dana Andrews qui aimerait que tout soit encore comme avant. Le premier décor du film que traverse Jetter Lester est justement une immense demeure comme au bon temps. Là vit Henry Peabody (Slim Summerville), assoupi sur le perron quand débarque Jetter avec son vieux tacot déglingué. Dès qu'il évoque le nom de Sister Bessie (Marjorie Rambeau), il fuit prenant ses jambes à son cou. Le gag est répété autant de fois que la bigote entre en scène.

Cette femme, désormais veuve, est revenue au pays. Elle aussi a son running gag, elle chante des chants religieux. Elle sort son sifflet pour donner le ton et entonne son chant, cela a comme résultat immédiat d'arrêter toute activité autour d'elle, d'interrompre ceux qui voulait comprendre ce qui est en train de se passer, car les personnages comme les spectateurs du film, ont du mal à comprendre ce qui se passe sur l'écran. Impossible que John Ford soit allé aussi loin dans le burlesque échevelé avec que des acteurs qui hurlent ou pleurent tel leur gendre joué par Ward Bond.


Le bruit, le chaos, la destruction sont les apanages du jeune Dude Lester. Son unique rêve est de pouvoir klaxonner. Pour ça il faut avoir une voiture et avec l'assurance de Sister Bessie, il va acheter une belle bagnole rutilante qu'il va se faire un plaisir de détruire en une journée en fonçant dans tous les recoins du patelin. Je dois avouer que ce petit côté fast and furious dans l’œuvre de John Ford me plaît beaucoup. Plus essentiel, je ris devant toutes ces bêtises, ces cabotinages de tous ces acteurs. Je devrais pas, mais je ris beaucoup devant ce film.





















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