J'en
faisais la remarque en ce début d'été avec la sortie d'Avant la fin de l'été, le cinéma iranien est en ce moment l'affaire des
exilés, personnages ou cinéastes (parfois les deux). Téhéran
tabou confirme cette tendance, film produit par l'Allemagne par
un jeune cinéaste iranien Ali Soozandeh. L'animation en rotoscopie,
procédé rarement utilisée depuis A scanner darkly de
Richard Linklater, offre la possibilité de créer la ville de
Téhéran, ses rues grouillantes, ses quartiers populaires, sa
grisaille ambiante.
Tout
commence dans un taxi, il neige, une femme avec un enfant grimpe dans
le véhicule, elle porte un foulard rouge sur la tête, chevelure
légèrement apparente. Le conducteur reconnaît son manège, elle se
prostitue. Cette ouverture pourrait être vue comme un hommage à
Abbas Kiarostami, le cinéaste de la liberté des femmes iraniennes
comme de leur absence de liberté, on trouvait une scène similaire
dans Ten. Cette femme, comme toutes les autres de Téhéran
tabou, est la proie des hommes.
Elle
cherche à divorcer, son époux, en prison ne veut pas, elle se
retrouve prisonnière de cette situation. L'imam au tribunal
révolutionnaire refuse d'accéder à sa demande, il en sera de même
pour un emploi (il faut l'autorisation du mari) et pour l'inscription
à l'école de son fils (il faut l'autorisation du mari). Couplet
sempiternel qui reviendra tout au long du film, tout comme ces
questions du photographe sur les raisons de faire une photo,
changeant le fond selon chaque situation.
Notre
mère courage a du répondant, l'imam devient son amant occasionnel,
lui qui prône la fidélité et encourage les bonnes mœurs en
vigueur en Iran. Il lui dégote un appartement et c'est le voisinage
qui entre dans le récit. Un jeune voisin, DJ à ses heures, se voit
refuser d'éditer ses morceaux (pas assez musulmans), il joue dans
des lieux privés où les femmes sont libres de s'habiller comme
elles le veulent, de boire et fumer. C'est là qu'il rencontre une
jeune femme et qu'ils baisent dans les toilettes.
Une
jeune épouse, enfin enceinte, au grand contentement de sa belle-mère
qui ne cesse jamais d'être sur son dos, de lui donner des ordres, de
chercher à l'occuper. Elle aussi voudrait travailler, mais son
époux, à la barbe naissante du croyant en devenir, refuse de lui
donner son autorisation. Le tabou de ce Téhéran est multiple, le
titre aurait pu être au pluriel, la sexualité, le droit de choisir
son destin, la liberté d'expression. Le récit devient de plus en
plus oppressant et le dessin de plus en plus sombre confirmant le
destin bouché des protagonistes.
L'enfant
de la jeune femme au foulard rouge est muet. Son activité favorite
est de lancer des bombes à eau avec un préservatif. Il observe en
silence tout cela. Il est la métaphore du public devant Téhéran
tabou, un spectateur muet parfois souriant quand ses bombes à
eau éclaboussent les personnages les plus sinistres, quand ses
facéties détournent le regard vers un peu de légèreté, mais
c'est un spectateur également pris dans l'étau de la lourde charge
du cinéaste, qui a pourtant bien raison de rappeler ce qu'est l'Iran
de nos jours.
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